Dans les coulisses de MTB Heroes avec Damien Vergez
Par Olivier Béart -
Lassé par sa vie parisienne, Damien Vergez a décidé de tout plaquer pour vivre au plus près de sa passion, le vtt. Après avoir travaillé comme mécano pour le team Morewood, il a lancé sa société, FastFokus, en 2011 pour faire de deux autres de ses passions une profession: photographe et vidéaste. Au-delà de la réalisation des commandes de ses clients, parmi lesquels on retrouve pas mal de grands noms des sports outdoor, il s’est rapidement mis en tête de réaliser une série sur le quotidien et l’histoire des plus grands noms du vtt. C’est ainsi qu’est né MTB Heroes, dont la première saison a été diffusée en 2013, et dont le 2e opus sort cette semaine. Au fil des contacts que nous avons eu avec Damien, nous avons été séduits par son histoire et par la qualité de son travail et nous avons eu envie de vous faire découvrir le personnage derrière la caméra et le projet MTB Heroes. Interview.
On connaît les riders de la série MTB Heroes, qui ont des noms aussi prestigieux que Darren Berrecloth, Brett Tippie, KC Deane, Jackson Goldstone, Kelly Mc Garry, René Wildhaber, Simon Godziek, Tito Tomasi et bien d’autres… mais on connaît moins le gars derrière la caméra. Qui es-tu ? Tu es un rider toi-même ?
Je m’appelle Damien Vergez, j’ai 32 ans, je vis à côté de Pau dans le Sud Ouest. En effet, je suis un rider et un passionné de vtt à la base. Je bossais à Paris mais je n’aimais pas cette vie, je voulais travailler dans le vtt. Pendant mes 5 années à Paris, je suis allé plusieurs fois en Belgique où j’ai roulé pas mal en DH, sur les Just Ride It, des rassemblements de descendeurs qui roulent juste pour le plaisir. Quand j’ai décidé d’arrêter ma vie Parisienne, je suis redescendu dans le Sud, sur Pau. Je suis allé rouler à Lourdes, non loin de chez Couscous (Fabien Cousinié), qui cherchait quelqu’un comme mécano pour le team Morewood. C’est comme cela que j’ai commencé à réaliser mon rêve de bosser dans le milieu du bike.
Et le côté photo/vidéo, comment y es-tu arrivé ?
C’est aussi via Couscous. Dans les petites structures, il faut savoir se montrer polyvalent. Il savait que j’aimais bien la photo et il m’a demandé si je savais faire quelques clichés pour le team sur les courses. Ca m’a toujours passionné, ça tombait bien et ça a fameusement réactivé ce deuxième virus chez moi. Je me suis acheté un Canon 7D, un des premiers appareils à faire aussi de la vidéo, ce qui m’a aussi très vite intéressé. Je suis un pur autodidacte, mais j’ai énormément bossé, étudié, regardé le travail d’autres grands photographes et j’ai tout fait pour me professionnaliser dans ce secteur. En 2011, j’ai créé ma société, FastFokus, et j’ai lancé une petite série de vidéos où des bikers allaient rouler avec leur pilote préféré. J’ai aussi commencé assez rapidement à bosser avec pas mal de marques, mais j’ai aussi très vite eu le projet de faire une série sur le quotidien des plus grands noms du vtt.
C’est comme ça qu’est né le concept MTB Heroes…
Exactement ! En tant que passionné, on voit beaucoup les événements, mais ce n’est que la face émergée de l’iceberg. On voit moins ce qu’il y a autour, l’envers du décor, pourquoi les gars rident, d’où ils sont partis, où ils roulent au quotidien… J’ai lancé le projet et j’ai commencé à écrire le scénario de cette série en 2013 avec pour but de réussir à faire atterrir le concept sur une chaîne de TV.
C’est plutôt ambitieux, mais ça a marché !
Oui, j’y suis allé au culot. J’ai contacté quelques chaînes de TV, notamment Extreme Sports Channel qui me semblait bien coller au thème. J’ai eu une réponse du boss, ce qui est déjà un premier pas, mais au début, il semblait moyennement chaud. Alors, j’ai décidé de provoquer le destin, de partir à Londres et d’essayer de décrocher un rendez-vous pour lui présenter la série. Et ça a marché ! Quand je suis sorti de là, je me suis dit que j’avais complètement foiré et qu’il avait certainement trouvé mon anglais ridicule. Mais, à mon grand étonnement, il m’a rappelé le lendemain et il m’a dit « banco » ! Il a vu la passion, il m’a fait confiance et a proposé de produire la saison 1.
Tu pensais déjà à une saison 2 ?
