Découverte | Un tour d’horloge sur les sentiers à Iso-Syöte en Finlande
Par Jan Van Herck -
Si la philosophie prétend qu’il est nécessaire pour les humains de rêver, elle ne précise par contre pas le type de rêves : ceux de sentiers sans fin ? Ou encore ceux où le plaisir de pilotage se retrouve de jour comme de nuit ? Au cours de notre voyage en Laponie, région où il ne fait jamais nuit en été, nous avons découvert un véritable paradis du singletrack et du gravel. Serait-ce donc cela de rêver éveillé ?
Notre camp de base, le Lapland Bike Hotel, est situé à Iso-Syöte. Un rapide coup d’œil sur la carte révèle que cette région se trouve dans le nord de la Finlande, à environ cent cinquante kilomètres du cercle polaire. L’hôtel est situé au sommet de la plus haute montagne de la région et offre une vue imprenable sur toute la vallée. En tant que vététiste, nous pouvons dès lors être sûr de deux choses : notre journée va débuter de la meilleure des manières avec une descente en guise d’échauffement, mais la fin de l’itinéraire risque d’être ardue, avec une longue ascension en guise de final.
Nous suivons la « flowy route » du bikepark et, une fois en bas, nous tournons perpendiculairement à droite vers le début de la piste. Nous évitons un renne en train de brouter négligemment et prenons un premier singletrack. Le bikepark est encore en cours de développement, mais l’intention est claire : en plus de la saison d’hiver très prisée (ski et traîneau à chiens), l’objectif est d’attirer les sportifs d’été à Iso-Syöte et dans le parc national du même nom.
Au début, nous ne cessons de nous émerveiller devant les rennes que nous croisons, mais le singletrack se corse progressivement et finit par exiger toute notre concentration. Les nombreuses pistes de VTT de cette région ont été construites par le gouvernement finlandais et il faut dire qu’il a réalisé un excellent travail. Le sentier serpente ludiquement de gauche à droite autour de conifères pointus et de pierres épaisses. Et parfois, les courbes sont espacées de façon si astucieuse que nous nous surprenons du rythme auquel nous les abordons.
Singletracks, singletracks et plus encore….
Après quelques minutes seulement, nous sommes complètement envoûtés par la piste, et d’un point de vue technique, cela vaut peut-être mieux. La présence de rochers qui dépassent ici et là rend les pistes plus exigeantes qu’elles ne paraissent. Dans de telles conditions, les pensées vagabondes sont généralement le présage de mauvaises trajectoires, de pneus à plat ou de sorties de virage. Ces pistes nécessitent donc d’être parfaitement dans le coup et chaque seconde qui s’écoule nous offre une nouvelle chance d’affiner notre technique de virage. Toute cette attention que le parcours exige de nous est en fait réjouissante : nous laissons tous nos soucis derrière nous et vivons « dans le moment présent du VTT ».
C’est avec une attention particulière que nous empruntons les jolis north-shores (comprenez là des petites passerelles faites en bois) nous permettant de traverser ces zones marécageuses (« suo » en finnois). « Restez concentré sur la piste, regardez droit devant vous et continuez à pédaler » nous rappelle notre guide Lieven. Son prénom suggère des racines flamandes et c’est le cas. Depuis l’an 2000, la Finlande est la résidence principale de cet homme à la recherche de liberté. Nous avons une confiance aveugle en sa connaissance du terrain pour nous faire découvrir les plus beaux coins de ces vastes forêts. Notre seul souhait est de profiter pleinement des singletracks et de vivre le plus longtemps possible le moment présent.
Le pays des 168 000 lacs !
La Finlande est parfois appelée le pays des mille lacs, mais il s’agit là d’une grossière sous-estimation. En réalité, il y en a environ 168 000 (vous avez bien lu) dispersés sur tout le territoire. C’est également le cas à Iso-Syöte et dans ses environs, où nous sommes sans cesse fascinés par la beauté de la nature, notamment lorsque nous franchissons une crête vers un autre lac idyllique. Les vues sont tout simplement époustouflantes.
