Coupe du Monde XC 2022 #1 – Petrópolis | Obrigado Brasil !
Par Léo Kervran -
Bem vindo ao Brasil ! 17 ans après son dernier passage dans le plus grand pays d’Amérique du Sud, la coupe du monde de XC faisait son retour au Brésil ce week-end pour l’ouverture de l’édition 2022. En 2021, la fin de saison a ouvert de nombreuses portes chez les femmes comme chez les hommes et bien malin celui ou celle qui pouvait dégager de vrais favoris avant le départ. Sur un parcours qui plus est inédit, tout était donc possible ce dimanche et on n’a pas été déçus ! Vous n’avez pas pu suivre ? On vous raconte :
Petrópolis, Brésil. Une cité touristique de près de 300 000 habitants située à 70 km au nord de Rio de Janeiro, en direction de l’intérieur des terres. Une cité tentaculaire qui s’étend sur plus de 30 km, en partie dévastée par des orages fin février, qui ont donné lieu à des inondations meurtrières (plus de 200 morts) et qui étaient forcément dans la tête des milliers de spectateurs présents ce week-end sur les bords du parcours.
Mais aussi la ville où est né et a grandi Henrique Avancini, héros de tout un peuple ! Avancini, au Brésil et plus encore à Petrópolis, c’est l’enfant de la région qui a fait des sacrifices, qui a quitté le pays très jeune mais qui a finalement réussi et qui se bat désormais avec les meilleurs pilotes mondiaux.
La ferveur des supporters brésiliens est connue dans d’autres sports, football en tête, mais elle s’applique exactement de la même façon au VTT, et voir Avancini communier avec la foule après sa 4e place en XCC comme une équipe après une victoire, cela fait quelque chose. Ici, impossible pour les pilotes de rester (relativement) discrets comme en Europe : tous sont traités comme des superstars et les selfies avec les fans sont le tarif obligatoire de chaque apparition ou entraînement.
Le circuit, imaginé et construit par le père d’Henrique Avancini, s’étend sur 4,5 km à travers la jungle pour 261 m de dénivelé par tour. Spectaculaire, il propose un pierrier particulièrement traître (évité au premier tour car trop proche du départ), quelques racines et surtout des descentes rapides mêlées de passages sur d’énormes rochers et de gros sauts qui demandent un engagement certain.
Comme pour pimenter un peu les choses, c’est le début de l’automne ici et la météo annonce des averses voire des orages en fin de journée tous les jours, ce qui peut vite tourner au carnage sur ce sol argileux. Heureusement, les courses seront finalement épargnées et les pilotes n’auront rien à affronter de plus que quelques flaques. En revanche, la température et l’humidité pourraient bien jouer un rôle, notamment en fin de course : il fait aux alentours de 25°C à Petrópolis mais le ressenti se situe quelques degrés plus haut et pour des athlètes majoritairement européens ou nord-américains, cela peut faire un choc en sortie d’hiver.
Enfin, on notera que cette course d’ouverture a lieu un mois plus tôt que l’année dernière. Un mois, c’est énorme en temps de préparation et avec le classique enchaînement Albstadt – Nove Mesto qui se profile en mai, on peut s’attendre à ce que tous les pilotes ne soient pas encore au meilleur de leur forme ce week-end. Dans le même temps, d’autres reviennent tout juste du Cape Epic en Afrique du Sud et s’ils ont peut-être l’avantage face aux conditions météo, nul ne sait quel est leur état de fatigue ou de récupération.
Femmes : McConnell, enfin !
On parlait d’inconnue quant au niveau de forme des pilotes et à leur adaptation au Brésil un peu plus haut mais en réalité, on a tout de même quelques petits indices. En effet, une semaine plus tôt se tenait déjà une course sur le même circuit et de nombreux athlètes du circuit étaient au départ, comme une répétition générale avant le grand jour. Ce jour-là, c’était Jolanda Neff qui s’était imposée avec pas moins de six minutes d’avance (oui, 6 !) sur Laura Stigger puis Evie Richards, alors que Kate Courtney avait pris la 4e place et Sina Frei la 5e.