Non, pas vraiment. Au bout d’un an, j’ai récupéré les droits sur la série et j’ai commencé à chercher à la diffuser via d’autres canaux. Je me suis vite rendu compte que c’était un métier spécifique et j’ai contacté plusieurs sociétés. En juin 2014, l’une d’entre-elles me rappelle et me dit « on t’a trouvé des clients pour la S1 et la S2 ». Je me suis tout de suite dit « Quoi, quelle saison 2 ? On est en plein dans les courses, c’est impossible ! » Mais j’ai fini par me laisser convaincre et c’est ainsi qu’a démarré l’aventure de la saison 2.
…Qui a bien failli ne pas se faire ! Il y a eu des rebondissements !
Oui, car à la dernière minute, ce fameux distributeur a tout annulé, alors qu’ils m’avaient donné le feu vert et que j’avais déjà tourné le premier épisode, consacré non pas à une personne, mais à une épreuve mythique, la Mégavalanche de l’Alpe d’Huez. Ca a été un fameux choc pour moi. J’ai dû rebondir car je n’avais plus aucun financement et j’ai décidé une nouvelle fois d’y aller au culot, de le faire seul et même de relever la barre par rapport à ce qui était prévu à la base puisqu’il devait y avoir 10 épisodes et finalement il y en a 13, plus ambitieux et de meilleure qualité, filmés en 4K avec une caméra Red cinéma, avec les meilleurs riders,… Bref, j’ai voulu faire quelque chose de top et me prouver que j’étais capable de le faire.
Mais quelque chose de top, ça coûte cher à réaliser, d’autant que le principe même de la série suppose d’aller à la rencontre des pilotes chez eux, ainsi que de découvrir avec eux des spots qui leur tiennent à coeur. Comment as-tu réussi à t’en sortir ?
J’ai contacté des sponsors et j’ai plusieurs partenaires qui me suivent, mais je me suis aussi auto-financé. C’est un risque, mais j’ai voulu aller jusqu’au bout de mes rêves. C’est dur de vivre de sa passion, mais ce n’est pas grave puisqu’aujourd’hui, j’ai des contrats pour la diffusion de la série aux quatre coins du globe. Mais c’est vrai, c’était un gros risque.
Justement, explique nous concrètement en quoi consiste la série, où pourra-t-on la voir ?
MTB Heroes, c’est un format TV avec 13 épisodes de 26 minutes qui seront diffusé sur des chaînes spécialisées comme Extreme Sport Channel en Europe, etc. J’ai aussi des contacts aux USA, en Australie et même en Chine… ce qui devrait permettre à MTB Heroes d’être diffusé dans le Monde entier. On pourra aussi voir les épisodes sur le Web, via les plateformes Vimeo on demand, iTunes, Google Play et il y aura aussi des BluRay’s pour ceux qui souhaitent un support physique et regarder cela sur une belle TV. C’est donc une diffusion payante, qui est indispensable pour ce genre de documentaire fouillé et pour ne pas faire de concurrence déloyale aux TV qui nous font confiance, mais ce vendredi 30/10, l’épisode consacré à KC Deane et Darren Berrecloth Bearclaw sera visible gratuitement sur Pinkbike, qui est un de mes partenaires, ainsi que sur Youtube et via le site http://mtbheroes.com/season-2. Je crois que c’est un bon épisode pour se rendre compte de l’esprit de la série et pour voir qu’on en prend plein la vue. Imaginez, dans cet épisode, on part dans le désert de Gobi avec deux légendes…
Cet épisode, c’est un peu un coup de coeur pour toi ?
Oui, même si j’en ai d’autres. Ici, on découvre KC Deane, qui est moins connu dans le vtt mais qui vient du milieu du ski freeride, où il est un acteur majeur. En allant voir la Rampage, il est tombé amoureux du vtt et il s’y est mis. Quand je l’ai contacté et que je lui ai demandé où il voulait tourner, il m’a de suite répondu « le désert de Gobi ». Il avait vu le film « Where the trails ends », qui a en partie été tourné là bas et il est tombé amoureux. On devait y aller avec Geoff Gulevich, mais il n’a pas pu venir et il nous a conseillé de voir avec Berrecloth qui est déjà allé plusieurs fois en Chine et qui a de suite accepté car il n’attendait qu’une chose : y retourner !
Le désert de Gobi est aussi un des endroits qui m’a le plus marqué au niveau des paysages. Pour rider du bike, c’est extraordinaire. Les montagnes sont faites d’une matière entre la terre et le sable, on peut tomber sans se faire mal, glisser dans la pente comme en ski. Mais c’est extrême aussi : La journée, il fait 45° à l’ombre… mais il n’y a pas d’ombre ! Au soleil, il fait 70°. Imaginez, un oeuf cuit en 3min dans le sable.
Cette série, c’est aussi et même avant tout une histoire de rencontres. Lesquelles ont été marquantes pour toi ?