Si ces lacs aux noms poétiques comme Pytkynharju et Lauttalampi sont des terres publiques et donc librement accessibles, dans de nombreux cas, le gouvernement y a construit un abri. Les ingrédients standard d’un tel abri en pin sont au nombre de quatre : du bois pour faire un feu, une hache émoussée, un grand banc et une table. Dans certains cas, on peut même y trouver des toilettes écologiques.
Nous sommes surpris par une énième averse et décidons de profiter pleinement de cet abri au bord du lac. Enthousiastes comme nous le sommes, nous tentons frénétiquement de faire rôtir des saucisses dans le feu (apparemment une tradition finlandaise). Par une belle journée d’été, nous reviendrons certainement ici pour faire un plongeon rafraîchissant dans le lac.
Ces quelques instants passés au sein du refuge nous ont permis de voir à quel point ces abris sont populaires auprès des vététistes finlandais. On remarque également qu’ils sont nombreux à utiliser avec enthousiasme un fatbike, en été comme en hiver. « Pour la majorité des Finlandais, l’activité sportive prime sur la performance » nous explique le guide Lieven. « Ce fatbike est utile aussi bien en été qu’en hiver, ce qui en fait un excellent investissement pour les personnes vivant en Laponie. »
Racines, côtes abruptes et descentes raides
L’avantage d’un tel fatbike est qu’avec un pneu aussi large, le franchissement de toutes ces racines que l’on rencontre sur les singletrack finlandais se fait sans trop de heurts. Dans notre cas, on est un peu plus secoué mais on finit par en voir le bout. D’autant plus que les vélos du parc de location de l’hôtel sont plutôt récents et d’excellente qualité, pas d’excuse de ce côté-là !
D’ailleurs, votre humble serviteur ne voudrait pour rien au monde traîner un fattie sur les différentes pentes raides du parcours. Nous faisons en effet souvent face à des côtes escarpées lorsque nous voulons quitter le rivage. Il n’est pas surprenant que l’on puisse faire du ski et du ski de fond dans la région de Syöte pendant les mois d’hiver. Pour les plus adeptes de chiffres : sur 10 km, on comptabilise invariablement 200 mètres de dénivelé sans avoir à chercher spécialement à remonter les pistes.
Qui dit pentes raides, dit également descentes abruptes. Un délice ! Une belle récompense après un énième effort. Et c’est là qu’un vélo comme le Cannondale Scalpel, ici équipé de Lefty Ocho et Fox Float, prend tout son sens. Cela nous permet d’arpenter sereinement les singletracks et de nous amuser autant que possible. De gauche à droite et inversement, de haut en bas et de bas en haut. Encore et encore, nous nous efforçons de maintenir une certaine fluidité dans notre style de pilotage. 100 % de plaisir sur un parcours comportant pas moins de 98 % de singletracks. Et cela uniquement dans le parc naturel proche de l’hôtel, qui compte pas moins de 156 kilomètres de ce type de singletracks …
Lapland Bike Hotel
Si vous voulez passer de nos contrées francophones à la Finlande, un voyage d’environ 2 000 kilomètres à vol d’oiseau vous attend, il vaudrait donc mieux que cela en vaille la peine !
Les itinéraires VTT, tout comme le Lapland Bike Hotel ont été à la hauteur de nos espérances. Et pour couronner le tout, il ne fait presque jamais nuit en été, ce qui signifie qu’il est réellement possible de faire du vélo jour et nuit, et de découvrir les singletracks 24 heures sur 24 …
La récompense après un énième effort sur le vélo peut se trouver au Lapland Bike Hotel de Juha et Katariina. Au delà d’être gâtés par de délicieux gâteaux et cafés après la sortie, mention spéciale pour les jolies chambres, l’agréable sauna et les repas raffinés composés de spécialités locales (ne manquez pas de goûter la purée de pommes de terre au renne). Et comme son nom l’indique, l’expérience du VTT y est pleinement garantie.