Sauf que… Une semaine plus tard, Evie Richards est malade et forfait pour la course, après sa 3e place sur le XCC. On pensait qu’il en était de même pour Jolanda Neff mais d’après certaines sources sur place, la raison de son absence au départ ce dimanche serait autre : elle était bien malade pour le short-track vendredi mais l’équipe aurait découvert dans l’intervalle que son cadre était cassé et qu’il était impossible d’en acheminer puis monter un nouveau à temps pour le XCO.
Avec la championne du monde et la championne olympique éliminées, les regards se tournaient sur la ligne vers Loana Lecomte, Pauline Ferrand-Prévot (vainqueur du XCC) ou encore le phénomène Mona Mitterwallner, à peine 20 ans et surclassée en catégorie après seulement un an (sur quatre) en catégorie Espoirs. Sans oublier toutes les autres, comme Anne Terpstra, Rebecca McConnell, Laura Stigger qui semble revenue à son meilleur niveau, Sina Frei et Linda Indergand en deuxième ligne…
On notera aussi que le peloton est plutôt réduit pour une coupe du monde, avec seulement 53 athlètes au départ. Malheureusement, le déplacement au Brésil a un coût et toutes les athlètes ou équipes ne peuvent pas se le permettre. Ou alors, font le déplacement mais avec moins de matériel et de soutien que prévu, comme Isla Short ci-dessus, 7e des mondiaux en 2020.
11h20 au Brésil, 16h20 en Europe de l’ouest, c’est parti ! Martina Berta prend le meilleur départ avec Linda Indergand et Sina Frei dans sa roue, alors qu’une chute coupe le peloton en deux et bloque, entre autres, la championne de Belgique Emeline Detilleux. Rien de grave heureusement et si elle repartira bonne dernière, gênée ensuite par des bouchons, elle pourra tout de même poursuivre sa course en espérant remonter au fil des tours.
Devant, on ne se pose pas de questions. Après une minute de course, Berta commence à ralentir légèrement mais ce n’est pas du goût de Loana Lecomte, qui se porte aussitôt en tête pour continuer à imprimer un rythme soutenu. Résultat, une minute plus tard la jeune Française prend déjà quelques mètres d’avance sur le reste du peloton, comme on l’a déjà vu faire si souvent l’année dernière.
Toutefois, ses adversaires connaissent maintenant le modus operandi et la chasse s’organise. Rebecca McConnell se lance seule à la poursuite de Lecomte et maintient l’écart autour de 10-15 secondes, suivie un peu plus loin par Anne Terpstra puis Sina Frei, Laura Stigger, Linda Indergand, Mona Mitterwallner… Côté Françaises, Pauline Ferrand-Prévot a manqué son départ et pointe aux alentours du top 10 à près d’une minute à la fin du premier tour en compagnie de Caroline Bohé, Lena Gerault, Yana Belomoina, Martina Berta, Anne Tauber…
Le deuxième et le troisième tour passent rapidement sans grosse évolution de la physionomie de course. Sina Frei n’est peut-être pas aussi en forme qu’attendu et commence à perdre des positions, tandis que Pauline Ferrand-Prévot chute subitement dans le classement. Quelques minutes plus tard, son abandon sera officialisé et on apprendra qu’elle était elle aussi malade, vraisemblablement touchée par le même virus que Neff et Richards. La perspective de défendre son maillot de leader du classement général l’a poussée à prendre le départ malgré tout mais l’espoir d’une amélioration n’a pas duré longtemps.
A l’entame du 4e tour, Loana Lecomte fait une faute dans le pierrier et doit mettre pied à terre. Inhabituel pour la Française…
A l’entame de la quatrième boucle toutefois, Loana Lecomte semble commencer à s’employer un peu pour conserver son avance, elle paraît moins facile au passage sur la ligne. Simple impression ou début de fatigue après avoir mené en solitaire la moitié de la course ? On est bien vite fixés puisque quelques mètres plus loin, dans le gros pierrier du parcours, elle commet une grosse erreur de lucidité et coince sa roue avant dans une pierre en dehors de la ligne. Pas de chute ou de dégâts mécanique mais une situation inhabituelle, exceptionnelle même pour celle qui était l’an passé l’une des meilleures techniciennes du plateau.
