Découverte | 612 Die Bremse, les freins artisanaux
Par Theo Charrier -
On ne peut pas dire que le marché des freins soit des plus dynamiques. Certes, on voit de temps à autre apparaître un nouveau fabricant, mais le catalogue demeure plutôt stable, d’autant plus que le marché semble largement dominé par quelques acteurs majeurs. Malgré cela, nous avons été étonnés de découvrir “Die Bremse”, une paire de freins à quatre pistons qui signe l’arrivée d’une toute nouvelle marque : 612. Après quelques échanges avec leur fondateur, nous avons eu l’opportunité de poursuivre les présentations sur le terrain. Voici nos impressions :
Un peu d’histoire
612, c’est avant tout un homme, Félix. Son histoire serait presque tout ce qu’il y a de plus ordinaire pour un artisan. Il a travaillé dans un premier temps dans le milieu des moules à injection, bien loin de l’industrie du cycle mais petit à petit, son appétit pour le design et le développement ont pris le dessus, si bien qu’il a décidé de reprendre des études plus théoriques et davantage tournées vers la conception.
Si Félix vouait d’abord une passion pour tout ce qui touche aux suspensions, le manque de moyens et d’accessibilité à un banc d’essai l’ont finalement poussé à développer un frein. Il est beaucoup plus simple d’estimer la performance d’un frein plutôt que d’une fourche ou d’un amortisseur lorsque les moyens sont limités.
C’est début 2020, durant une après-midi de confinement, que la conception de “Die Bremse” a débuté. Le développement, comme toute phase de prototypage, ne fut pas simple, nous raconte Félix. Il faut dire qu’il n’existe pas de solution clé en main permettant de réaliser ses propres freins. Qui plus est, Félix ne disposait pas forcément de collègues à qui poser des questions ou soumettre ses idées. Comme il l’explique, la conception d’un nouveau produit pourrait être assimilée à un jeu, où l’on confronte en permanence ses connaissances avec la réalité du terrain.
Si le développement est un challenge en soi, réaliser des prototypes sans avoir de vraies certitudes, à un prix raisonnable, l’est encore plus et pour ne rien arranger à cela, Félix travaillait principalement sur son temps libre. Le développement était et est toujours actuellement un hobby pour lui, si bien que l’ensemble du projet a dû être financé de sa poche.
C’est après trois itérations seulement que Félix est parvenu à cette version définitive au look osé. Pour s’assurer du bon fonctionnement des freins, des essais sur un banc ont été réalisés, face aux Sram Code RSC. Selon leur fondateur, Die Bremse affichent ainsi une force de freinage nettement supérieure à celle des Sram, et ce dans les mêmes conditions.
Si toute cette démarche de développement n’était qu’un passe-temps à la base, Félix a finalement décidé de les commercialiser pour notre plus grand bonheur. Voir un nouveau produit sur le marché est toujours stimulant et cela amène un peu de diversité. Mais pour vendre, il faut produire, et pour cela, Félix a décidé de se rapprocher de Radoxx, une autre entreprise allemande spécialisée dans la confection de pièces de vélo (également partenaire de Intend, HXR, Pinion, Raaw…).
Die Bremse, difficile de faire plus clair
Une fois sortis de leur carton, la première chose qui nous a frappés, c’est ce design. Les freins arborent un look très brut, très industriel avec cet aspect très rugueux. Visuellement les freins paraissent plutôt minimalistes, on retrouve seulement une petite gravure sur le maitre-cylindre indiquant fièrement leur provenance. L’ensemble du maître-cylindre ainsi que l’étrier sont usinés d’une traite dans un bloc d’aluminium. Si le maître-cylindre nous a paru plutôt petit et discret, il faut dire que les étriers, étriers demi-coquille soit dit en passant, paraissent imposants.
Arrivé il y a deux ans seulement, Die Bremse, comprenez “le frein” en allemand, est destiné à une pratique plutôt gravity. Sur la balance, comptez 290 g pour le frein avant contre 338 g pour son homologue arrière, avec une longueur de durite plutôt généreuse. On obtient alors un ensemble à 628 g. À titre indicatif, une paire de Sram Code Ultimate pèse 618 g contre 550 g pour un ensemble Shimano XTR 4 pistons. Pour ce qui est du prix, la paire est affichée à 867 € mais peut monter à 902,7 € en fonction de la couleur, du choix de Durit ou encore des plaquettes (612 organique ou Galfer Pro).
Le maître-cylindre
First things first, le maître-cylindre. Pour ce qui est du fonctionnement, rien de nouveau, on retrouve tous les composants caractéristiques d’un frein. Si vous voulez plonger davantage dans le sujet, un article dédié au fonctionnement des freins est disponible ici : MTB Anatomy #2 : le fonctionnement d’un frein.
Comme dit précédemment, le maître-cylindre se veut discret et cela se ressent également au niveau du collier de fixation, plutôt petit et raffiné. Afin de libérer le poste de pilotage, notre paire était équipée de colliers matchmaker, qui permettent de tout fixer sur le même support. Félix assure que ces derniers sont livrés avec les freins et compatibles avec les produits Sram, on peut aussi vous dire que la commande de tige de selle Bike Yoke se monte sans problème.
