Entre ciel et mer : la Grande Traversée du Pays basque à VTT

Par Pierre Pauquay -

  • Nature

Entre ciel et mer : la Grande Traversée du Pays basque à VTT

La Grande Traversée du Pays basque à VTT permet de découvrir une région entre mer et montagne. Et s’engager dans ces montagnes basques promet une belle aventure. Longue de 213 km, elle se clôture au bord de l’océan Atlantique. Vojo s’est empressé de découvrir l’une des plus belles et des plus engagées traversées à VTT de France.

La route fut interminable… Le Pays basque, situé aux confins de la France, se mérite. A Bayonne, il faut encore entrer à l’intérieur du pays pour atteindre Saint-Jean-Pied-de-Port, port d’attache et porte d’accès des pèlerins vers le Chemin de Compostelle.

Saint-Jean-Pied-de-Port, lieu incontournable pour ceux qui se lancent sur le Chemin de Compostelle.

Il sera mon lieu de départ pour cette belle itinérance à travers la montagne basque. Le soir, à la chambre d’hôte Iputxainia d’Ascarat, j’échange les premières expériences avec les randonneurs autour de la table de terroir. Je goûte à la piperade (omelette aux piments d’Espelette), au jambon de Bayonne, au fromage de brebis et au vin d’Irouléguy. Avec l’hospitalité des propriétaires, ces agréables rencontres sont comparables aux instants privilégiés qui vont illuminer mes jours suivants au Pays basque. Outre ces personnes, mes guides, Nicolas et Alex me laisseront les plus belles images du Pays basque.

Luxuriance…

Au matin, il me tarde de toucher à cette montagne basque. Saint-Jean est le carrefour d’un monde : les chemins jacquaires provenant de Tours, de Vezelay ou de Puy en Velay aboutissent dans ce lieu. Tous les pèlerins prendront la route vers Navarrae et traverseront les Pyrénées via le col de Roncevaux. Je laisse ces randonneurs vers leur voyage intérieur et entame le mien en compagnie de Nicolas Watteau, le concepteur de cet itinéraire. Il ne paraît pas bien grand avec ses 6 étapes, mais il va se montrer coriace et difficile à boucler. Du VTT tel que Vojo l’apprécie, sur sentier naturel et sauvage…

Rien n’est plus vert que le Pays basque… Je gravis avec Nicolas le chemin escarpé qui se pare des plus belles nuances, direction le col d’Urdanzia. La vallée exalte sa beauté dans un étrange vert-bleu. Les montagnes dominent les petits villages blancs, situés 700 mètres en contrebas. Sur les côtés du chemin, je perçois une profusion de plantes et de fleurs. Ces monts pelés perturbent mes repères. J’ai le sentiment de rouler à 2000 m d’altitude et pourtant l’altimètre marque seulement 800 m. La lecture de la carte IGN ne trompe guère ; le resserrement des courbes de niveau impose des côtes, raides et redoutables. D’Urdanzia, nous roulons vers les crêtes de Beharria jusqu’au sommet du Munhoa, situé à 1023 m d’altitude. Il présente sa face est : nous gravissons tout droit dans sa pente, le portage est obligatoire.

Dès les premiers kilomètres, la Grande Traversée du Pays basque file vers les crêtes d’Urdzanzia.

Des vallées perdues

La montagne est rude comme les Basques, ces hommes à la fois montagnards et marins. Le premier homme à effectuer le tour du monde n’était-il pas Basque ? Juan Sebastian Elcano, le capitaine qui succéda à Magellan mort aux Philippines, emmena le reste de la flottille à bon port, en l’an 1522… Plus tard, les Basques chasseront la morue vers l’Islande et Terre-Neuve et la baleine vers les Quarantièmes Rugissants. Ici l’eau et la terre se sont mêlées pour créer des montagnes luxuriantes. Je crois voir au sommet des alpages : il n’en est rien. Ils ne sont pas dépouillés mais recouverts de fougères qui tapissent les flancs. Le large chemin se serre, devient ténu. J’entre par la petite porte dans la luxuriance. Je tente de suivre le pneu arrière du vélo de Nicolas qui se perd dans les broussailles. Nous roulons à l’estime : heureusement, le balisage veille ! Derrière nous, les fougères se referment et cachent toute trace de notre passage.

Dans la descente, je me rends vite compte que la technicité et le dénivelé vont imposer de longues heures de selle. La montagne me happe, elle est dévoreuse et pompe nos forces. Le sentier se fait boueux, chaotique. Je plonge dans une vallée sans nom, celle où nous rejoignons un hameau perdu, Espila. Là, une habitante nous aide à remplir nos gourdes : heureuse soit-elle car la déshydratation nous guettait.

La vallée des Aldudes semble si proche et si loin. Si proche quand nous la distinguons depuis la crête du col d’Ehunzaroy, si loin quand la carte indique une trace sans fin, courant entre France et Espagne où se mêlent ascensions et singles à travers des landes perdues. Nous roulons à l’économie. Les quelques bosquets et arbres isolés nous apportent un peu d’ombre sur cette terre brulée par un soleil torride. En ce début du mois de juillet, la chaleur écrase les reliefs et les vautours planent : la montagne basque se donne des airs de Sierra. Au col de Burdincurutcheta, la descente vers la vallée salvatrice débute. Nous retrouvons fraicheur et vigueur sur un single technique.