Outre les 20 chambres spacieuses et quelques suites luxueuses, vous pouvez également séjourner à proximité de l’hôtel dans les Kelomökit, des cabanes faits de pins épais. Dans ces cottages, vous êtes un peu plus indépendant et vous pouvez, par exemple, cuisiner quelque chose ou vous asseoir au coin de la cheminée.
Mais surtout, vous restez dans le cadre de l’hôtel et chaque cabane est équipée d’un sauna, comme le veut l’ancienne tradition finlandaise. Même les familles et les groupes ont été pris en compte avec la construction de 16 chalets familiaux. Ajoutez à cela la location de VTT (y compris électriques) de grandes marques, l’accueil chaleureux et le cadre époustouflant et vous avez tous les ingrédients pour un voyage réussi dans le Grand Nord.
Découverte | À travers les vallées de gravel de la Laponie finlandaise
Si Iso-Syöte regorge de sentiers et d’itinéraires VTT offrant des paysages bluffants, cette région de la Laponie n’est pas en reste en ce qui concerne le gravel. Des Huskies, les pieds mouillés et des routes faites de gravillons à perte de vue, voilà ce qui nous attend dans cette seconde aventure finlandaise au départ du Lapland Bike Hotel :
Vous est-il déjà arrivé de vous demander pourquoi les finlandais sont si bons en rallye automobile ? Une sortie en gravel d’à peine 10 minutes à Iso-Syöte (prononcer iso-su-eu-tè) permet d’en avoir la réponse. Seules les routes principales sont asphaltées, toutes les autres sont en réalités des pistes couvertes de gravillons. De plus, le nord de la Finlande étant peu peuplé, les voies asphaltées sont limitées aux liaisons entre les villages…
Pratiquement toutes ces routes secondaires sont des routes de gravier d’environ trois mètres de large, au service de l’exploitation forestière. Elles servent également à accéder aux milliers de lacs (et chalets) qui composent la Finlande. C’est finalement un véritable paradis du gravel qui se dessine là devant nous.
Ces larges routes de gravier fermement tassés semblent sans fin : infiniment vastes et ondulant sans cesse de haut en bas et de bas en haut. Ici, en Laponie, ce n’est pas plat sur un seul mètre et cela s’en ressent presque immédiatement dans les jambes. Ce paysage vallonné à perte de vue nous fait naturellement de l’effet, nous faisant nous sentir complètement en dehors de la civilisation et du temps. Et cette impression de solitude n’en est que renforcée lorsque durant les trois heures qui suivent, nous ne rencontrons aucun autre homo sapiens. Où sommes-nous arrivés ? Est-ce que quelqu’un vit ici…?
Elevage d’Husky
Et c’est au moment où ce sentiment de solitude commençait à prendre le dessus sur notre moral qu’un aboiement de chien retentissant au loin nous ramena les pieds sur terre. Nous nous approchons en réalité d’un élevage de husky, où nous en profiterons pour manger un plat traditionnel (une soupe au saumon) pour le déjeuner. Ces husky servent en hiver à tirer un traîneau, plus connu en finnois sous le nom de « Huskyvaljakko ». Mais en période estivale, il fait trop chaud pour que ces chiens fassent des efforts et ils se reposent. Une période d’entraînement de huit semaines s’ensuit à partir de septembre, afin qu’ils soient prêts à performer durant la saison d’hiver.
Du côté de notre niveau de forme physique, il faut admettre que ces interminables routes de gravier et leurs ondulations sans fin donnent un sacré ton à cette sortie. Même si nous arrivons à maintenir une vitesse d’environ 25 km/h de moyenne, cela nécessite un effort conséquent et ces nombreuses bosses sont synonymes de douleurs aiguës pour nos cuisses.
Traversée de rivière
Voilà que nous tournons à gauche dans un chemin bien plus étroit. Nous nous faufilons habillement entre des racines d’arbres glissantes avec ce préssentiment que quelque chose de spécial nous attend. Et notre guide Lieven, engagé pour ce voyage auprès du Bike Hotel, nous confirme cela avec joie. La Finlande est pleine de lacs et de rivières, et la traversée d’une rivière ne semble pas loin.