On trouve un seul réglage, celui de la garde pour s’adapter aux différentes morphologies. La vis a une empreinte pour l’utilisation d’une clé hexagonale mais il est également possible de modifier le réglage sans outil à condition d’avoir un peu de poigne.
Le levier, tout comme l’ensemble du frein, est recouvert de fines rainures. La forme du levier présente une surface plane délimitée par des arêtes plutôt vives ce qui offre un grip assez agréable. L’ajout de plusieurs perçages permet aussi d’assurer un certain maintien du doigt et nous n’avons pas eu la sensation d’avoir le doigt qui glisse ni que le levier avait tendance à se dérober sous le doigt. Nous n’avons pas observé le moindre jeu durant l’ensemble du test.
L’étrier
L’étrier en question compte quatre pistons. Au moment où nous écrivons ces lignes, un étrier deux pistons destiné à une pratique plutôt XC / trail/ gravel est en développement et est proche d’être commercialisé. Pour le contact avec le disque lui-même, notre paire de freins était équipée de plaquettes Kool Stop avec une garniture organique. Cependant, Félix recommande principalement d’utiliser des plaquettes Galfer Pro.
La paire de freins que nous avons pu tester était équipée d’une Durit Goodridge disposant d’une tresse en acier. L’ajout de ce type de tresse doit en théorie améliorer la sensation de mordant du frein, nous dit Félix. Néanmoins, la Durit admet un diamètre extérieur de 6 mm environ, diamètre qui peut être problématique pour certains passages de câble en interne. L’installation des étriers ne fut pas compliquée, nous n’avons pas eu de mal à positionner ces derniers par rapport aux disques. Cependant, la forme imposante de la pièce peut nécessiter l’ajout d’une petite rondelle entre l’étrier et sa fixation sur le cadre.
612 propose à la vente ses propres disques mais ces derniers n’étaient pas disponibles au moment de notre essai et nous avons alors opté pour des disques Formula en 180 mm.
Die Bremse : le test terrain
Afin de se faire un premier avis sur ces freins, nous les avons utilisés durant un mois en plein hiver. L’ensemble était monté sur un Production Privée Shan n°5, un vélo d’enduro léger qui semble correspondre à l’utilisation prévue pour Die Bremse. Au menu, des sorties davantage typées trail ou enduro léger sur un terrain très naturel. Nous ne les avons donc pas mis à l’épreuve de la même façon que sur de longues descentes durant de chaudes après-midi d’été, là où la chaleur permet d’estimer la fiabilité du frein mais malgré le froid, nous avons pu découvrir un produit fini offrant un freinage plutôt modulable et prévisible.
On ressent aisément le moment où les plaquettes entrent en contact avec le disque, ce qui apporte une certaine confiance et permet de doser avec minutie le freinage nécessaire
Si la sensation de puissance est bien présente, c’est la progressivité du freinage qui nous a le plus marqué. Une fois le levier activé, la course morte ne se fait pas trop ressentir, laissant place à un freinage puissant mais facilement dosable. On ressent aisément le moment où les plaquettes entrent en contact avec le disque, ce qui apporte une certaine confiance et permet de doser avec minutie le freinage nécessaire. Nous n’avons pas ressenti cette frustration en sortant d’un virage avec l’impression d’avoir perdu trop de vitesse à cause d’un freinage trop puissant et mal dosé.
Durant nos essais, nous avons pu confronter les freins à des terrains assez raides et là encore, ils ont répondu présent. Quand il s’agit de stopper net la machine, Die Bremse assurent le coup. Nul besoin de devoir tirer le levier à fond pour ressentir la puissance de l’ensemble.
À l’utilisation, les leviers sont très agréables. Leur forme apporte juste ce qu’il faut de grip et d’adhérence pour nous mettre en confiance et on oublie complètement le risque d’avoir le doigt qui glisse sur le levier. Lors des premières sorties, il est cependant arrivé par deux fois que le levier se déclipse lors d’un bunny hop. Après un réglage de la garde afin de peaufiner son positionnement, ce problème n’est pas réapparu.
Durant ces quelques semaines d’essai, notre pratique fut davantage typée trail ou enduro léger mais au vu des performances affichées par ces freins, il y a fort à parier qu’ils marcheront très bien pour une pratique enduro engagée. Qui plus est, nous avons testé les freins avec des disques en 180 mm. Ainsi en jouant avec des diamètres de 200, voire 220 mm, on devrait largement pouvoir utiliser ces freins pour une pratique plus poussée.
Verdict
Le défi que s’était lancé Félix était plutôt osé. Il faut un certain cran pour arriver sur le marché en proposant un frein, développé sur son temps libre, à l’aide de ses connaissances et de ses propres finances. Mais il faut dire que pour un premier produit, c’est une entrée en matière plus que réussie. Les 612 Die Bremse affichent des performances en accord avec ce qui était annoncé, bien que nous n’ayons pas eu l’occasion de les pousser dans leurs retranchements. On retiendra donc que ces freins présentent une base solide tout en cachant un potentiel que n’avons pas encore exploité. Nous avons hâte de voir comment évoluera 612 dans les prochaines années, d’autant que Félix nous a confié travailler sur “d’autres produits”.
Plus d’informations : 612-parts.com