Découverte | Traverser les 3 Vallées en VTTAE
Par Paul Humbert -
Si les « 3 Vallées » ne résonnent pas dans toutes les têtes, les stations de ski qui les composent (Méribel, Courchevel, Les Ménuires, Val Thorens) ont une renommée mondiale auprès de tous les skieurs. Interconnectées, ces stations forment le plus grand domaine skiable du monde. Nous avons tenté l’expérience de reproduire ces connexions en plein été, au coeur des alpes, et en VTTAE :
Dans notre sac à dos, nous glissons nos affaires pour trois journées de vélo, un chargeur et de quoi réparer en cas de problème. L’objectif des trois journées d’été qui nous attendent : traverser les 3 Vallées, des Ménuires à Courchevel, en passant par les plus beaux sentiers.
Pour trouver le bon chemin, on se glisse dans la roue de Timy Theaux, notre guide spécialiste du VTTAE et de la région. Les 3 Vallées, il y vit et après une carrière de skieur construite sur ses reliefs, il développe aujourd’hui son activité de guide à vélo.
Il n’est pas seul et on est accompagné par Erwans de Scott France, Séverin qui travaille à Méribel et Yann et Sylvain, deux confrères journalistes. Arthur Bertrand, un autre produit du terroir, est notre photographe le temps de la traversée.
Pour se lancer sur les sentiers, Scott nous a prêté son Patron. Si à l’heure où vous lisez ces lignes un nouveau Patron vient de sortir, il n’en reste pas loin un excellent vélo polyvalent. À vrai dire, avec son look de gros SUV, on a d’abord cru à un VTT plan-plan bodybuildé pour ressembler à un gros vélo. Ensuite, on a pris le temps de relire les mots de Léo après sa découverte du vélo et on a fait notre propre expérience : quelle surprise !
Le vélo est facile à prendre en main et il faut le pousser copieusement pour qu’il montre ses limites à la montagne. Son handicap principal sera son poids mais côté comportement, il est assez docile.
Timy a conçu l’itinéraire de façon à ce que nous n’ayons pas besoin de porter une seconde batterie. Il se repose sur l’utilisation de quelques remontées mécaniques, et de points de recharge dans nos hébergements. On embarque simplement un chargeur avec nous.
Jour 1 : La vallée des Belleville
Une des promesses des 3 Vallées, c’est de pouvoir partir explorer « ski aux pieds ». En été, l’idée est la même, et c’est la raison pour laquelle Scott étend son partenariat hivernal à l’année entière.
Nous prenons la direction du lac du Lou et de son refuge où il est possible de recharger son vélo le temps d’un repas. Sur les bords du lac, on croise des piétons, amusés de nous voir grimper vers les sommets et franchir les blocs rocheux avec une relative facilité. Le VTTAE nous ouvre de belles portes en montagne.
Nous approchons de Val Thorens, la station la plus haute du domaine, mais nous n’irons pas jusqu’au village. Très haut, trop haut, il n’abrite que peu de sentiers intéressants pour les VTT.
Nous filons plutôt sur un chemin en balcon vers une crête qui nous surplombe, avant de basculer dans la vallée des Encombres. Jusqu’à présent, toutes les montagnes autour de nous semblent « exploitées » avec des traces de chemins, des pylônes de remontées mécaniques ou des habitations. Là en bas, rien à l’horizon. La nature semble arrêtée, mais bien vivante, et c’est suffisamment rare pour être souligné.
On traverse un immense troupeau de moutons. On descend du vélo, le temps que le berger ouvre l’oeil de sa sieste et que le patou se rendorme pendant la sienne. On gardera nos mollets intacts cette fois-ci.
Un petit singletrack longe la montagne et serpente jusqu’au fond de la vallée. Là-bas, l’abeille noire est menacée. Cette espèce endémique est protégée par un conservatoire créé dans la vallée.
Sur les sentiers, le terrain est assez lisse mais il faut maîtriser sa vitesse. Le tracé n’est pas dédié au vélo, et on retrouve des petits pièges qui nécessitent quelques nose-turns avant de retrouver le plancher des vaches.
Quand le soleil descend doucement vers les sommets des montagnes, nous remontons en direction du refuge « le trait d’union ». Accessible par la route ou par les chemins, nous choisissons sans hésiter la deuxième option. À travers champ, le chemin d’accès est fauché et on passe de mode en mode sur nos vélos pour conserver un bon grip jusqu’à la porte du refuge.
Il ne reste plus que quelques pourcentage d’autonomie quand on s’arrête finalement devant le bain nordique de la terrasse. La propriétaire nous accueille dans son refuge (qui n’a de rustique que le nom) à l’histoire très personnelle et nous laisse les clés pour la nuit, non sans avoir préparé une bonne portion de crozets, ces petites pattes carrées typiquement savoyardes, accompagnées de diots, ces saucisses qui le sont tout autant.