Dans nos contrées, il est généralement possible de traverser un ruisseau sur le vélo directement, en y allant de manière précautionneuse. L’histoire est tout autre ici : le lit est trop profond et le courant beaucoup trop fort. Nous attachons notre Cannondale Topstone à la selle avec la boucle de la corde et faisons un pas de côté dans la rivière. En réalité, nous devons nous pencher fortement en arrière pour faire face au fort courant. « Il vaut mieux garder vos chaussures, sinon vous n’aurez pas assez d’adhérence sur les pierres glissantes« , ajoute Lieven en guise de conseil. Un conseil avisé d’un expert par expérience, que nous suivons bien sûr. Heureusement, nos chaussures (les Quoc Gran Tourer II : lire Dossier | 7 paires de chaussures gravel au banc d’essai) sont munies d’un caoutchouc plutôt adhérent, ce qui nous permet de rejoindre l’autre rive assez facilement.
Pour ceux qui préfèrent ne pas avoir les pieds mouillés, un pont est prévu à proximité de la plupart des rivières. Quoi qu’il en soit, il faut avouer que la traversée d’une telle rivière donne une touche d’aventure supplémentaire à la sortie. Et puis, ne voit-on pas fréquemment sur les réseaux sociaux des athlètes de haut niveau assis dans un bain de glace afin de favoriser la récupération ? C’est donc ce bienfait pour le haut de nos jambes qui nous motive à effectuer cette traversée.
Observation de rennes et baies de Lakka
La Finlande n’est pas seulement remplie de lacs, elle est aussi pleine de rennes. À proprement parler, il y a aussi quelques élans qui se promènent (à l’état sauvage), mais nous ne les avons malheureusement pas aperçus. Nous avons cependant vu les membres de sa famille des cervidés : le cervus tarandus, ou renne. Qu’ils appartiennent à une ferme ou soient des animaux sauvages, ils se déplacent tous librement. Ils se baladaient sur la route goudronnée lors de notre transfert de l’aéroport à Iso-Syöte et gambadent également sur les nombreuses routes de gravier que nous empruntons durant notre sortie.
Les rennes sauvages sont plutôt timides. Ils se précipitent à la recherche d’un endroit plus sûr lorsqu’ils nous voient approcher sur nos vélos. Nous ne faisons pourtant pas beaucoup de bruit, mais le seul ronronnement de nos roues et le crissement du gravier écrasé sous nos larges pneus suffisent à trahir notre arrivée.
La viande de renne est considérée comme une délicatesse locale, tout comme les baies de Lakka. Plutôt rares, ces mûres de couleur orange (rubus chamaemorus) poussent à l’état sauvage dans les marais de Laponie et doivent être cueillies à la main. Ces baies sont un véritable délice et sont utilisées, entre autres, pour ajouter une touche sucrée aux desserts et autres plats. Et obtenir ces baies demande beaucoup de travail.
Un monde de différence
Comme on l’expliquait précédemment, cette région ondulée a un relief très marqué et il n’est ici pas question de sous-estimer les sorties en gravel. Une attention particulière doit également être portée aux réserves de sucre, qui doivent régulièrement être reconstituées. Une pause sur la rive d’un lac dans ces nombreux abris construits par le gouvernement est une très bonne option. Et durant la période estivale, il n’est pas question de s’inquiéter de rentrer à l’hôtel avant la tombée de la nuit car il fait jour pratiquement toute la nuit….
Le contraste entre le gravel en Finlande et une sortie sur les singletracks par chez nous est immense : à Iso-Syöte, il fait jour quasi toute la journée, les sentiers de gravel sont faits de gravillons et ceux-ci paraissent interminables (jusqu’à atteindre un sentiment de solitude total). Un monde de différence pour un dépaysement des plus réussis.
Pour plus d’informations: https://laplandbikehotel.fi|