Derrière, Anne Terstra est revenue dans le même temps sur Rebecca McConnell et avant la fin du tour, les deux pilotes bouchent l’écart qui les séparaient encore de Lecomte. Plus que deux tours à couvrir et tout reste à faire !
Dans un premier temps, personne ne veut céder les commandes de la course et ça joue un peu des coudes sur le plat mais bien vite, Anne Terpstra prend l’ascendant et s’échappe même à la faveur d’un pierrier parfaitement négocié. L’Australienne est la première à céder puis c’est au tour de la Française quelques mètres plus loin, au moment d’aborder la première montée.
On sait Terpstra capable de finir ses courses très fort et vu comme elle a géré sa course jusque-là, on se dit que la Néerlandaise du Ghost Factory Racing semble bien partie pour aller décrocher sa deuxième victoire en coupe du monde, après Vallnord en 2019. Oui, mais Lecomte et McConnell n’ont pas dit leur dernier mot ! Après un bref passage à vide, les deux pilotes qui roulent désormais ensemble se remettent en ordre de marche et se lancent à la poursuite de Terpstra. Le changement de rythme par rapport aux tours précédents est visible même à travers l’écran et sur le terrain, image insolite, le trio engagé dans cette bataille à distance commence à rattraper et doubler des concurrentes du bas du classement.
Focalisés sur la lutte pour la victoire, on en oublierait presque qu’il y a 5 places sur le podium ! Juste avant l’entrée dans le dernier tour, on jette donc un œil à ce qui se passe derrière : Laura Stigger est toujours 4e en solitaire mais après avoir longtemps joué aux chaises musicales, le trio Mona Mitterwallner – Caroline Bohé – Linda Indergand a fini par exploser. C’est désormais l’Autrichienne qui occupe seule la cinquième place, Bohé reste à portée en cas d’erreur mais ça semble fini pour Indergand, qui sauf miracle ne montera pas sur le podium. En revanche, attention à Mitterwallner, qui semble réduire peu à peu l’écart qui la sépare de Stigger…
Dès la première montée du dernier tour, McConnell revient sur les talons de Terpstra !
On s’attend à une sixième boucle explosive, c’est un feu d’artifice qui démarre dès la première montée. Terpstra bute sur des racines et pose le pied, ce qui profite à McConnell et lui permet de revenir sur les talons de la Néerlandaise. Sans Lecomte malheureusement, la pilote du Canyon CLLCTV XCO ne peut suivre le rythme de McConnell et doit se contenter de regarder le duel de l’arrière.
Avant l’entrée de la première zone technique, l’Australienne qu’on pensait fatiguée et sur le point de craquer un tour et demi plus tôt revient pour de bon sur la Néerlandaise et la dépasse aussitôt, sans la moindre hésitation. Le timing est parfait puisque s’ensuit une descente, au cours de laquelle elle en profite pour creuser un début d’écart sans fournir trop d’efforts. Ledit écart grandit à vue d’œil lorsqu’on revient sur des phases de pédalages et McConnell est plus proche que jamais de remporter sa première victoire en coupe du monde !
Ça s’anime aussi dans la lutte pour le podium puisqu’un peu plus d’une minute derrière, Mona Mitterwallner a réussi à revenir sur Laura Stigger et commence même à la distancer ! Exploit et revanche en vue pour Mitterwallner, elle qui n’avait pas été sélectionnée pour les Jeux Olympiques bien que Stigger ait vu sa préparation entravée par une blessure et avait eu un peu de mal à digérer la contre-performance de sa compatriote ?
