Deux batteries sur un VTTAE : vraie ou fausse bonne idée ?

Par Léo Kervran -

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Deux batteries sur un VTTAE : vraie ou fausse bonne idée ?

Certains l’appellent PowerPack, d’autres Range Extender, d’autres encore batterie additionnelle mais qu’importe, le principe est le même : ajouter une deuxième batterie sur le vélo pour rouler plus longtemps. Avantage, on peut aller jusqu’à doubler son autonomie. Inconvénient, on alourdit le vélo. Qu’y gagne t-on vraiment ? Y perd-on quelque chose ? Vojo a mené l’expérience, voici ce que nous avons appris :

Tous les fabricants ne proposent pas cette option mais lorsque c’est le cas, elle mérite d’être considérée. Certes, le montage en double batterie alourdit (presque) toujours la ligne du vélo et ce n’est souvent pas très beau lorsqu’on enlève la batterie externe pour une petite sortie mais d’un autre côté, l’énorme capacité ainsi obtenue (généralement plus de 1000 Wh) permet de partir serein sur les sorties les plus longues, ou d’exploiter à fond son assistance sans se préoccuper de l’autonomie.

Un paramètre souvent oublié dans l’équation est le comportement du vélo : une batterie additionnelle rajoute entre 1,5 kg et 3 kg sur le vélo selon les marques et les formats. En « hauteur » qui plus est, puisque cet ajout trouve habituellement sa place au-dessus du tube diagonal. Est-ce suffisant pour avoir une influence sur le comportement global de la machine ? Si oui, quelle est cette influence ? Autant de questions auxquelles nous avons cherché à répondre avec cette petite expérience.

Si vous préférez les images qui bougent à la lecture, vous pouvez découvrir le test en vidéo. Sinon, rendez-vous juste en-dessous pour la suite !

Le vélo

C’est Haibike qui s’est porté volontaire pour nous accompagner dans cette expérience. La marque allemande possède plusieurs modèles qui acceptent un montage en double batterie et pour ce test, elle nous a mis à disposition un AllMtn 5.

La gamme AllMtn se divise en deux, avec d’un côté les modèles au cadre en carbone dotés moteur Yamaha PW-X2 (ci-dessus le modèle très haut de gamme SE) et de l’autre, ceux en aluminium équipé d’une assistance Bosch Performance CX. Les caractéristiques de base de la plateforme sont les mêmes sur les deux versions : un format « mulet » (29″ devant / 27,5″ derrière) et des suspensions en 160 mm de débattement devant comme derrière.

Néanmoins, les deux cadres ne sont pas parfaitement identiques et certains détails changent, comme une géométrie légèrement différente. Pas de quoi transformer le vélo mais tout de même suffisant pour modifier un peu le comportement dans certaines situations. Le choix de ce modèloe d’essai est d’autant plus intéressant que nous avions testé l’AllMtn 7 en carbone l’année dernière (lire Haibike AllMtn 7 : retour réussi), il sera donc intéressant de voir si ces différences sont sensibles sur le terrain ou non. Notons aussi que les versions à moteur Yamaha n’acceptent pas le montage en double batterie.

Affiché à 5 799 €, notre AllMtn 5 dispose d’un équipement qui alterne entre le haut de gamme et le simple mais fiable : parmi les principaux composants, on relève un ensemble freins – transmission Shimano Deore XT et une fourche RockShox Lyrik Ultimate auxquels sont associés des roues DT Swiss H1900 en 30 mm de largeur interne et un amortisseur RockShox Deluxe Select+.

Pour monter la batterie additionnelle, cela se passe au niveau du Multi Rail System, un rail au centre du tube diagonal qui descend de la douille de direction jusqu’au moteur, ou presque. Normalement recouvert par un cache en caoutchouc, ce rail permet d’installer toutes sortes d’accessoires conçus par Haibike : support d’antivol, porte-bidon FidLock, support d’accessoires, sacoches ou la batterie externe Bosch PowerPack.

