Espero | Decathlon : de l’innovation à l’éco-conception

Par Romain Viret -

  • Staff pick

  • Tech

Espero | Decathlon : de l’innovation à l’éco-conception

L’éco-conception : méthode de conception qui consiste à intégrer la protection de l’environnement dès la conception des biens ou services. Elle a pour objectif de réduire les impacts environnementaux des produits tout au long de leur cycle de vie : extraction des matières premières, production, distribution, utilisation et fin de vie. Le géant du sport Decathlon, qui tente de rendre accessible le sport à tous, en a fait un de ses objectifs principaux. On vous explique :

S’il y a bien une enseigne de sport que tout le monde connaît dans les pays francophones (et plus largement en Europe), c’est Decathlon. Depuis l’ouverture en 1976 du premier magasin à Englos, le concept né dans l’esprit de Michel Leclerc (aidé de ses six amis : Didier Decramer, Stéphane Delesalle, Nicolas Dubrulle, Stanislas Ernoult, Hervé Valentin et Benoit Poizat) a conservé son ADN : rendre le sport accessible à tous.

Pour le premier opus d’Espero, nous vous présentions le concept de notre série au travers de la (petite) marque Picture et sa volonté de faire différemment…en bien. Celle-ci est bien plus jeune que Decathlon et a donc vu le jour dans une époque où la conscience écologique était déjà bien plus au centre des préoccupations de tout le monde par rapport aux années 70.

Pour l’enseigne bleue, qui compte actuellement plus de 1700 magasins répartis dans 72 pays, dire que cette envie de conscience était là dès le début serait mentir, mais malgré tout, la marque a fait partie des premières (en son genre) à s’intéresser à l’impact qu’elle pouvait avoir sur l’environnement (pour des raisons économiques ou par simple conscience écologique, on laissera le bénéfice du doute à leur avantage).

Maintenant, ses objectifs sont clairs, réduire son impact sur la biodiversité d’un point de vue global, ses émissions de CO2, les pollutions plastiques et enfin responsabiliser les employeurs et les entreprises sur les conditions de leurs employés. Pour comprendre les actions mises en place par ce géant du sport, nous sommes allés à la rencontre des équipes de conception textile Rockrider au B’twin Village à Lille.

Quelle est la réflexion qui a mené à cette action ?

Après avoir réalisé son premier bilan carbone global en 2013, Decathlon intègre officiellement le développement durable dans ses axes stratégiques (éléments qui établissent une cohérence entre les activités, les moyens et les ressources disponibles et potentiels d’une entreprise) en 2016.

Mais si l’on remonte dans leur histoire, dès les années 90 (1992 pour être exact), Decathlon se lance déjà dans le concept d’éco-conception en travaillant sur les emballages. Il faudra attendre tout de même 2006 pour que les premiers produits à bénéficier d’éco-conception arrivent en magasin.

Depuis un certain temps (courant 2000), Decathlon a lancé de nombreux audits auprès de ses fournisseurs, des sites de production ou même en interne pour essayer de tracer, challenger et les encourager à travailler sous des méthodes moins impactantes pour l’environnement (avec des énergies renouvelables ou le traitement des eaux par exemple).

D’un point de vue social, Decathlon tente aussi de faire avancer les choses avec comme exemple des audits sur l’état des bâtiments dans les usines ou l’internalisation d’une charte « Responsabilité Humaine en production » en 2009.

Pourquoi cette action ? Pour quelles raisons ?

Le choix de l’éco-conception est simple. C’est la solution la plus efficace et la plus facile à contrôler par Decathlon eux-mêmes, et quand on imagine le nombre de pièces vendues par plus de 1700 magasins et sur internet, le moindre effort réalisé a un impact énorme.

Prenons l’exemple d’un cuissard. Anaïs Redouté, ingénieur produit mousse et pads, nous explique :

« Dans un cuissard, la peau représente 5 à 30 % de l’impact CO2 du produit fini. Ma mission cette année n’était pas de travailler sur de la recherche et développement pour un nouveau produit à proprement parler, mais bien de trouver une ou plusieurs solutions pour réduire l’impact environnemental de cette pièce. »

« Pour faire simple, une peau est composée de plusieurs tissus et de mousse sous différentes couches et densités ; le tout collé entre eux. C’est une pièce qui n’est pour le moment pas recyclable car très complexe (voire impossible) à délaminer (séparer les couches les unes des autres). »

 

« Nous avons remplacé le tissu en polyester vierge (matière synthétique fabriquée à base de pétrole) par un tissu en polyamide recyclé (matière organique), mais aussi et surtout retiré une couche de tissu qui, jusque-là, était utilisée pour soi-disant maintenir toutes les couches ensemble. Mais il s’est avéré qu’elle était non nécessaire.Pour finir, la colle à base de solvant a été remplacée par une colle à base d’eau.