*Roulements de tambour*… Non ! Dans un ultime sursaut d’orgueil, Stigger parvient à remonter sur sa compatriote à l’entame de la dernière montée, là où McConnell s’est définitivement envolée quelques secondes plus tôt, et re-dépasse Mitterwallner dans la foulée. Vaincue, la pilote du Cannondale Factory Racing donne ce qu’elle peut mais bascule avec trop de retard pour espérer disputer le sprint en bas, sur le court plat qui mène à l’arrivée.
Devant, après l’emballement un peu plus tôt, Rebecca McConnell peut même prendre le temps dans les derniers hectomètres de comprendre ce qu’il va se passer et de savourer avec le public. Cette fois, pas de problème mécanique, pas de panne de jambes dans les derniers instants, pas de retour surprise d’une concurrente. A 30 ans, elle remporte enfin sa première victoire en coupe du monde Elites !
Impossible de ne pas se réjouir pour elle, tant elle courait derrière depuis si longtemps. C’est aussi un moment historique pour l’Australie, puisqu’il s’agit de la première victoire du pays en XC depuis celle de… Dan McConnell, le mari de Rebecca, à Albstadt en 2013. Chez les femmes, il faut remonter encore plus loin, plus de 20 ans en arrière, pour trouver trace d’un pareil résultat : la dernière Australienne à s’être imposée en coupe du monde de XC était Mary Grigson à Durango, en 2001 !
Anne Terpstra prend une deuxième place dont elle se satisfaisait amplement en interview d’après-course : « Je ne m’étais pas préparée à être en forme à ce moment, donc c’est une très bonne surprise d’être 2ème ici. Je suis peut-être partie un peu trop tôt mais je me sentais forte, il fallait tenter. » Même son de cloche chez Loana Lecomte, qui bien qu’elle soit apparue plus dominante sur ses courses de préparation, se contentait largement d’une troisième place un peu plus de deux mois après sa fracture de la clavicule.
Le duo autrichien Laura Stigger et Mona Mitterwallner ferme le podium, des performances de tout premier ordre pour les deux athlètes qui, on le rappelle, devraient encore courir en Espoirs. Pour Mitterwallner, il s’agissait même de sa toute première course chez les Elites ! Avec Vali Höll en DH, l’Autriche serait-elle en passe de devenir une future grande nation du VTT féminin ?
Derrière, Caroline Bohé prend la 6e place, comme un drôle de clin d’œil à la saison 2021 chez les Espoirs où elle était, la plupart du temps, déjà la dauphine de Mona Mitterwallner. Linda Indergand est 7e, Alessandra Keller 8e, Kate Courtney signe un beau retour en prenant la 9e place et il en est de même pour Anne Tauber en 10e position. On a également une pensée pour Yana Belomoina, 11e et pour qui cela ne doit pas être facile de se préparer sereinement pour les coupes du monde en sachant ce qui se passe dans son pays au même moment.
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Lena Gerault se classe finalement 18e, peut-être encore un peu entamée par sa violente chute la semaine passée sur la course de « répétition » et Emeline Detilleux 36e. On espère que la manche d’Albstadt se passera mieux pour les deux athlètes !
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Au classement général, c’est sans surprise Rebecca McConnell qui prend les commandes avec une victoire aujourd’hui et une quatrième place sur le short-track. Elle devance Anne Terpstra de 63 points, suivie de près par Laura Stigger. Viennent ensuite Loana Lecomte puis Mona Mitterwallner, tandis que Pauline Ferrand-Prévot, leader ce matin, chute à la 22e place avec son abandon.
Résumé :
1. Rebecca Mcconnell (AUS, Primaflor Mondraker Genuins), 1:29:41
2. Anne Terpstra (NED, Ghost Factory Racing), + 0:17
3. Loana Lecomte (FRA, Canyon CLLCTV), + 0:38
4. Laura Stigger (AUT, Specialized Factory Racing), + 1:44
5. Mona Mitterwallner (AUT, Cannondale Factory Racing), + 1:53
Hommes : Schurter un peu plus dans l’histoire, Marotte et de Froidmont si proches
Chez les hommes, quelques enjeux bien particuliers viennent s’ajouter à l’habituelle pression du début de saison. Sur la course de répétition le week-end d’avant, c’était l’Espoir chilien Martin Vidaurre Kossmann qui s’était imposé, devant Vlad Dascalu, Thomas Litscher, Maxime Marotte et Jordan Sarrou. Ce dernier est toutefois forfait ce week-end pour la coupe du monde, ayant malheureusement été testé positif au Covid-19. De même pour Thomas Griot, qui s’est lui fracturé la clavicule lors des entraînements le samedi.
