Découverte | La Forestière se met au gravel, Vojo part en reconnaissance
Par Pierre Pauquay -
Depuis plus de 30 ans, la Forestière, cette belle épreuve marathon de XC, vous invite à rouler sur les traces des hauts plateaux et les chemins blancs de ces grands espaces du Jura. En compagnie de Thomas, Arnaud, Pierre, Fred et Emmanuel, Vojo est parti en reconnaissance sur les traces de l’épreuve en mode gravel, pour se rendre compte que le massif jurassien est une montagne, avec ses dénivelés d’enfer et ses paysages sauvages et intègres.
Grâce à la Forestière, le VTT s’est associé au massif jurassien depuis maintenant plus de 30 ans. La longévité de l’épreuve, née en 1989, témoigne de cette belle aventure. Les nombreux reportages que Vojo a réalisés dans la région au fil des années sont sans cesse des plaisirs non dissimulés. Pour cette édition 2023, j’ai hâte de découvrir les traces de ce nouvel itinéraire dédié au gravel, d’en découdre sur les chemins blancs et de rouler à n’en plus finir sur les hauts plateaux.
Le soir, je m’endors sur les récits de l’écrivain Bernard Clavel, l’enfant du pays qui a si bien décrit son Jura natal dans ses romans. Et je rêve du chant du loup et du feulement du lynx. Demain, c’est un repérage d’une nouvelle déclinaison de l’univers de La Forestière qui m’attend : les nouvelles traces gravel qui viendront compléter le panel d’épreuves de ce grand rendez-vous du calendrier à partir de 2023.
Retour aux sources
Le lendemain, à Arbent, je découvre mes compagnons d’échappée, tous des passionnés du vélo et de surcroit dotés d’un palmarès éloquent. Jugez plutôt. Thomas Dietsch, notre champion des années 1990 et 2000, a remporté de nombreux titres à la coupe du monde de XC Marathon et a conquis par sept fois les lauriers de la Forestière ! Frédéric Jean, cet ancien biathlète de haut niveau, a endossé le maillot d’entraineur de l’équipe féminine française et est devenu consultant pour l’Equipe TV. Et que dire d’Arnaud Rapillard, marathonien de XC et lui aussi vainqueur de la MB Race.
Quant à Pierre Boucaud, il est aux manettes de la chaîne TV8 Mont Blanc pour relater les grands événements sportifs alpestres et jurassiens dont la Forestière. Tout ce beau monde est régi par Emmanuel Tartavez, coordinateur de la Forestière depuis plus de 30 ans ! Et il me rappelle des éditions des années 2000 qui comptabilisaient plus de 4.000 participants…
Fraîcheur d’altitude
Depuis Arbent, les crêtes du Jura sont un appel d’air : la chaleur de la basse altitude nous pousse à rejoindre les températures plus fraiches, vers Sièges et Choux. La reconnaissance permet de se rendre compte de la difficulté de choisir un parcours approprié pour le gravel. Emmanuel est ainsi circonspect sur le choix de ce chemin à la sortie de Sièges qui est vraiment difficile à aborder en gravel. Le parcours devra être peaufiné, modifié par petites touches ici et là afin de proposer pour le 16 septembre le meilleur tracé possible. C’est justement l’objectif de ce genre de reconnaissance : recueillir les avis de pratiquants aguerris afin de proposer quelque chose de bien abouti dès la première édition.
A Rogna, dans une descente très rapide, Fred subit la première crevaison : le matériel comme les hommes vont souffrir sur ces chemins du Jura. Après l’ascension d’un col vers Choux, nous explorons une autre trace où il est impossible de rester sur le vélo. Un portage est nécessaire : l’itinéraire définitif devra passer par la route.
Je me crois tiré d’affaire de toute difficulté quand soudain, nous plongeons dans un sentier secret qu’a découvert Emmanuel. Les marches transcendent la matinée en une partie plus technique mais tout à fait roulable en gravel. Je traverse une forêt merveilleuse avec ce lichen qui pend des arbres, comme des cheveux d’ange.
