Flashback | 20 pépites de l’expo VTT vintage de la Forestière 2022
Par Olivier Béart -
Après le succès de l’expo du Concours de Machines qui a animé le village d’arrivée en 2021, la Forestière a choisi de miser sur sa riche histoire et de renouveler son partenariat avec Génération Mountainbike pour organiser une grande expo sur le thème du VTT vintage. Résultat : 20 pièces exceptionnelles ont été réunies par cette association de passionnés de VTT anciens pour retracer l’histoire de notre sport. Vojo y était et votre serviteur a même eu la chance de voir quelques vélos de sa collection retenus dans le panel. Attention les yeux et apprêtez-vous à voir ressurgir pas mal de souvenirs !
Concepts un peu fous, évolutions progressives, réelles innovations : regarder dans le rétroviseur est aussi utile pour comprendre ce qu’est devenu le VTT aujourd’hui et à se rendre compte des progrès effectués durant toutes ces années. Les membres de l’association Génération Mountainbike n’ont pas attendu que le vintage ait le vent en poupe pour s’y intéresser. La plupart des membres sont des collectionneurs passionnés de la première heure, même si de plus en plus de petits nouveaux les rejoignent. C’est tout naturellement que la Forestière a fait appel à eux pour organiser cette expo et une série d’autres activités sur cette thématique historique.
Au cœur du village exposant, on pouvait donc admirer 20 VTT mythiques qui ont marqué l’histoire de notre sport. Les voici présentés par ordre chronologique avec quelques mots d’explication :
Schwinn Cruiser – 1978
Datant de 1979, c’est l’ancêtre des premiers VTT. Il s’agissait à l’origine de vélos de plage, robustes et dotés de gros pneus, parfaits pour s’aventurer hors de l’asphalte.
Potence BMX, guidon adapté, vitesses : il y avait déjà quelques évolutions qui les rendaient plus aptes à la circulation sur les sentiers. Notez aussi les freins à tambour, qui étaient ce qui se faisait de plus efficace à l’époque mais qui nécessitaient un entretien fréquent et qui pouvaient chauffer (d’où le nom de « Repack » pour la première course de VTT organisée en Californie, faisant référence à la nécessité de recharger ses freins en graisse, qui avait tendance à disparaître avec la chauffe).
Motobecane MT Becane – 1984
S’il existait déjà des pratiques off-road en Europe avant les années 80′ (on pense bien sûr au cyclocross mais aussi à du « quasi VTT » avec des petites motos dont le moteur avait été retiré ou quelques vélos militaires à gros pneus par exemple), les premiers VTT sont réputés être arrivés des USA chez nous vers 1983. L’année suivante déjà, les premiers VTT français voyaient le jour, et ce Motobecane a été un des précurseurs.
Le cadre et la fourche sont en acier Columbus, et on remarque aussi une transmission déjà plutôt bien adaptée au VTT avec un dérailleur Sachs Huret 5 vitesses et un pédalier 3 plateaux Specialites TA. Tout cela est très majoritairement made in France, preuve qu’il y a eu dès le début une réelle industrie du vélo, et du VTT dans l’Hexagone.
Ibis Custom – 1985
Même si les marques Européennes se mettent de plus en plus au VTT, les USA et la Californie en particulier restent l’épicentre mondial du VTT. De nombreuses marques y sont créées, dont certaines sont devenues mythiques aujourd’hui. C’est le cas d’Ibis, marque fondée par Scott Nicoll, un des pionniers du VTT. Vous avez ici sous les yeux le 187e Ibis de l’histoire, construit en 1985.
Comme son nom l’indique, « custom », la marque était à l’origine spécialisée dans la réalisation de vélos sur mesure et montés à la carte. Tous les premiers Ibis sont donc uniques, et son exclusivité est ici renforcée par la présence de pièces comme les fameux freins « roller cam » ou encore ce très original dérailleur Suntour à trois galets. Ce vélo fait partie de la collection Vojo et nous aurons l’occasion de vous en reparler très bientôt !
Hannebrink SE Shocker – 1986
Conçu par Brian Skinner et Dan Hannebrink, ce VTT est un des tout premiers dotés d’une suspension arrière. On remarque d’ailleurs de manière assez amusante que les premières tentatives de suspension d’un VTT se sont concentrées d’abord sur l’arrière, dès le milieu des années 1980, alors qu’il a fallu attendre 1989 pour voir sortir la première fourche suspendue de série.
La suspension est de type « full floater » avec un amortisseur pneumatique. Le support de la biellette est simplement vissé à l’aide d’une mâchoire sur le triangle avant et un levier de type blocage rapide permet de bloquer le tout au pédalage… déjà ! Pour laisser de la place à ce volumineux système sans trop allonger les bases et pénaliser la maniabilité du vélo, une roue de 24 pouces prend place à l’arrière, alors que l’avant reste en 26 pouces. Eh oui, déjà du « mulet » également !