Pour Nino Schurter, le record des 33 victoires en coupe du monde de Julien Absalon est toujours en vue et cela fera bientôt 3 ans, depuis Les Gets en 2019, que le compteur du Suisse est bloqué à 32 succès. Pour Henrique Avancini, c’est peut-être encore plus dur puisque tout ce que compte le Brésil de fans de VTT est venu spécialement à Petrópolis pour lui, pour le voir et l’encourager. Dans ces conditions, on n’a pas envie de décevoir mais en 2021, le Brésilien a eu un peu plus de mal à imposer son rythme en course que les années précédentes. Pourra-t-il remonter la pente ?
On aura également les yeux sur les deux grands protagonistes de la saison passée, Ondrej Cink et Mathias Flückiger, ou encore sur Pierre de Froidmont ! Peut-être pas encore pour la victoire mais avec sa 14e place sur le XCC, qu’il découvrait, le Belge peut légitimement prétendre à un top 10. Le podium paraît compliqué au vu des noms qui l’entourent sur la ligne de départ mais sait-on jamais, avec un peu de chance…
Comme pour faire honneur à son titre de champion du monde XCC, Christopher Blevins est le plus rapide à réagir au départ mais il est vite dépassé par Ondrej Cink, qui impose d’emblée un tempo très rapide. Le circuit est engagé et aérien ce qui n’est clairement pas la tasse de thé du Tchèque et il applique ici ce qu’on l’a déjà vu faire sur des tracés similaires : un début de course très rapide pour essayer de s’isoler seul en tête et pouvoir négocier les descentes à son rythme, en regagnant du temps dans les montées. Jusqu’à aujourd’hui, ça n’a encore jamais fonctionné mais peut-être que les choses seront différentes sur ce nouveau parcours ?
En tout cas, le pilote Kross ne se pose pas de questions et continue d’appuyer sur les pédales, alors qu’on s’échange sans cesse les positions derrière : Thomas Litscher, Christopher Blevins, Nino Schurter, Maxime Marotte, Henrique Avancini, Alan Hatherly, tous sont dans la roue de Cink et aux avant-postes d’un peloton qui, à la fin du premier tour, compte encore près d’une vingtaine d’unités. Mathias Flückiger figure également dedans mais est plus en retrait, en compagnie de Vlad Dascalu qui partait en quatrième ligne après son abandon sur le XCC vendredi suite à une casse de chaîne au départ.
L’écrémage commence dans la deuxième boucle, avec d’abord Cink qui creuse un petit écart sur le peloton, avant que Nino Schurter ne ramène tout le monde en milieu de tour. Dans la foulée, le Suisse prend les commandes et un peu plus loin, c’est à lui de créer un écart en profitant d’une descente compte tenu des lacunes de Cink dans le domaine. Toutefois, le Tchèque fait à son tour le travail nécessaire et au sommet de la dernière montée avant l’arrivée, on assiste à un nouveau regroupement. Toutefois, il ne sont plus que 12 dans le peloton de tête au moment de passer sur la ligne.
Tour 3, Schurter qui était encore en tête donne les commandes à Alan Hatherly tandis que la bataille de positions bat toujours son plein dans le groupe. Cela fait 30 minutes que la course est partie et on a l’impression que l’allure n’a toujours pas diminué depuis le départ ! Certains organismes commencent à fatiguer plus que d’autres et les premiers écarts apparaissent entre les 12 hommes de tête. A l’avant, un quintet se forme en deux temps avec Hatherly, Schurter et Dascalu bientôt rejoints par Marotte et Avancini tandis que derrière, chacun essaye de survivre à son rythme. A la fin du tour, Cink est à 13 secondes, Flückiger à 19s avec une chute (sans gravité) et Blevins, Colombo et Braidot ensemble à 27s.