Je m’imagine dans une forêt du Grand Nord. Rien d’étonnant à ce que Bernard Clavel ait puisé son inspiration pour ses récits canadiens. J’aimerais revoir le haut plateau en hiver, soumis à la tempête pour mieux apprécier sa magnificence… Là vers le nord-ouest, dans la vallée de Mouthe, a été enregistrée la température la plus basse recensée en France : -37,6 ° le 13 janvier 1968. Le Jura est un massif froid, rude et intègrement sauvage.
Panorama vers les Alpes
Avant de plonger vers Saint-Claude, une petite route forestière rejoint les belvédères de la Roche Chabée et du Surmontant. Sur l’échine rocheuse, mon vélo est sur le fil du rasoir, surplombant la vallée de Saint-Claude. Au-delà de l’horizon, s’étend la chaîne des Alpes : quel spectacle m’offre ce point de vue… J’inspire l’air pur de la montagne.
La descente est raide et rectiligne. La magie de ce matériau qu’est le titane colle le Sauvage à la route. A Saint-Claude, nous embarquons dans la camionnette afin de nous éviter la longue ascension du col de Magnard. A Lajoux, François nous présente son tout nouveau magasin. BC Shop allie pause-café, atelier et vente de vélos haut de gamme comme Santa Cruz ou Cannondale.
L’ombre de la grande forêt
Peu après cette halte bienvenue, je rencontre le haut plateau. Je ne peux que suivre cette trace royale de la Forestière. Après les coups de butoir de la matinée sur ces chemins de roc, tout y est doux maintenant. Les pneus de mon bike adhèrent à ce tapis vert et tendre. Je lâche les freins et me dirige vers une ferme située dans son magnifique isolement. J’évolue sur une terre sauvage, la grande plaine me semble sans fin.
Du ciel, je ne serai qu’un petit point dans l’immensité. J’entre dans une zone qui n’est pas la mienne mais celle de la faune du Jura. Le grand-tétras, la chouette chevêchette, la sitelle torchepot, la martre ou le chamois ont trouvé ici leur territoire de paix. Et je traverse le territoire du lynx, ce coureur de bois qui surveille un territoire de 450 km2 !
En roulant sur ces chemins blancs des plateaux du Jura, le parcours gravel renoue avec les passages historiques de la Forestière, autrefois prisés par les VTT des années 1990 et 2000. Depuis cette époque pionnière, leur évolution technique actuelle a imposé aux organisateurs d’opter pour des parcours nettement plus techniques, ce que ne peut revendiquer la raison d’être du gravel.
Les joux noires
Aux Moussières, si les prés ceinturent le village, très vite je rejoins le grand vert. Thomas, Arnaud et Fred montrent toute leur dextérité et la précision de leurs gestes, sans esbroufe. Ils sont à l’image du Jura, massif modeste aux premiers abords mais pour qui peut le découvrir devient une montagne de caractère.
Je traverse les anciennes parcelles vidées de toute pierre. Les paysans les ont déplacées pour en libérer le pâturage et créer des murets de délimitation. Un patrimoine que nous traversons via les échaliers qui parsèment le haut plateau jurassien. Je ne roule plus, je glisse sur la prairie florée de gentianes.
Je progresse dans ce relief caractéristique du Haut-Jura qui alterne les monts boisés et les vaux, ces cambrures synclinales. Les corniches calcaires ensoleillées se substituent vite aux buis puis au chênes pubescents : ils constituent une transition vers les prés et les combes. En traversant les « Joux Noires », ces massifs d’épicéas, je rejoins un chemin pentu recouvert de pierres de calcaire. Les blocs parsèment la trace. Elle tranche avec celle que je longe par la suite sur les hauteurs. Face à mon gravel, une nouvelle côte se présente : non sans mal on s’extirpe sur le plateau où un sentier rejoint les affleurements rocheux. Nous nous lançons à fond sur un sentier filant à travers les alpages vers la Borne au Lion.