Scrambler – 1986
A une époque où l’acier régnait en maître, Scrambler a été parmi les premières marques à proposer des cadres en aluminium. Fondée par Vincent Lafaye, la marque était située dans la région de Lyon. Les tubes utilisés ici provenaient de chez Péchiney. Rachetée par Lapierre, la marque a disparu au milieu des années 1990.
American Breezer – 1988
On reste dans l’aluminium, mais on va cette fois de l’autre côté de l’Atlantique. Joe Breeze a été un des pionniers du VTT et il est également le concepteur du premier cadre spécifique VTT de l’histoire. Connu pour être un fin technicien, inventeur et metteur au point, il a beaucoup travaillé l’acier. Mais il a toujours considéré que l’aluminium était le matériau idéal pour le VTT. Cet American Breezer de 1988 est le témoin de ses recherches sur ce matériau à la fois léger et rigide.
Le montage de ce modèle est également exceptionnel, avec notamment un superbe pédalier Cook Bros poli. Et l’état de la machine est aussi tout à fait remarquable compte tenu de son âge.
Kestrel MXZ – 1989
Après l’acier et l’aluminium, place au carbone ! Les premiers cadres en fibres sont déjà apparus à la fin des années 80′. Imaginé par Brent Trimble (qui a aussi produit des cadres-poutre en carbone sous son propre nom), le Kestrel MXZ est un des tout premiers représentants du genre.
Ses lignes arrondies étaient révolutionnaires pour l’époque. Il adoptait un design de type « elevated chainstays » qui permettait de raccourcir les bases. Cela ne se voit pas avec la peinture, mais la fourche Bontrager dispose aussi de bras en composite.
Ferraroli California – 1991
La marque suisse Ferraroli comptait sans aucun doute parmi les plus prestigieuses au début des années 90′. Sur le California, modèle haut de gamme, les tubes en acier Tange Prestige sont assemblés par raccords brasés à l’argent dans les ateliers de la marque en Suisse. La peinture, entièrement faite main, est unique pour chaque vélo !
Cette machine, avec laquelle Julien Rebuffet, président de Génération Mountainbike, a roulé les 40km de la rando vintage de la Forestière 2021, est quasi identique à celle que roulait le pilote sudiste Jacques Devi à cette époque. Avant de défrayer la chronique judiciaire, il a été multiple vainqueur de la Transvésubienne notamment. Le cintre très étroit, les leviers de freins aux extrémités limées et le grand flasque en carbone dans la roue arrière ont une fonction bien précise : faciliter le roulage dans les sentiers très étroits du Sud et éviter que les branches de la végétation aride ne viennent coincer le pilote ou sa machine.
Emery Onyx – 1992
Le fabricant de skis Emery, basé à Grenoble, s’est lancé dans le VTT au début des années 1990 avec pour but de proposer des machines « inventées pour le plaisir ». Il y a aussi eu des cadres en titane dans la gamme, mais ce modèle Onyx est en acier Tange Prestige.
Cet exemplaire en état « concours » est monté avec le groupe haut de gamme Suntour XC Pro, grand concurrent du Shimano XTR à l’époque.
Gary Fisher RS-1 – 1992
Suspension intégrale, freins à disques : oui, oui, on est bien en 1992 ! Gary Fisher, à l’origine de quelques-uns des premiers VTT « de série » avec sa marque Mountainbike (co-fondée avec Charlie Kelly), confirme son statut de visionnaire avec cette machine qui restera comme un des tout premiers VTT tout-suspendus de l’histoire.
Le Gary Fisher RS-1 est doté d’une suspension arrière de type Lawwill qui comprime deux tampons d’élastomètres, elle n’est pas compatible avec des freins sur jante classiques à cause de son déplacement. Cela explique la présence de freins à disques Pro Stop. Ces derniers sont dotés de disques en aluminium flottants ! On note aussi la présence d’un rare groupe Campagnolo Euclid VTT, y compris pour le moyeu arrière spécifique disque… une rareté pour l’époque. La fourche est une Mountain Cycle inversée.
ManuFrance Menzenc – 1992
Ce ManuFrance Menzenc pousse très loin le concept du « made in France » : des tubes jusqu’aux composants, quasiment 100% de l’ensemble que vous voyez sur ce vélo provient de l’Hexagone.
Cadre et fourche sont soudo-brasés, la transmission est une Sachs-Huret avec pédalier Stronglight Rockstrong, et le jeu de direction et la tige de selle proviennent de chez Mavic.