Nino Schurter reprend les commandes sur la ligne mais passe à nouveau dans « l’échappatoire » du pierrier, comme il le faisait aux tours précédents mais cette fois encore plus lentement, manifestant clairement sa volonté de ne pas rester devant. Le Suisse a décidé de jouer avec ses adversaires aujourd’hui mais on approche à peine de la mi-course et les autres ne semblent pas encore se préoccuper de ses tactiques. Cette fois, c’est donc Maxime Marotte qui passe !
L’air de rien, le Français avance bon train et Hatherly, puis Avancini commencent à céder du terrain. Ce n’est désormais plus qu’un trio en tête, avec Maxime Marotte suivi comme son ombre par un Nino Schurter tout en contrôle comme dans ses meilleurs heures et un Vlad Dascalu qui nous épate un peu plus à chaque course. Il rend 11 ans à chacun de ses deux adversaires du jour mais pour l’instant, il ne commet pas plus de fautes techniques ou tactiques et traite d’égal à égal.
Comme c’est la mi-course, on pense à jeter un coup d’oeil un peu plus bas dans le classement, pour voir ce qu’il se passe dans le top 10. Et là, surprise ! Christopher Blevins a progressivement reculé et à la place, c’est un trio au sein duquel on découvre Pierre de Froidmont qui roule pour la 10e place ! Avec son coéquipier Sebastian Fini, le Belge est en effet revenu sur Thomas Litscher, qui fait de son mieux pour s’accrocher. On se prend même à espérer encore mieux pour la fin de course, car seulement 9 petites secondes séparent le duo KMC-Orbea, en pleine remontée, de Mathias Flückiger, Filippo Colombo et Luca Braidot…
Juste avant de basculer dans la descente qui ramène sur l’arrivée, Nino Schurter repasse en tête. A nouveau pas pour très longtemps car si les autres ne se font pas avoir dans le pierrier et le forcent à rester devant en prenant la même ligne que lui, Dascalu se retrouve en première position un peu plus loin après une montée qui se sépare en deux parties bien distinctes pendant quelques dizaines de mètres. Ce petit jeu tactique commence toutefois à être usant pour Maxime Marotte, qui fait de plus en plus l’élastique : parfois dans la roue de ses deux adversaires, parfois 3 ou 4 secondes derrière. On l’a déjà vu faire par le passé et on sait qu’il peut tenir longtemps dans cette position, mais que c’est stressant !
Ce manège va durer tout le cinquième et le sixième tour, sans attaque ou changement de rythme particulier. Soit on a dépensé beaucoup d’énergie dans le début de course, soit on a longtemps jaugé ses rivaux et on ne s’estime pas beaucoup plus fort mais dans tous les cas, les trois pilotes semblent vouloir attendre le dernier moment pour se dévoiler. Derrière en revanche, ça bouge. Après avoir distancé Litscher, Fini et de Froidmont ont fait de même avec Cink, Braidot, Flückiger, Hatherly et Avancini chacun à leur tour. Ils roulent maintenant en compagnie de Filippo Colombo et cela collabore bien mais deux places sur le podium sont désormais en jeu, pour trois pilotes !
On reporte cependant notre attention devant, alors que le trio de tête rentre dans le dernier tour. Et on fait bien ! L’élastique auquel se rattachait Maxime Marotte et qu’on croyait sur le point de casser s’est transformé en boomerang et voilà que le Français passe devant juste avant la première montée ! Au sommet, les trois hommes sont toujours ensemble et il ne reste plus que deux montées pour les départager. Nino Schurter passe au sprint et en force avant la première mais s’il est toujours champion du monde, le Suisse n’a plus la puissance de sa jeunesse et cela ne donne rien, ses deux adversaires restent collés dans sa roue jusqu’en haut.
