Enduro Jura : vous reprendrez bien un peu de boue ?
Par Olivier Béart -
Dans l’Est, les pilotes stars aiment passer de l’autre côté de la rubalise et se transformer, le temps d’un week-end, en organisateurs. Après Jérôme Clementz et Remy Absalon, c’est au tour de François Bailly-Maître de se retrousser les manches pour la 2e édition de l’Enduro Jura by Julbo. Quand ce dernier prend contact avec nous, les troupes Vojo sont éparpillées un petit peu partout en Europe pour vous préparer de beaux articles mais notre pilote-testeur Manu Bonne semble soudainement avoir un week-end de libre pour s’y rendre. Nous apprendrons plus tard qu’il avait déjà pris part à la première édition et l’idée de remettre le couvert ne semblait pas lui déplaire. Deux jours de bon ride, de pluie et de boue racontés de l’intérieur avec les images de l’organisation et de notre photographe Romain Laurent.
Manu jette donc toutes ses affaires de vélo dans le coffre de sa camionnette, il charge son vélo d’enduro et un Canyon Sender de descente en prévision des Crankworx qui suivront la course. Ce petit détail à son importance et nous vous laissons découvrir pourquoi…Sachez toutefois que les vélos Vojo sont testés dans toutes les conditions.
Vendredi soir – Prélude
Après quelques heures de route, j’arrive aux Moussières dans le Haut-Jura. Le ciel est menaçant mais la bonne humeur règne aux inscriptions comme à la buvette. On retrouve les copains, et on en profite pour descendre quelques bières en parlant de la pluie et du beau temps, mais surtout de la pluie… Les prévisions ne sont pas très bonnes et le week-end promet d’être humide. Quelques top pilotes ont fait le déplacement (Damien Oton, Rémy Absalon, Thomas Lapeyrie, Jérôme Clementz…) et la délégation suisse est également présente aux côtés des habituels acharnés des courses qui écument toutes les compétitions de l’Est. Le plateau est particulièrement relevé cette année.
Nous sommes logés vendredi et samedi soir dans un centre de vacances juste à côté du départ de la course. Sur place, je retrouve mon compagnon de chambrée, un certain Thomas Lapeyrie. Le repas est programmé à 20h, où un buffet bien chargé et la désormais traditionnelle « morbiflette » nous attendent. À table avec quelques pro-riders, on discute du weekend passé à l’Enduro des Hautes-Vosges sous une météo similaire et de la performance de Damien Oton dans la boue. Ça se chambre un peu, le stress de la course n’est pas encore là mais on sent bien que le mauvais temps ajoute une petite tension. On discute matos et nouveautés et on apprend que certains imaginent une reconversion possible vers l’e-bike. Nico Vouilloz et Flo Golay ne devraient pas rester seuls bien longtemps sur les courses de vélos électriques !
Au retour avec Thomas dans notre chambre, on a comme projet de regarder le premier match de la France lors de l’Euro de foot… mais on s’endort en moins de 15 minutes après avoir préparé nos affaires pour la course. Pas un seul but n’arrivera jusqu’à nos yeux et je ne sais d’ailleurs toujours pas qui a gagné.
Samedi – Les choses sérieuses commencent
7h – Petit déjeuner au centre : évidement je suis en retard avec Thomas. Pas vraiment de temps à perdre, on engloutit quelques tartines, un café et direction la ligne de départ pour le briefing de François Bailly-Maître. Naturellement à la bourre, j’arrive trop tard pour ce dernier. Je ferai donc comme d’habitude: suivre ceux qui sont devant, en espérant qu’ils ne se perdent pas.
8h30 – Départ des Moussières : direction la sp1 quelques kilomètres plus loin. La course est lancée. Je retrouve un tracé de l’an passé qui a eu droit à quelques améliorations. Courte et sans trop de pièges, c’est un bon échauffement. Le sol est gorgé d’eau et il faut composer avec la boue et le ciel de plus en plus menaçant.. Le tracé est ultra glissant, les freinages sont approximatifs et le vélo reste scotché dans les relances.
Bref, c’est parti pour une course dans la boue ! Je limite la casse et enchaîne avec avec la courte liaison vers la sp2. Les top pilotes avancement rapidement et prennent un peu d’avance. Je décide d’aller à mon rythme pour profiter de la seconde spéciale, un peu plus technique. On se fait plaisir, on roule entre potes et on se raconte nos petites péripéties à l’arrivée.