Les vautours planent alors que la chaleur devient suffocante… Au Pays basque, on peut mordre la poussière…

A Urepel, quel plaisir que de se poser à l’hôtel C’Vall. Valérie et Christian ont décidé de s’installer dans cette vallée d’un autre temps. L’accueil sera chaleureux, la nuit réparatrice.

Frontière de Navarre

Le matin, l’humidité provenant de l’Atlantique inonde l’atmosphère : jamais je n’aurai autant transpiré à vélo. Vers le col inconnu de Garzela, je croise Esnaazu, enjolivé de sa petite place et de son mur pour la pratique de la pelote basque, un sport qui fait vibrer tous les villages. Dans l’ascension, Les cyclistes espagnols me saluent. Je suis un des leurs. De l’autre côté de la frontière, le vélo est une institution, une raison de vivre, que l’on soit vététiste ou coureur. Orbea ou les coureurs David Etxebarria, Miguel Indurain ne sont jamais très loin.

De la vallée des Aldudes, l’étape rejoint Esnaazu et sa place typique avant les sommets baignés par l’humidité du matin.

Au sommet, le champ de fougères ondule au gré du vent d’Espagne. Je passe la frontière. Si les bornes délimitent les deux pays, elles ne peuvent séparer leur identité commune. La frontière n’est que purement géographique : la culture basque passe outre et unit ce peuple de France et de Navarre. Le même écho des noms des lieux sonne de chaque côté de la frontière. Cette langue des X, des Z et des Y est étrange et ne ressemble à aucune autre : je souris en essayant d’épeler les lieux sur la carte : Behorzubuztan ou Oliepitxaretta… Leur origine est mystérieuse et aussi étrange que ces montagnes qui l’habitent.

Seul, je joue aux équilibristes sur la ligne de crête. Rarement je n’ai vu de chemins aussi torsadés. Je tente de rejoindre l’horizon, la crête là-haut qui m’invite à admirer la Basse-Navarre. La montagne garde ce territoire basque. Elle est à l’image de ce particularisme. Les vallées enserrent les villages, les protègent et il est difficile de s’en extraire.

Le chemin se tapit et passe au pied d’une falaise où passe l’isard, ce chamois des Pyrénées. Le GR 10 remonte vers l’adret en plein soleil. Je croise de temps en temps des randonneurs qui s’imprègnent de ces chemins. Je les vois seuls ou accompagnés de leur chien. Ils sont pèlerins ou de simples contemplatifs. Je roule libre, comme ces chevaux, crinières au vent qui subliment le sentiment de liberté de la montagne basque où ne court aucune clôture. Et ces vaches rousses, les betijus, qui ont un mode de vie entièrement sauvage.

A l’approche du col d’Ispéguy, je n’ai pas emporté suffisamment d’eau et me laisse surprendre par ce territoire captivant. Il me faut descendre. Je longe le dièdre de roche, semé de gentianes jaunes et d’iris. Mes mains touchent des aubépines et houx accrocheurs, coupants et urticants. Le Pays basque est une explosion de sens et de couleurs.

Sur l’échine rocheuse

Après une nuit réparatrice à Saint-Etienne de Baïgorry, au matin, les flux océaniques humidifient la terre.

Les fines pluies qui dégoulinent sur mon visage se confondent avec ma sueur. Je roule dans une étuve. Je me dissous dans le vert humide. Dans l’ascension vers le Jara où les fougères touchent les cimes, le brouillard s’épaissit. Il m’isole, les repères s’effacent, tout comme les balises. Arrivé au sommet, cela devient dangereux. Aymeri Picaud, le moine qui au XIIe siècle rédigea le premier guide du pèlerin, décrivit ces montagnes « si hautes qu’on croit pouvoir toucher le ciel de sa main… » Il fut sans doute, comme moi, plongé dans l’ouate. Par chance, je croise Mathieu et Eric. Tels de bons samaritains, ils vont me montrer le bon chemin. A Saint-Martin d’Arrossa, je remonte vers d’autres montagnes, encore plus lacérées.

Le mauvais temps au Pays basque ne dure jamais très longtemps. Les vents océaniques chassent rapidement les voiles nuageux.

La dense végétation annonce ma marche vers l’océan. J’ai le sentiment d’évoluer dans une forêt enchantée : les arbres torsadés et l’abondante humidité façonnent un curieux petit monde. Une escadrille d’insectes et une légion de lézards m’accompagnent. Je me fraye un passage entre les petits chênes pour rejoindre la crête d’Irpala.

 

Dans le ravin, la descente est vraiment technique : elle est d’ailleurs classée V4+ selon le topo guide, du pur enduro ! Je roule véritablement sur une échine rocheuse où j’aperçois en contrebas les petits points blancs du village classé de Bidarray où je vais m’étendre à l’hôtel Barberaenea.