La mise en place du système et la connexion avec le reste de l’assistance se font uniquement en magasin. Au prix des pièces (154,90 € hors batterie), il faut donc ajouter celui de la main d’œuvre. Selon la capacité de batterie choisie, le tarif total de l’opération se situe entre 720 et 850 €. Le surcoût est salé mais ce qui coûte cher, c’est surtout la batterie : 520 € pour une PowerPack 400 Wh ou 650 € pour une PowerPack 500 Wh.

Une fois la deuxième batterie connectée au moteur, le logiciel gère l’ensemble de façon à vider les deux batteries en même temps. D’après Bosch, cela permet d’augmenter leur durée de vie mais Vincent Julliot, responsable presse au sein du groupe Accell (Haibike, Ghost et Lapierre), nous explique que cela permet aussi de garder une tension élevée dans les batteries le plus longtemps possible, un facteur important dans le comportement de l’assistance.

Sur des tests réalisés en interne, ils ont remarqué qu’entre une batterie chargée à 10 % et une autre à 90 % et pour un même mode, l’assistance ne délivrait pas son support de la même façon. En vidant les deux batteries en même temps, on reste le plus longtemps possible sur des pourcentages élevés et on optimise les performances au lieu d’avoir des oscillations.

Les plus observateurs auront remarqué que sur notre monture de test, une console Bosch Nyon remplace la Purion du modèle de série. Avec son grand écran tactile placé au milieu du cintre, la Nyon permet d’afficher beaucoup plus d’informations que la Purion, dont certaines nous seront utiles pour la comparaison sur le terrain (navigation, dénivelé, autonomie en %…).

Le terrain

Les Alpes étant encore en partie sous la neige au moment de mettre en place ce test, il y a quelques semaines, nous avons pris la direction de de Mandelieu à côté de Cannes pour mener à bien notre expérience. Terre d’entraînement de nombreux pilotes locaux de renom en enduro ou en descente, le lieu se prête aussi parfaitement à la pratique de l’e-bike avec ses montées raides et techniques et ses descentes variées. Nous n’avons pas complètement échappé à la neige, puisqu’une petite chute nous a surpris le matin du tournage de la vidéo mais ici, elle ne tient pas et le sol sèche vite !

Qui dit expérience dit protocole et ici, le principe est simple : faire une boucle en configuration « batterie intégrée », installer la batterie supplémentaire ainsi qu’une nouvelle batterie interne complètement chargée et repartir sur la même boucle en configuration « double batterie ». De façon à limiter l’influence d’autres paramètres sur la consommation, les deux boucles seront réalisées par le même pilote, équipé de la même façon et intégralement en mode e-MTB.

Résultats

Sans surprise, on va plus loin avec deux batteries. Notre boucle test était trop courte pour nous permettre de vider complètement les batteries (même avec l’e-MTB) donc nos données ne sont pas « complètes » mais les valeurs sont tout de même parlantes :

  • avec la batterie intégrée seule, il restait 34 % de batterie, soit une autonomie théorique d’environ 38 km et 1600 m de dénivelé positif.
  • avec les deux batteries, il restait 64 % de batterie, soit une autonomie théorique autour de 72 km et plus de 3000 m de dénivelé positif.

On relèvera que le rapport entre les valeurs batterie seule / double batterie évolue entre 1,8 et 2 soit le même rapport qu’entre les capacités des deux systèmes : 1125 Wh / 625 Wh = 1,8. Rien de nouveau là-dedans, notre expérience sur le terrain vient simplement confirmer ce que l’on pouvait prévoir avec les mathématiques.

Ce qui est plus intéressant, et moins facile à projeter avec des chiffres, ce sont les différences de comportement entre les deux configurations.

En 625 Wh, le vélo est facile à placer et presque joueur avec sa roue arrière de 27,5″. Dans ce montage plus accessible que l’AllMtn 7, le vélo est moins rigide, plus tolérant et se prend très vite en main. Revers de la médaille, lorsqu’on va vite dans le défoncé on peut sentir une certaine souplesse mais le reste du temps, le vélo est plus facile à manier et moins fatiguant.