Village authentique
Du col du Merle, la petite équipée rejoint la Pesse. En découvrant le village, je remarque qu’il est resté à taille humaine, doux comme le sont ces sommets ronds environnants. En plein mois de juillet, la montagne est préservé du surtourisme. A la Pesse, on ne se bouscule guère. Le soir, au gîte des Tavaillons, on échange nos expériences du jour. Pour Arnaud, la Forestière est un terrain connu, lui qui a connu la victoire comme ses accessits à la MB Race. Ce fameux metteur au point des vélos est un esthète de l’effort. S’il vole sur les chemins blancs, pour ma part, je ne me voile pas la face.
Les kilomètres parcourus sont exigeants et très physiques. Au dénivelé conséquent s’ajoute la difficulté même de la pratique du gravel en montagne : des pourcentages élevés, des chemins pas toujours lisses et des butées contre des racines et des rocs. Sur ce type de terrain, un développement de 40, voire 38 dents à l’avant et une cassette de 10-50 à l’arrière sont recommandés. Lors de la journée de la Forestière, Fred et Arnaud formeront l’équipe des speakers de l’épreuve. Et tel un chef d’orchestre, Pierre à la régie, transmettra en direct les images et le son qu’aura capté Thomas Dietsch sur son e-bike en suivant les ténors du XC Marathon.
Des arbres pour la Marine
Le lendemain, un orage a saupoudré d’humidité la montagne. La brume recouvre une partie de La Pesse. La forêt et les lacs environnants rejettent l’humidité. A la Borne aux Lions, nous franchissons une ancienne frontière, celle du royaume de France, de Savoie et de l’Espagne. La région était convoitée par la qualité de ses arbres qui devaient fournir les arsenaux de ces anciennes puissances : les bois du Jura ont sillonné ainsi toutes les mers du globe.
Changement de décor et d’ambiance pour la petite troupe quand nous rejoignons la vallée de Lelex. Je poursuis la trace descendante et roule sans entrave. Ici et là, des clairières aménagées par les hommes sont occupées par de grandes fermes où l’on survivait aux longs hivers.
D’un côté, plein nord, les hommes y dormaient afin de préserver le bétail, garant de leur survie. La grande cheminée, le « tué », produisait chaleur et réchauffait le « poêle », la pièce principale où l’on vivait. Au-dessus de l’âtre, dans le chaudron on façonnait le fromage alors que les flancs de la cheminée étaient ornés de perches où étaient séchés les saucisses et le jambon…
A Champfronier, je veux jouir une dernière fois de la vallée enchantée. Alors que je sillonne la route du col, les rayons du soleil inondent tout le massif : la lande du Jura resplendit et scintille. Au sommet, je roule autour des sapins qui succèdent aux épicéas culminant à plus de 1000 mètres d’altitude : les arbres sont d’étonnants altimètres. Les kilomètres défilent à travers les belles courbes des monts.
L’itinéraire qui descend vers Giron est superbe. Il me gratifie d’une jolie route à travers la forêt. Le Jura ne laisse pas le voyageur insensible face à son paysage et à sa sauvagerie. Avec mon gravel, je termine de parcourir les courbes harmonieuses des montagnes de ce pays envoûtant que la Forestière met si bien en valeur.
Carnet pratique
- La Forestière se déroulera du 16 au 17 septembre
- Une randonnée gravel sera organisée le samedi, longue de 44 km
- Sur les deux jours, la Gravel Ultra (164 km, 4000m de D+) ou la Gravel Aventure (124 km, 3124 m de D+) empruntera une partie du tracé décrit dans ces lignes, avec des possibilités de couper et d’adapter son parcours selon sa forme, sur le moment.
- A noter bien sûr l’épreuve reine de la Forestière, la VTT XC Marathon, manche UCI, qui se tiendra le dimanche 17 septembre.
- Plus d’infos : https://www.la-forestiere.com/les-epreuves/epreuve-forestiere-vtt-gravel-kids/