Flashback | Ritchey P21 : la légende de l’acier
Par Olivier Béart -
Et si cette période de confinement était l’occasion de ressortir les trésors qui dorment dans la cave et/ou de commencer/terminer des projets de restauration en cours ? C’est ce qu’a fait Ricardo Vaz Palma, un photographe luxembourgeois qui est retourné vivre au Portugal. Depuis toujours, il rêvait d’un Ritchey P21, cadre acier de légende qui a traversé les époques et collectionné les lauriers pendant de longues années. Voici l’histoire de ce bel exemplaire aujourd’hui entièrement remonté.
Avant de vous présenter ce beau Ritchey P21, impossible de ne pas vous dire quelques mots sur son heureux propriétaire. Ricardo est un collectionneur dans l’âme. Photographe, il a quelques beaux appareils historiques dans son salon. Il n’est pas insensible non plus au charme des voitures anciennes. Mais il est aussi et surtout passionné de VTT.
Ricardo vit à Sintra, au Portugal, dans une des plus belles régions du monde pour la pratique de notre sport favori (nous pouvons en attester), où il tient un magnifique gîte « bikers friendly » avec sa compagne Patricia. C’est là que votre serviteur l’a rencontré, à l’occasion de vacances en famille cet été. Il avait quelques beaux projets en cours, comme le (re)montage d’un magnifique Santa Cruz Tazmon (qui fera l’objet d’un autre article) et ce Ritchey P21 qu’il vient de terminer. Confinement de ce mois de mars 2020 oblige, cela donne soudainement du temps…
Ricardo nous explique comment il a déniché ce Ritchey P21 et pourquoi il le voulait tant : « Ce vélo fait partie du top 3 de mes vélos préférés. En juin 2018, après des années de recherche, j’en vois passer un beau sur Ebay, en taille 17″. Petit souci : le gars qui le vend, en Californie, refuse de l’envoyer hors des USA. C’est l’angoisse, je dois trouver vite une solution car je sais que ce genre de cadre ne traine jamais longtemps sur le Web. »
« Par chance, j’avais à ce moment-là dans notre guest-house des clients américains… venus pour rider en enduro au Portugal. Très sympas et passionnés, les gars comprennent de suite comment ils peuvent m’aider. Du coup, 3 minutes et 34 secondes plus tard, je clique sur le bouton « acheter » et je fais envoyer le vélo chez eux, au Texas. Reste à voir comment le faire revenir en Europe sans que cela me coûte un deuxième rein. Et là, de fil en aiguille, j’apprends que les beaux-parents d’un ami habitent en Oregon et qu’il va bientôt aller leur rendre visite. Chouette, il va pouvoir le reprendre dans ses valises ! Bon, le vélo a finalement fait Californie > Texas > Oregon > Namur (Belgique) > Luxembourg et enfin Sintra (Portugal), et tout cela a pris 6 mois, mais je l’ai enfin, mon Ritchey P21 ! »
Reste « juste » à le monter, car le vélo n’est pas complet, c’est plutôt un kit cadre avec des composants un peu disparates. « Je me suis mis à chercher des pièces en parfait état – « NOS » dans le jargon – pour le remonter avec des composants cohérents avec l’époque. J’ai beaucoup cherché, cela m’a permis de faire de belles rencontres virtuelles avec d’autres passionnés parfois très loin d’ici, et j’ai aussi eu la bonne surprise de recevoir quelques cadeaux de potes passionnés et emballés par le projet, qui sont allés fouiller dans leurs vieux stocks pour me retrouver des composants sympas. Au total, tout cela m’a pris… près d’un an ! »
Le Ritchey P21 de Ricardo date de 1996. Il ne s’agit donc pas d’un des premiers vélos de la marque, loin s’en faut, puisque Tom Ritchey fut un des pionniers du mountainbike. Soudeur de talent, c’est lui qui a construit quelques-uns des premiers « vrais » VTT et on le considère aussi souvent comme un des premiers producteurs de VTT « de série » à la fin des années 70′ avec Gary Fischer et Charlie Kelly (si le sujet vous intéresse, nous sommes allés à la rencontre de ces pionniers du mountaibike et nous leur avons consacré un grand dossier dans notre ouvrage Vojo Magazine, Volume 2).
Il y a eu plusieurs versions du P21, toujours en acier bien sûr (Tom Ritchey n’a jamais juré que par ce matériau), certaines brasés et d’autres soudés. Ici, c’est une version soudée. « Quand j’ai commencé le VTT en 1991, c’était déjà le vélo qui raflait toutes les victoires, mais il était totalement inaccessible pour moi à l’époque. On le disait hyper maniable, stable en descente, hyper confortable. C’était la formule gagnante quand les suspensions n’en étaient encore qu’à leurs balbutiements. Le Tange Prestige, acier mythique, faisait des miracles avec l’expertise de Tom Ritchey. Bon, en 1996, il n’en soudait sans doute plus beaucoup lui-même, mais les cadres étaient toujours soudés à la main aux USA. »
Mais 1996 est une année particulière pour Ritchey, puisque c’est l’année où Thomas Friscknecht a conquis son titre mondial VTT au guidon de ce vélo. « Je me suis rapproché du montage de Frischi à certains égards mais je n’ai pas cherché à le copier en tous points. Tout d’abord, c’était déjà compliqué de remonter ce vélo de manière cohérente et cela l’aurait été encore plus. Mais surtout, je suis un inconditionnel du Shimano XTR et je voulais absolument des freins V-Brakes sur ce vélo, pas des cantilevers. »
La fourche est une RockShox Judy SL de 1995 avec 63mm de débattement, une des premières fourches suspendues vraiment efficaces du marché et l’ancêtre de la célèbre SID. Elle a gardé son support central pour Cantilevers sur l’arceau. Il disparaîtra par la suite (dès 1998 si nos informations sont exactes).
On l’a dit, Ricardo est un fan du groupe Shimano XTR, et on a donc ici un groupe complet 3×8 vitesses.
Seule exception : le pédalier (quasi neuf) qui est un Ritchey Logic offrant des développements plus compacts que le XTR. Les pédales sont aussi des Ritchey.
Les périphériques aussi sont bien évidemment des Ritchey. Ce n’est pas tant le poste de pilotage qui a été difficile à dénicher… que l’ensemble selle-tige de selle. « La tige de selle est une Ritchey WCS Nitto Japan en diamètre 27mm. J’ai mis près de deux ans à la trouver ! La selle est également très rare. Je viens aussi de trouver un cintre ProLite WCS plus sympa que l’actuel. »
Enfin, les roues sont un montage sur moyeux White Brothers, avec des jantes Mavic 217, le haut de gamme XC de l’époque. Les pneus sont les mythiques Ritchey Z-Max.
Et voilà donc le résultat de ce magnifique montage que Ricardo vient de terminer, et qui ne pèse que 10,4kg. Bientôt, nous vous présenterons le Santa Cruz Tazmon qui tient compagnie au Ritchey dans le garage de notre homme !
Retrouvez nos autres reportage sur des vélos ayant marqué l’histoire : https://www.vojomag.com/?s=flashback