C’est comme ça que Decathlon a réduit l’impact CO2 d’une de ses peaux de 40 %, représentant (selon leurs estimations) 554 tonnes de CO2 sauvées rien que sur l’année 2025 avec l’éco-conception d’une partie d’un produit. Si l’on reporte ça au produit final avec comme exemple un cuissard court à bretelles, cela représente une diminution de 9 % de son impact CO2 total. Et quand on produit des volumes importants comme chez Decathlon, cela compte vraiment. »

Juste avant, nous vous parlions du fait que Decathlon challengeait ses fournisseurs pour les encourager à les soutenir dans leurs démarches. Voilà un exemple de Léa Minnaert, designer textile, formée et spécialisée dans le « minimal waste design » (conception minimisant la production de déchets) :

« Lorsqu’on fabrique des vêtements, généralement, on vient découper nos patrons dans de grands rouleaux de tissu, le but du jeu pour moi, c’est de réussir à concevoir les produits pour que les formes des patrons s’imbriquent parfaitement et que toute la largeur du rouleau soit utilisée pour fabriquer le vêtement. En fait, c’est un peu la même chose que lorsque l’on fait des mini quiches. On a notre grande pâte étalée et avec notre emporte-pièces, on va essayer de le placer de manière à ce qu’on puisse en faire le plus possible et qu’il y ait le moins de déchets.

Le taux de tissu utile par rapport au tissu inutile, c’est ce qu’on appelle l’efficience du rouleau et avec le travail des différentes équipes, il était de 82 % (utile) en 2023 passant à 82,6 % en 2024 et avec comme objectif d’atteindre 85 % en 2025. Pour atteindre cet objectif, nous avons mis en place une méthode et une formation accessibles à tous les concepteurs de Decathlon. on s’est rendu compte que, dans la plupart des cas, plus le rouleau est large, plus l’efficience du produit est bonne. Nous sommes en train de réfléchir avec les équipes composants et les fournisseurs pour inclure cette notion de « largeur de rouleau«  dès la conception du composant, ce qui veut dire prêter attention au gabarit de la machine utilisée (la largeur dépend directement du type de machine utilisé pour le produire et de sa taille). Et puis d’un autre côté, qui dit meilleure efficience et moins de gâchis, dit moins d’achats de matière première, donc des économies. Comme ça tout le monde y trouve son compte ! »

Et pour l’avenir, il reste quoi à faire ?

En continuant d’avancer sur les points cités juste au-dessus et d’essayer de trouver d’autres solutions, Decathlon s’engage et pose des objectifs ambitieux (mais nécessaires) notamment en souhaitant réduire de 42 % (par rapport à 2021) ses émissions absolues de GES (gaz à effet de serre). Qu’il s’agisse d’émissions directes, indirectes, dépendantes ou indépendantes (scope 1, 2 et 3) d’ici à 2030. Allant même jusqu’à atteindre 90 % de réduction des GES en 2050.

En ce qui concerne un peu plus directement les utilisateurs, d’ici 2026, tous les produits bénéficieront d’éco-design avec un accent sur la durabilité et des solutions de réparations. Decathlon souhaite porter une attention particulière sur le fait que les articles qui nécessitent une réparation soient bien traités et qu’ils ne soient plus simplement remplacés par des neufs.

Au final on le sait très bien – et comme Léa et Anaïs l’ont si bien dit – le produit qui ne pollue pas, c’est celui qui n’est pas fabriqué !

Espero est une nouvelle rubrique de la rédaction dédiée aux initiatives positives dans le monde du vélo. Plutôt qu’un tribunal, c’est une tribune : un espace de dialogue autour des actions encourageantes (écologiques, sociales, …) des marques. « Espero », qui signifie « Espoir » en espéranto, vise à diffuser un message optimiste, encourageant les bonnes pratiques sans prétendre juger, mais en valorisant les efforts pour en inspirer d’autres à suivre le mouvement.

Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site dédié : Decathlon Engagements ou sur le site Decathlon.

ParRomain Viret