9h45 Ravito à Saint-Claude : voilà qui remonte le moral des troupes. Après avoir tout dévalisé et pris d’assaut le stand des mécanos de Conforme-Garage présents pour l’assistance, nous remontons en bus vers la 3eme spéciale du jour. La pluie tombe pour de bon, on est rapidement trempés en sortant du bus. La journée va être longue.
On arrive au départ sur une crête offrant une superbe vue sur…. des nuages. Le brouillard est bien décidé à nous plomber le moral. Rien n’y fait, tout le monde garde la banane et l’envie d’en découdre est bien présente. Seul Jey Clementz, arrivé avant nous au départ, a réussi à prendre une superbe photo du paysage. Il la publiera sur les réseaux sociaux le soir même et c’est ainsi que j’ai su que la vue valait le déplacement !
La course continue, ça se dépasse et se surpasse dans une longue partie physique au début de la spéciale 3. Tout se passe bien pour moi, le mode course est activé et les reflexes de pilotage dans la boue reviennent. Malgré la visibilité réduite par la pluie, on a plaisir à rouler et l’organisation gère la course parfaitement.
Trempés pour de bon au départ de la sp4, on ne se doute pas de ce qu’il nous attend. Les premiers s’élancent, puis vient mon tour, masque nettoyé, gants secs, couteau entre les dents. Je m’élance sans faire d’erreur sur toute la première moitié de la spéciale, je suis dans un bon rythme et je double un premier concurrent. Progressivement, la boue se transforme en glaise et nous entrons dans l’enfer du Jura. Je chute une première fois, puis une seconde et je repars.
Le sol s’est transformé en une vraie patinoire après le passage des premiers pilotes. Je tente de passer quelques dévers sur le vélo, impossible. Même à pied j’ai du mal à garder l’équilibre. Ça devient « totalement extrême » et on se croirait dans une épreuve de Fort Boyard. Morts de rire, on se marche dessus, les roues sont bloquées par la boue et relier l’arrivée devient un vrai challenge. Certains vont perdre pas mal de minutes dans l’aventure mais tout le monde se marre en lavant son vélo dans la petite rigole qui coule sous l’arrivée.
Dans la bataille, mon vélo a laissé des plumes. Ma transmission Shimano Di2 ne répond plus et le jeu de direction est parti en miettes… De retour au stand des mécanos, le verdict tombe : mon vélo n’est plus en mesure de continuer la course. J’abandonne ici et en profite, de rage, pour mettre une bonne raclée au ravito. Sous cette météo bien jurassienne, l’organisation décide d’annuler la sp5, jugée trop dangereuse. Personne n’est franchement contre l’idée de raccourcir un peu la journée pour pouvoir se mettre au chaud.
12h 30 – J’observe de loin les copains : Trempés et couverts de boue, ils terminent la journée avec la sp6. À les écouter j’en déduis que les glissades de la sp4 n’étaient qu’un amuse-bouche. Un mal pour un bien donc. Certains compareront cette fin de journée avec la Mégavalanche 2014 où même un bulldozer n’aurait pas fait 2 mètres sans faire un tête à queue.
Je suis lessivé et la première journée de course se termine. Tout le monde reprend le bus pour rentrer aux Moussières où une bonne douche nous attend. Les Karchers ronflent et les jets d’eau sont pris d’assaut. La séance nettoyage dure quelques heures. Avec Thomas on met le chauffage à fond dans la salle de bain pour faire sécher nos affaires. Et tant pis pour l’odeur…
17h – Le soleil perce: tout le monde se retrouve à la salle des fêtes, propre et sec pour un apéro Julbo bien mérité. On compare nos chronos du jour en mangeant des petits fours avant de nous préparer pour le « skinny challenge », une course sur un vélo de 20 pouces. À gagner, un vélo BMC, une tenue ION « enduro jura édition » et un casque Kali.
Tout le monde participe au défi et pour la première fois de la journée, la pression est insupportable. Le parcours semble enfantin mais au guidon d’un VTT 20 pouces et après quelques verres, la tâche se complique. Je ne ferai pas partie des finalistes et mes chances de rouler avec un vélo en état le lendemain s’amenuisent. Le chrono s’affole en finale et la gagne se joue sur la rapidité à avaler le shot de chartreuse au départ. A se petit jeu, c’est Manu Allaz qui semble avoir la meilleur descente mais Thomas Lapeyrie atomise la concurrence sur le parcours.