Jour 2 : Méribel – Courchevel
Bien installés dans cette belle maison, on peine à décoller, mais l’appel de la montagne fera finalement son effet. Au départ du refuge, nous empruntons une grande piste pour rejoindre le sommet de la crête qui sépare la vallée des Belleville de celle de Méribel. Quelques gouttes de pluie viendront semer le doute sur nos choix vestimentaires, mais la bonne humeur du groupe chassera finalement les nuages de notre aventure.
Au sommet de cette crête, on repère une des spéciales d’enduro empruntées par la course de l’enduro des alpes. Dans la station, une épreuve d’enduro en duo, l‘Enduro2 est également organisé fin Août. Là-haut, on contemple la vue à 360 degrés. Si le mont Blanc nous a bien à l’oeil, on repère en dessous de lui, bien plus proche, le mont Jovet qui est au programme du lendemain. On se retourne sur les tracés de la veille qu’on aperçoit au loin, et on scrute les glaciers de la Vanoise dans le prolongement des montagnes. Là-haut, tout paraît proche.
Timy, Arthur, Séverin et Sylvain sont des skieurs aguerris et ils observent ces montagnes par un autre prisme : celui des couloirs en haut desquels il est possible de s’élancer en hiver.
Je ne feindrai pas la surprise : je connais la descente qui nous attend, et c’est un des « must have » de cette région des alpes. La crête propose un sentier, balisé VTT, avec une vue et un flow incroyables. En fonction des intempéries, le tracé peut être plus technique à certains moments de l’été, mais le parcourir est un plaisir sans cesse renouvelé.
Au moment de plonger dans la forêt, la descente change de style, et on passe les uns après les autres en tête du groupe. Rapide, joueur puis technique, c’est du grand VTT !
Pendant plus d’une dizaine de kilomètres, cette « Dégage à Moutier » est un régal. Elle est accessible en bus pendant l’été, ou à la pédale pour les plus courageux, et donne ses lettres de noblesse au VTT dans la station.
Si le tracé continue jusqu’en bas, on s’arrête dans un des derniers hameaux de Méribel pour reprendre un peu de hauteur avant de continuer notre journée. Dans les 3 Vallées, le tourisme VTT, et a fortiori VTTAE, s’entend en utilisant le réseau de remontées mécaniques. C’est le modèle économique du domaine, mais également un bon moyen de voir plus grand pour ses itinéraires. On évite ainsi de longues heures à pédaler sur de grandes pistes ou routes sans trop d’intérêt.
On fait un rapide passage sur une des pistes du bike-park, un peu en décalage avec le reste des sentiers que nous parcourons, et on grimpe en cabine sur la crête suivante, jusqu’au col de la Loze. Là-haut, on s’autorise une descente supplémentaire sur un tracé assez technique, avant de s’arrêter déjeuner, et recharger nos batteries au sommet.
Le col de la Loze, c’est l’enfer des cyclistes sur route, un col qui les attire et les écoeure à la fois. Situé à 2304 mètres d’altitude, il relie par une piste goudronnée la vallée de Méribel à celle de Courchevel. Il ouvre aux cyclistes un potentiel de grandes boucles montagnardes au prix de sacrés efforts si on roule sans assistance électrique. Lors du tour de France 2023, la pente à 24% aura eu raison de nombreux coureurs et de voitures suiveuses.
Dans la station de Courchevel, le Cycling Event, un évènement test au plus proche des VTTistes a eu lieu en 2023 et 2024.
Pour nous, le combo remontées mécaniques et VTTAE nous aura permis d’entamer la descente suivante dans de bonnes conditions physiques et mentales. Il n’en aurait pas fallu moins pour profiter pleinement d’un tracé mêlant trace officielle et surprise du chef pour rejoindre Méribel. Il reste beaucoup de potentiel VTT non exploité pour le moment dans les 3 Vallées, et la valeur ajoutée d’un guide est indéniable.
Nous avons passé la matinée sur des pistes montagnardes sèches, et on bascule l’après-midi dans des champs de racines où des sous-bois nous révèlent de beaux mouvements de terrain. Le bonheur se lit sur nos visages et Timy est satisfait de sa surprise.
Les skieurs de la bande nous font marquer un stop devant les tremplins de saut à ski de Courchevel/Le Praz. Timy en profite pour nous raconter ses anecdotes de sauts, à vous en donner des frissons. Au pied de la très chic station, on s’engouffre dans les remontées mécaniques vers le sommet du village. Là-haut, on sent qu’il est temps de s’éloigner pour retrouver la nature. On tire tout droit en direction des sommets.