Le lendemain je retrouve avec plaisir Nicolas qui me mène vers la province basque du Labourd. Nous émergeons au-dessus d’une mer de nuages.

Chaque horizon traversé est une promesse, un rapprochement vers l’océan. Nous piquons versant sud pour franchir les cols de Gorospil, de Zuharreteako et de Croix : des échelons qui nous mènent au village d’Ainhora, l’un Des Plus Beaux Villages de France. Un autre, Sare, est rejoint en longeant la Nive : vieux ponts en pierre et fermes annoncent l’arrivée dans le vieux village auréolé de façades blanches et de colombages couleur sang de bœuf.

Arrivée à Ainhora, l’un des Plus Beaux Villages de France. L’océan se rapproche…

Au bout de la trace, l’océan

Pour la dernière étape, à Sarre me salue Alex Delgado. Son style de pilotage force l’admiration. Il glisse sur la trace, ne l’agresse pas. Il flotte sur ces sentiers secrets. Il va d’ailleurs me montrer ses traces qu’il a lui même créées. Nous roulons en pleine montagne et la proximité de l’océan ne se remarque pas : seules les pluies fines sont chargées d’un peu de sel.

Nous contournons la Rhune, un sommet emblématique de Saint-Jean de Luz que les plagistes apprécient de gravir depuis plus de cent ans grâce au train à crémaillère. Ses engrenages et ses dents sont remplacés par celles de nos pignons. Et il en faut de gros pour gravir le col d’Ibaralin : c’est enfin la plongée vers les plages d’Hendaye !

Je m’astreins à suivre le balisage qui descend vers l’Atlantique mais j’aimerais rester en montagne et me perdre sur d’autres traces, vers ces vallées et ces villages perdus. Mon voyage s’achève face à la déferlante de l’océan.

La Grande Traversée du Pays basque est l’un des plus belles itinérances à effectuer à VTT. Si les grands itinéraires permettent de rencontrer la diversité d’un pays, celle du Pays basque touche son âme. Les paysages traversés ne sont que l’écho d’un pays de caractère, fort et identitaire. En suivant la trace de la Grande Traversée du Pays basque, j’aurai rencontré des villages perdus, des montagnes sauvages et aurai touché l’océan en apothéose. Plus qu’une traversée, la GTPB est une plongée dans la culture basque.

Carnet pratique

La grande traversée du Pays Basque 

Elle s’effectue en six étapes. Selon ses propres aptitudes, il est possible d’en doubler certaines mais gare au dénivelé total de la journée.

  1. Etape 1 : Saint-Palais – Saint-Jean-Pied-de-Port : 41 km, 1260 D+, 1120 D-
  2. Etape 2 : Saint-Jean-Pied-de-Port – Urepel : 40,5 km, 1875 D+, 1600 D-
  3. Etape 3 : Urepel – Saint-Etienne de Baïgorry : 37,8 km, 1700 D+, 1970 D-
  4. Etape 4 : Saint-Etienne de Baïgorry – Bidarray : 30 km, 1530 D+, 1540 D-
  5. Etape 5 : Bidarray – Sare : 36 km, 1200 D+, 1280D-
  6. Etape 6 : Sare – Hendaye : 28 km, 1050m D+, 1100 m D-

Balisage

  • Il est de bonne facture mais les cartes IGN vous seront utiles.

Difficulté technique et physique

  • 213 km pour 8615m de D+ !
  • Cette itinérance ne s’apparente pas du tout à une traversée en ligne parfois monotone ; la GTPB est un parcours engagé, difficile techniquement où un bon bagage de pilotage est requis. Les ascensions sont légion et les côtes très raides. Comptez votre progression en dénivelés cumulés, pas en kilomètres parcourus. La météo est changeante. Une trace sèche devient soudainement boueuse après le passage d’une dépression provenant de l’Atlantique.

Quel vélo ?

  • Vous l’avez vu sur les images, nos compagnons de route roulaient sur de bons « all-mountain » polyvalents (type Specialized Stumpjumper, YT Jeffsy pour citer les modèles qu’ils utilisent) avec un débattement autour de 140/150mm de débattement. Pour notre part, nous avons utilisé un XC tout suspendu contemporain, le BMC Fourstroke, et malgré ses 100mm de débattement seulement, c’est passé et même très bien passé grâce à sa géométrie très évoluée et la présence d’une tige de selle télescopique.

Encadrement

Envie d’une belle épreuve dans la région ?

  • Le raid Transpyr vient immédiatement à l’esprit ! Il emprunte une partie des traces roulées ici dans le Pays Basque, mais le Transpyr allonge fortement les choses puisqu’il va jusqu’à la Méditerranée ! Il a lieu chaque année mi-juin et Vojo est partenaire de l’épreuve. Plus d’infos et inscriptions : https://transpyr.com

Les hébergements

Train

  • A Hendaye, il possible de revenir vers Saint-Jean-Pied-de-Port en train.

Plus d’infos

ParPierre Pauquay