On note également que si l’assistance Yamaha était intéressante, le caractère très puissant du moteur Bosch convient à merveille au cadre de l’AllMtn. Ce vélo figure en effet parmi les meilleurs grimpeurs du segment grâce à un cabrage bien maîtrisé et qui n’arrive que très tard.

Pas de méprise, on reste sur un « gros » VTTAE avec tout ce que ça implique en terme de poids, de dynamisme et d’adaptations du pilotage mais en configuration 625 Wh, l’Haibike AllMtn 5 est clairement un très bon e-bike polyvalent.

Lorsqu’on passe en configuration 1125 Wh, le vélo prend presque 3 kg entre la batterie externe et tous les accessoires qui permettent de la fixer et de la relier au reste du système. 3 kg, c’est 12 à 15 % du poids d’un VTTAE, un surpoids non négligeable qui a une influence sur toutes les facettes du comportement d’un vélo… à commencer par les réglages.

En effet, il est nécessaire dans cette situation de refaire son sag, à l’avant comme à l’arrière. Et puisqu’on augmente la pression, il faut également vérifier son rebond et le ralentir d’un ou deux clics si besoin. Enfin, on pourra également fermer un peu la compression lente si on dispose de ce réglage.

En mouvement ce surpoids se fait rapidement sentir, d’autant qu’il est placé haut sur le vélo. Dans le défoncé, l’effet est bénéfique : grâce à l’inertie, le vélo est plus stable, tient mieux sa ligne et plus on a de la vitesse, plus c’est sensible. De même sur les réceptions de sauts, où le vélo s’assoit en douceur même lorsqu’on atterrit avec un angle un peu hasardeux. Dans certaines situations on a presque l’impression d’être sur un vélo de DH, c’est assez impressionnant.

En revanche, ce poids supplémentaire est moins apprécié dans les enchaînements de virage, les dévers, la pente raide ou les passages techniques à faible vitesse, en montée par exemple. La batterie externe fait remonter le centre de gravité de tout le vélo et cela se sent : il est plus difficile d’équilibrer le vélo car on a moins de marge de manœuvre et il faut être plus précis dans ses mouvements. Passe encore dans un enchaînements de virages ou en montée, même si c’est rageant de devoir mettre pied à terre parce qu’on est déséquilibré mais dans la pente, cela peut devenir vraiment gênant…

Inutile de chercher à limiter ces inconvénients en choisissant une batterie d’appoint plus petite, le gain de poids est négligeable : Bosch annonce la PowerPack 400 Wh à 2,5 kg, soit seulement 100 g de moins que la 500 Wh. La PowerPack 300 Wh n’est pas compatible avec un montage en double batterie et n’est de toute façon pas plus légère que la 400 Wh.

Alors cette double batterie, vraie ou fausse bonne idée ?

Sans botter en touche, ni l’un ni l’autre ! Cela dépend de ce que l’on veut faire, ou de ce que l’on recherche dans le VTT à assistance électrique. Si on souhaite avant tout rouler longtemps et « prendre l’air », alors un vélo monté en double batterie est très intéressant. L’impact sur le comportement est sensible, bien sûr, mais on peut s’y adapter facilement et tant qu’on ne fait pas la course, ce n’est pas rédhibitoire. En revanche, si on cherche à rouler vite et à s’amuser en descente, ce type de montage perd de son intérêt. Si vous souhaitez malgré tout faire (beaucoup) plus de descentes et de montées techniques qu’en VTT classique, mieux vaut privilégier un rechargement ou un changement de la batterie intégrée à mi-parcours. Ça demande une certaine logistique mais au moins, le comportement du vélo ne sera modifié.

Reste l’option du sac à dos avec compartiment batterie, si votre vélo n’est pas compatible avec le montage double batterie ou que vous ne souhaitez pas le « convertir » mais ce n’est pas quelque chose que nous vous conseillons. En effet, même si le sac est bien conçu cela fait toujours un poids mort volumineux d’environ 2,5 kg placé dans le dos. Ça alourdit le sac donc c’est moins confortable et ça augmente les risques de déséquilibre, sans parler de la fatigue induite par le poids.

ParLéo Kervran