Il y en a plein. En fait, chaque rencontre a été marquante à sa façon. KC Deane, parce qu’il ne vient pas du vtt, qu’il est très pro et que nous avons passé de super moments en Chine. Ted Tempany, que le public connaît peu mais qui a été un des premiers shapers de la Rampage et qui a tracé la plupart des pistes du mythique bikepark de Squamish. C’est un vrai passionné qui m’a emmené pendant 15 jours dans la forêt au Canada pour me montrer ce qu’il fait. Brett Tippie, la légende qu’on connaît aujourd’hui comme speaker, mais qui a été un des 3 premiers gars à vivre du freeride (avec Wade Simmons et Schley) et qu’on voit aussi sous un autre jour, en famille,… Il y a aussi Kelly Mc Garry, qui est aussi sympa et authentique que ce que j’imaginais.
Il n’y a pas non plus que des pilotes pros et des stars dans la série. Tu as parlé de Ted Tempany, mais il y en a d’autres…
En effet, j’ai voulu proposer des thèmes variés. Il y a un épisode sur la Megavalanche de l’Alpe dont j’ai déjà touché un mot, car c’est une épreuve pionnière, unique. Dans les riders, on trouve des aventuriers, des gars qui font du Slope, des enduristes, le petit Jackson Goldstone qui est une star du Web alors qu’il n’a qu’une dizaine d’années, mais qu’on connaît finalement assez peu. Ca a été dur physiquement, mentalement, j’ai passé beaucoup de nuits blanches mais quel bonheur de rencontrer toutes ces personnes.
Il y a aussi un épisode sur Hutchinson… tu as fait des épisodes « à la commande » pour tes partenaires ?
Non, pas vraiment. Je suis très transparent à ce sujet. L’histoire a commencé parce que j’adore tout ce qui touche au matériel dans le vélo et j’adore aussi regarder des documentaires à la télé. J’aime bien cette idée d’apprendre comment les choses sont faites, et j’ai trouvé que la fabrication des pneus pouvait faire un excellent sujet. J’ai contacté toutes les marques et Hutchinson était vraiment intéressé. Ils ont participé un peu à la production et couvert quelques frais, mais c’est moi qui ai eu l’idée et qui suis allé les trouver. Au final, je ne regrette pas du tout d’avoir travaillé avec Hutchinson :Des pneus fabriqués à la main, en France, avec des machines qui ont parfois près de 100 ans mais aussi des technologies ultra-modernes pour mettre au point les dessins et les mélanges de gommes… je crois que je n’ai pas besoin d’en dire beaucoup plus pour que tout le monde se rende compte qu’il y a vraiment de quoi faire un bon sujet !
On l’a dit, tu as beaucoup voyagé pour cette série. Peux-tu nous citer les principales destinations ?
C’est clair que ça fait presque un petit tour du Monde. J’ai commencé par la Mega en 2014, qui a été une des plus dures de l’histoire avec des conditions climatiques de fou… et mettre la caméra Red sous la pluie, ce n’est vraiment pas l’idéal. Puis direction la Pologne chez Simon Godziek, et l’Allemagne la District Ride, qui se passe devant près de 80 000 personnes. On a poursuivi à Berlin chez Timo Pritzel, grosse legende du Dirt, un des tout premier à gagner sa vie dans cette discipline, et un gros coup de coeur pour moi car il a le coeur sur la main et il a vécu beaucoup de choses. Je suis ensuite parti au Chili avec Tito Tomasi pour une des aventures dont il a le secret : partir à la conquête d’un volcan… qui était sur le point d’entrer en éruption ! On est partis à 2h du matin pour 10h de marche dans une des plus vielles forêts du Monde à la frontale, on a entendu le volcan qui commence à gronder, et 3 jours après notre retour en France, on apprend que le volcan est entré en éruption.
Nous sommes également allés en NZ pour rejoindre KellyMc Garry avec Antoine Bizet, qui découvrait le pays. Avec René Wildhaber, nous sommes partis à Madère et en Suisse, chez lui, en hiver où il est moniteur de ski ! Pour moi, c’est un des riders les plus intéressants et aussi les plus pro, méticuleux et physique du plateau. Il proposait toujours de refaire les prises pour que ce soit nickel et il remontait la pente à longueur de journée jusqu’au moment où on avait LA prise. On est passés par le Canada pour voir Brett, Jackson et Ted. En Italie, à Finale Ligure, nous avons suivi Anne-Caroline Chausson, la personnalité la plus titrée de tout le vtt, hommes et femmes confondus.