Mountain Cycle San Andreas – 1992
Sorti en 1992, le Mountain Cycle San Andreas a été parmi les vélos qui ont marqué l’histoire du VTT de descente, avec une conception vraiment pensée pour cette discipline et clairement inspirée de la moto. Le cadre-poutre typique de la marque est fait de deux demi-coques d’alu, sur lequel se greffe un tube de selle boulonné. On remarque un point de pivot haut (tiens, tiens) sur lequel vient prendre place un bras oscillant en forme de « banane » très populaire sur les premiers vélos de DH. La fourche est une Mountain Cycle inversée comme sur le Gary Fisher RS-1.
Ce vélo a pour particularité d’être dans le Jura depuis 30 ans, puisqu’il provient directement du magasin de Michel Forestier (à l’origine de la Forestière). Il est « NOS » (new old stock) puisqu’il n’a jamais roulé et il n’avait plus quitté le showroom du magasin (aujourd’hui fermé) de Fofo depuis très longtemps. Il ne doit pas en rester beaucoup comme cela dans le monde, c’est certain !
Otis Guy Softride – 1992
Si pour la descente, on a très vite compris qu’il fallait suspendre non seulement le pilote mais aussi le vélo, certains ont eu l’idée de suspendre uniquement le pilote pour avoir du confort tout en gardant le rendement d’un vélo tout rigide. C’est l’idée du concept SoftRide constitué d’un long tube de carbone et de fibre de verre qui vient soutenir la selle, tout en offrant plusieurs centimètres de débattement. La potence est quant à elle constituée d’un parallélogramme déformable avec un petit ressort au milieu. Il est amusant de constater qu’on voit ressortir aujourd’hui ce genre de potence pour le gravel (chez BMC et Cane Creek notamment).
Le SoftRide a été très populaire aussi en triathlon et plusieurs marques l’ont utilisé en VTT (Ritchey, Breezer, etc). L’exemplaire exposé ici est un très rare Otis Guy, du nom du fondateur de la marque qui est basé à Fairfax. Il a été un des pionniers du VTT et il a remporté la fameuse Repack Race à l’époque. Il continue toujours de produire des cadres VTT au compte-gouttes aujourd’hui et il se consacre énormément à la formation des jeunes. Ce vélo fait partie de la collection Vojo et nous reviendrons prochainement beaucoup plus en détails sur son histoire !
SBike 829 – 1992
Encore un tout-suspendu mythique du début des années 1990 ! Conçu entre la Suisse et les USA, ce vélo est devenu par la suite champion du monde de descente aux mains d’un certain Nicolas Vouilloz.
Le cadre-poutre était fabriqué en Italie. Il est ici monté avec une fourche RockShox Mag20, première évolution de la RS-1 qui restera comme la première fourche suspendue de série. Comme le Mountain Cycle montré plus haut, ce SBike est aussi issu de la collection de Michel Forestier. Par contre, celui-ci n’est pas neuf et a bien été roulé dans le Jura !
Boulder Bicycles Intrepid Ti
Le Boulder Intrepid a été un des premiers tout-suspendus efficaces pour un usage autre que celui de la descente pure et dure. Et en plus, quel look ! Il était disponible en acier, en alu et aussi dans une très rare version titane comme celui présenté ici. Qui a en plus pour particularité d’être peint… et même d’être peint de deux manières différentes sur ses deux faces !
Sur le Boulder Intrepid, l’amortisseur Risse Racing est intégré (eh oui, déjà !) au tube supérieur. C’est un maillon de chaîne de moto qui assure la liaison avec le bras arrière.
Yeti ARC AS-LT – 1994
C’est un vélo que vous avez déjà vu sur Vojo, puisqu’il avait été amené par son propriétaire (Sylvain Ruelle, mécano pour l’équipe de France) dans les paddocks des championnats du monde aux Gets (voir : Worlds 2022 | Les paddocks de DH . Mais on ne résiste pas au plaisir de vous montrer une nouvelle fois ce Yeti ARC AS-LT.
Il s’agit de l’évolution du premier Yeti tout-suspendu, le ARC AS, qui offre plus de débattement comme son nom l’indique (LT = long travel). Il avait pour but de permettre aux pilotes de mieux performer en descente, et notamment lors de la terrible et très rapide Kamikaze, remportée par Myles Rockwell au guidon du même modèle.
Ritchey Softail – 1996
Afin de marier confort et performance, le « softail » a eu le vent en poupe au milieu des années 90 sur des cadres en titane, ou en acier comme ici. Le principe ? On joue sur la déformation du triangle arrière, sans point de pivot, et on place un petit amortisseur entre les haubans et le tube de selle. Cela donne 2 à 3cm de débattement sans trop pénaliser le poids de la machine, ni le rendement.
Ce vélo est une reproduction quasi exacte réalisée en hommage à la machine utilisée par Thomas Frischknecht lors du championnat du monde VTT à Cairns en 1996. S’il a terminé 2e derrière Jérôme Chiotti, il a ensuite récupéré le titre mondial après les aveux de dopage du Français. Il s’agit donc historiquement du premier tout-suspendu champion du monde de XC l’histoire !