20h – Tout le monde à table : la salle des fêtes se transforme en un véritable restaurant. Les bénévoles sont aux petits soins avec nous et on se régale. Un participant passe dans les rangs et nous fait goûter d’excellents vins de sa production, la bonne humeur règne et tout le monde passe un bon moment. Le plateau de fromages est à la hauteur de nos attentes, tout comme le dessert. Décidément François Bailly-Maître ne laisse rien au hasard. À la fin du repas, « Mr le professeur » fait sont entrée. Déjà présent l’an passé, ce speaker semble avoir préparé une petite conférence. Ceux qui, comme moi, étaient présents en 2015 attendaient ce moment avec impatience. On assiste à un véritable « one man show » , l’assemblée est hilare devant ce spectacle du « FBM comedy club ». Seule fille engagée sur le « skinny challenge », c’est finalement Mélanie Pugin qui repartira avec le superbe BMC trailfox et une place dans le top 5. La tenue est offerte à Yoan Paccard, 2ème et le casque sera finalement offert à l’auteur de la plus belle chute du jour.
Dimanche : Dernière bataille
7h – Je suis à l’heure cette fois-ci : Tout le monde a l’air en forme malgré la soirée de la veille. Mon vélo ne s’est malheureusement pas réparé dans la nuit et je décide de me lancer sur les trois spéciales du jour avec le vélo de descente que j’avais avec moi en prévision de la semaine des Crankworx. Coup de bol, les liaisons de cette seconde journée sont effectuées en bus. Je vais finir la course mais je sais que de nombreuses relances m’attendent et que mon nouveau vélo est loin d’être adapté. Au départ, je dois vous avouer que je ne suis pas passé inaperçu.
8h45 – Départ de la sp7: Elle emprunte le tracé des sp1 et 2 de la veille. Avec un vélo de descente, je sens que cela va être long, mes suspensions sont gonflées à bloc ! Ça roule vite à l’avant de la course et tout le monde lâche les chevaux sur ce tracé que l’on connaît un peu.
Après un passage au ravito (toujours aussi bien garni), nous grimpons dans le bus en direction de la sp8. Elle a la particularité de comporter un petit bout de route au milieu et elle oblige de suspendre le chrono le temps de rallier la deuxième partie de la descente. Interdiction de s’arrêter, mais ça permet de souffler un peu et d’essuyer ses lunettes. Le chrono repart dès que l’on passe les bornes à la sortie de la route. C’est une très belle manœuvre de l’organisation qui permet de proposer une nouvelle très longue spéciale.
11h – Dernière spéciale du week-end : Initialement prévue en poursuite, l’organisation à préféré nous faire partir « normalement » en raison du mauvais temps et des écarts de chrono trop importants. Après le repas, on finira donc le week-end par la plus longue, la plus dure mais certainement la plus belle spéciale tracée par la bande de François Bailly-Maître. Lui et toute son équipe ont bossé pendant des mois pour nous offrir le meilleur du Haut-Jura et c’est carrément une réussite ! Même au guidon de mon vélo de descente, j’ai passé une superbe journée avec des potes sur le terrain de jeu du jurassien.
15h – Retour aux Moussières pour une bonne douche avec le jet de la cuisine de la salle des fêtes. Les vélo sont propres, nos moustaches aussi. On engloutit un dernier sandwich avant la remise des prix et on réalise qu’on n’aura pas maigri ce week-end !
Damien Oton l’emporte de peu à l’issue du week-end. La bataille a fait rage avec Jérôme Clementz jusqu’à la dernière spéciale. Le pilote Devinci confirme sa bonne forme du moment avec deux victoires d’affilé dans la boue. Au moment du podium, il en profite pour prendre le micro et remercier les bénévoles avant de finir par une petite touche humoristique : « chapeau à toi François, qui s’entraîne et vit ici toute l’année, ça ne doit pas être facile ! » Mélanie Pugin écrase la concurrence chez les filles. Vincent Haulet en fait de même chez les master.
Le temps exécrable n’aura pas ébranlé la motivation des pilotes ni celle des bénévoles. La bonne humeur de tous a porté cet événement au rang des courses incontournables, qu’il pleuve ou qu’il vente. L’organisation bien rodée et le format « all inclusive » apportent vraiment un plus à la course. La standing-ovation de tous les participants à la remise des prix en sont la preuve. Avant de reprendre la route, je fais une petite pause, histoire de déjà inscrire l’Enduro Jura à mon calendrier 2017.
Photos : Romain Laurent pour Vojo et Ben Becker – Enduro Jura (photos sans marquage)
Les résultats complets :
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