Et enfin, on a conclu en Chine, dont nous avons déjà parlé, et à la frontière avec la Mongolie dans la foulée. Là, nous sommes allés, avec Darren Berrecloth, directement voir les locaux dans leurs yourtes au pied des montagnes et nous leur avons demandé de nous montrer les sentiers… mais il n’y en a pas ! Par contre, ils ont assez vite compris ce qu’on souhaitait et ils nous ont emmenés dans des lieux magiques que vous pourrez découvrir dans l’épisode diffusé vendredi. Il y a vraiment beaucoup de choses à faire en Chine !
C’est quoi la réalisation, le travail derrière un épisode ? Comment ça se passe ?
Cela représente vraiment beaucoup de travail. J’ai été un peu fou de prévoir le double d’épisodes pour la saison 2, c’est énorme ! Cela a demandé beaucoup d’organisation, mais j’ai aussi appris beaucoup avec la saison 1 de MTB Heroes. J’ai notamment travaillé beaucoup sur le rythme de la série pour que les épisodes passent très vite et j’ai travaillé encore plus sur la qualité d’images pour les faire évoluer en passant d’une caméra de reportage à une caméra de cinéma Red qui filme en 4K. Les interview et leurs préparations ont été encore plus poussées. Chaque épisode représente environ deux semaines de tournage !
Une semaine souvent consacrée à connaître le personnage, ses spots, etc. Puis le dernier jour, je pose les questions et on fait l’interview face caméra, nourrie par la semaine passée ensemble. Le but est que la personne qui parle devienne un ami qui se confie à moi et au spectateur, que ce soit chargé en émotion, que les gars parlent avec leur coeur. C’est quelque chose qui n’est possible que dans ce type de format.
Le tournage, c’est trés dur physiquement et mentalement. Pendant 15 jours vous avez un sac de 25 kilos sur le dos et un gros trépied sur l’epaule.
Vous vous levez à 6/7h du matin, marchez des heures dans la montagne, puis vous rentrez le soir vers 20h. Douche, repas, puis sans perdre de temps, vous sauvegardez ce que avez fait dans la journée, formatez les cartes, préparez le planning et les interviews du lendemain, répondez à vos emails, appelez votre copine, puis vous vous couchez vers minuit, 1h du mat. Et c’est reparti pour un tour.
C’est très intense. Il y a ensuite 3 semaines de montage et de post-production qui se fait en parallèle des tournages. Comme j’ai voulu faire ce qui ce fait de mieux en terme de qualité d’image et de son, j’ai travaillé avec un étalonneur video sur station Davinci Resovle pour ceux qui connaissent et avec un des meilleurs dans la post-production audio, Keith White, a qui on doit notamment toute l’audio de « Where the trails ends » pour ne citer qu’un exemple. Enfin, il y eu le doublage par des comédiens et la voix-off qui a été réalisée par un pro-rider : Geoff Gulevich. J’en profite aussi pour tirer un grand coup de chapeau à Hugo Damecour, le monteur, avec qui on a passé presque 8 mois sur la série. Il était derrière son écran pendant tout ce temps, et je sais à quel point c’est dur, méthodique et crucial de faire un bon montage. Je veux aussi remercier Pierre Henni, mon assistant sur les tournages qui m’a énormément aidé et a réalisé quelques très belles prises de vues !
Y a-t-il des gens à qui tu voudrais vraiment tirer le portrait mais avec lesquels ça n’a pas encore pu se faire ?
Oui, Wade Simmons car il a de beaux restes, et c’est une légende. Cam Zink aussi, Cam McCaul et Matt Hunter aussi. J’aimerais aussi faire un épisode trial, pas forcément orienté compétition, mais suivre un gars qui voyage, qui pratique le trial sous différentes formes… je crois que vous avez compris que j’aimerais tourner avec Kenny Belaey.
Cela veut dire que tu penses déjà à une saison 3 de MTB Heroes ?
Oui, j’aimerais bien. Mais avec plus de moyens et surtout sans devoir l’auto-financer et gérer tous les aspects moi-même. Une saison comme celle-là, ça coûte très cher et quand tu es tout seul à tout faire, c’est dur à supporter. Je l’ai fait une fois, je ne regrette rien, mais maintenant je dois trouver un autre mode de fonctionnement pour faire encore mieux, avec plus de moyens et un meilleur financement. Je peux quand même déjà vous dire que j’ai quelques contacts sérieux et que ça devrait se faire. Mais en attendant, la priorité, c’est la saison 2 et j’espère que le public va vraiment accrocher !
Détails pratiques :
Pour visionner l’épisode « Première » gratuitement ce vendredi, rendez-vous ce sur le module vidéo Vojo : www.vojomag.com/videos
Pour (re)voir le trailer : https://www.vojomag.com/news/mtb-heroes-la-saison-2-arrive/
Pour toutes les infos et visionner/commander les épisodes, rendez-vous sur http://mtbheroes.com/season-2 et https://vimeo.com/ondemand/mtbheroess2