Cannondale Raven 4000 SL – 1998
Sur base du Super V, tout suspendu en alu déjà mythique, Cannondale a poussé le rêve encore plus loin avec son légendaire Raven doté d’un spectaculaire triangle avant composé de deux coques carbone collées sur un squelette en aluminium. Votre serviteur a une relation très particulière avec ce modèle, puisque le Raven a été son tout premier vrai bon VTT !
Vous avez ici sous les yeux la version 4000 SL, la plus haut de gamme, équipée de tout ce qui se faisait de mieux à l’époque : roues Mavic CrossMax, transmission XTR, pédalier Coda Magic ou encore les spectaculaires freins Avid Arch Ultimate… On ne sait plus où donner de la tête !
Ibis Bow Ti – 1998
Encore plus spectaculaire que le Raven, oui, ça existe ! Entièrement en titane, l’Ibis Bow Ti offre quasiment 120mm de débattement avec une suspension de type « triangle arrière unifié » (comme sur le Klein Mantra ou les Trek Y)… sans le moindre point de pivot ! Tout se joue sur la souplesse du titane et la forme très particulière du cadre, ce qui en fait une sorte de super softail !
Il n’y en aurait qu’une centaine d’exemplaires au monde, et cet Ibis Bow compte sans aucun doute parmi les VTT « youngtimer » les plus recherchés.
Bianchi Team Thomas Dietsch – 2000
Enfin, on boucle la boucle de cette exposition grâce à une pièce exceptionnelle issue de la collection personnelle de Thomas Dietsch. Il s’agit du Bianchi avec lequel il a non seulement remporté une de ses 7 victoires sur la Forestière en 2000, mais aussi du vélo avec lequel il a remporté son unique titre de champion de France XC la même année.
Thomas était parmi les premiers à utiliser les CrossMax UST, qui ont été les premières roues tubeless du marché. Remarquez aussi la mythique RockShox SID à l’avant et l’énorme potence Club Roost, la seule assez longue et assez rigide pour le très grand Thomas.
Et ce n’est pas tout !
Dans les allées du salon de la Forestière et sur le stand de Génération Mountainbike, on pouvait aussi admirer quelques autre perles, que nous ne résistons pas à vous montrer ici ! C’est le cas notamment de ce Gitane titane prototype également amené par Thomas Dietsch. Il s’agit d’un vélo qu’il a roulé en 1994. Admirez la roue arrière disque Sugino dont tout le monde rêvait à l’époque (avec la Tioga du même concept), ornée en plus ici de pneus Michelin Service Course.
Romuald, alias monsieur Classic Repro (spécialiste de la reproduction d’accessoires VTT vintage) était venu avec un Merlin drop bar (photo ci-dessus) et un Litespeed de sa collection, en plus des pièces retenues pour l’exposition.
Terrence Malone, alias monsieur Terra One (concepteur de pneus à l’esprit vintage, parfaits pour remonter ses vélos anciens avec des gommes neuves conçues dans l’esprit d’époque), était aussi là. Passionné de Ferraroli, il avait amené avec lui un exemplaire rarissime.
Autre vélo rarissime, ce Cunningham amené par un passionné Suisse et dont nous vous reparlerons très bientôt.
Les membres de Génération Mountainbike ont aussi animé la zone d’arrivée avec quelques concours à l’ancienne, comme le « limbo bike » qui a énormément amusé les enfants. Malgré leur petite taille, aucun n’est arrivé à s’approcher du record de Bernard Bon qui a placé la marque à 56cm dans les années 90’ ! Présent à la Forestière, il a ressorti le vélo de son record et il a encore réussi à passer sous une barre à 80cm !
Enfin, la Forestière Vintage a aussi été marquée par une soirée mémorable au cours de laquelle 12 grands noms qui ont marque l’histoire du VTT Hexagonal ont été intronisés au « French MTB Hall Of Fame », pendant du MTB Hall of Fame américain. Il s’agit de : Jacky Aubert, Eric Barone, Raymond Crozet, Thierry Girard, Olivier Goirand, Christian Legros, Eric Achard, Olaf Candau, Marc Teychène, Gérard Bastide et Marc De Baudoin.
Rendez-vous l’année prochaine pour la 32e édition de la Forestière avec, qui sait, une nouvelle expo vintage pleine d’autres pépites !
Pour vous replonger dans l’ambiance de la Forestière marathon et de ses magnifiques paysages, rendez-vous dans notre grand portfolio : La Forestière 2022 : l’essence du VTT dans les montagnes de l’Ain et du Jura
Et pour plus d’infos sur une partie des vélos présentés dans cette expo, et bien d’autres, rendez-vous dans le musée virtuel de Génération Mountainbike : https://generationmountainbike.com