À flanc de montagne, et sur un sentier où l’erreur est proscrite, on s’enfonce dans la vallée des Avals. Tout au fond, après avoir laissé traverser des marmottes, on retrouve le refuge du Grand Plan.
On fait un petit état des lieux de l’installation électrique pour charger nos batteries et on se laisse glisser dans les lits du dortoir après une douche froide pour certains, et chaude pour d’autres, il fallait savoir saisir sa chance. Après une dernière partie de UNO, on s’endort au milieu des montagnes, sous un ciel où la pollution lumineuse ne vient jamais cacher les étoiles.
Jour 3 : Bozel – Moutiers
On attaque notre dernière journée avec un café fumant. Dans quelques heures, nous serons de retour dans le monde réel, mais on compte bien en profiter au maximum jusque-là.
On traverse la vallée des Avals dans l’autre sens, quand la condensation de la nuit monte doucement du sol. Au pied des sapins, de petits singletracks serpentent et exploitent parfaitement la pente. Quand les reliefs sont raides, les sentiers sont souvent mieux « pensés » que lorsque la pente est moins forte et où on tire parfois un peu trop « tout droit ». Dans mes notes, je retrouverai d’ailleurs une petite phrase : « les anciens ont fait ça bien ».
Ici, on suit les mouvements de terrain dans une descente assez magnifique sous la belle dent du Villard. La montagne se découvre pour laisser apparaître un sol en gypse blanc assez unique. On passe ensuite au bord du lac de la Rosière et de son eau bleu turquoise pour suivre le torrent qui s’en échappe. On fait le tour du propriétaire en marquant une pause devant chez Timy et on le suit sur les traces qui quittent sa maison au coeur des bois.
Avec des sentiers pareil, il n’est pas surprenant qu’il ait accepté de laisser ses skis au placard pour profiter du VTT. Il en a même fait son métier désormais.
Arthur remet les pendules à l’heure en rangeant son appareil photo : « On prend la direction du plus beau village de France, Bozel ! » Ce qu’on retiendra surtout de Bozel, c’est que c’est le pied du superbe mont Jovet.
Ce sommet, iconique de la région, se distingue par sa facilité d’accès à vélo. On grimpe jusqu’à plus de 2500 mètres d’altitude par une grande piste 4×4, avant de faire les derniers mètres d’ascension sur un sentier nous menant à une vue sur toutes les vallées environnantes, face au Beaufortain.
Depuis le sommet, on se prépare à notre ultime descente. Prochain point de rendez-vous : Moutiers, à 479 mètres d’altitude. On vous laisse faire le calcul de dénivelé.
Il fallait s’accrocher à notre assiette de fromage fondu et notre tarte aux myrtilles engloutie au refuge du Jovet pour encaisser le dénivelé et le plaisir qui va avec. Je ne sais pas si on s’en serait lassé un jour, mais la réalité nous rattrape avec la chaleur de la vallée en ce mois d’aout. Après avoir traversé un bon paquet de nuages de poussière, c’est avec des lèvres noircies, de beaux mono-sourcils mais des dents toujours bien blanches et apparentes qu’on boucle cette petite aventure.
On conclut ainsi trois journées à ne penser qu’à rouler, dans une petite bulle de passionnés de vélo et de montagne. L’humeur est au beau fixe et on a la sensation d’être partis loin, très loin, et ce même quand les premières habitations étaient toujours proches. Aujourd’hui, traverser les 3 Vallées à VTTAE nécessite un peu d’organisation pour réaliser les plus belles « combinaisons », et un guide comme Timy sera un réel atout pour qui souhaite sortir des sentiers balisés.
Le potentiel des 3 Vallées est immense pour le VTT, un peu à l’image de ce qui a été entrepris dans les Portes du Soleil. La destination travaille sur un plan dédié, mais annonce déjà de nombreux tracés VTT dans les différentes stations et en dehors de ces dernières. Des bornes de recharge ainsi que des stations de lavage sont référencées.
Au compteur, on aura entre 40 et 60 kilomètres par jour. Les remontées mécaniques sont assez incontournables pour profiter pleinement des domaines, mais ce qu’on retiendra avant tout, c’est la beauté des paysages et la qualité des tracés parcourus. Notre rédaction est à moins de deux heures du pied des pistes, et il y a fort à parier que vous découvrirez de futurs reportages réalisés sur ces dernières.
Plus d’infos sur les 3 Vallées à VTT : les3vallees.com
Du 12 au 21 Avril 2025, quand l’enneigement commencera à faiblir, il sera possible d’accéder au bas du bike-park sur le domaine de Saint-Martin Belleville : st-martin-belleville.com/fr/ski-bike
Plus d’infos sur le Scott Patron que nous avons utilisé ICI, et tous les détails sur le tout nouveau Scott Patron ICI.
Photos : Arthur Bertrand / 3 Vallées