Au sprint en montée, Nino Schurter ne parvient pas à décoller ses adversaires et Maxime Marotte semble avoir retrouvé des réserves !
La zone technique au pied de la dernière bosse est avalée au sprint mais il n’y a rien à faire pour Schurter, Marotte et Dascalu s’accrochent ! On arrive dans la montée et dès les premières pentes, le Roumain commence à céder du terrain, payant vraisemblablement les efforts supplémentaires pour remonter depuis sa mauvaise position sur la grille. En revanche, Maxime Marotte était lui parfaitement placé et s’il semblait fatigué plus tôt (du bluff ?), il a retrouvé quelques réserves ! Schurter donne tout ce qu’il peut pour résister mais Marotte parvient à passer et bascule même dans la descente avec deux mètres d’avance sur le Suisse.
En bas, il n’y a plus qu’un ridicule bout de ligne droite à tenir, en apparence rien du tout mais qu’il est long à la fin d’une course ce plat, qu’il est long… Thomas Litscher en a fait les frais vendredi sur le XCC et on redoute le même scénario pour Maxime Marotte. Un regard sous le bras pour vérifier la position de Schurter et le sprint est lancé ! Marotte résiste, Schurter grappille centimètre par centimètre, la tension est à son maximum… Et c’est finalement le Suisse qui parvient à passer, au tout dernier moment !
A Petrópolis, Nino Schurter décroche enfin cette 33e victoire de coupe du monde derrière laquelle il courait depuis si longtemps, 12 ans après la première. Il égale ainsi le record de Julien Absalon et s’il ne domine plus le plateau comme avant, son sens tactique pourrait bien lui permettre de devenir le seul athlète au monde avec 34 victoires avant la fin de l’année. Pour l’instant toutefois, c’est place à l’émotion et au soulagement. Difficile de se représenter à quel point cela était devenu un objectif pour lui mais dites-vous que Nino Schurter, l’homme toujours très en contrôle de lui-même, très professionnel en toutes circonstances, était en pleurs devant la caméra de Redbull après la course, submergé par l’émotion et incapable de répondre à la première question qui lui avait été posée.
Pour Maxime Marotte, il aura manqué 10 mètres. Sur le papier, cette deuxième place après une saison 2021 difficile est presque une renaissance mais forcément, quand on passe aussi près c’est dur à accepter : « Je dois être heureux parce que je n’ai pas été sur ce podium pendant une longue année, mais encore une fois, c’était si proche et je suis toujours en train de courir après cette victoire, donc aujourd’hui c’est difficile à prendre pour être honnête. Je suis un peu déçu parce que je n’ai presque rien raté, Nino était plus fort évidemment mais je crois vraiment que je peux le faire. Je suis vraiment très proche depuis plus de dix ans maintenant, je n’abandonnerai pas c’est sûr, vous me connaissez, je pousse toujours plus fort, j’essaye, j’essaye et je vais essayer encore cette année donc on verra sur les prochaines courses ce que je peux faire. Quoi qu’il en soit, je suis de retour dans le match, dans la bataille devant, donc c’est déjà un très bon signe. » Pas facile de gagner une coupe du monde quand on est né la même année que Nino Schurter…
Vlad Dascalu est troisième, un excellent résultat compte tenu de sa position de départ et surtout du fait qu’il n’a que 24 ans, quand les deux pilotes devant lui en ont 35. Parmi les meilleurs lors de ses années U23, le Roumain a réussi avec brio la transition avec la catégorie Elites alors que cela demande souvent un peu plus de temps. On ne serait pas surpris de le voir gagner une coupe du monde avant de la fin de l’année (mais si ça pouvait arriver à Maxime Marotte avant, ce serait quand même mieux) !
Derrière, on s’est aussi battu jusqu’au bout pour le podium et c’est finalement Pierre de Froidmont qui a craqué, laissant Sebastian Fini s’envoler vers la 4e place et Filippo Colombo vers la 5e. Premier podium pour le Danois, qui progresse de manière impressionnante depuis un an ! Pour Colombo, c’est moins surprenant mais tout de même une bonne nouvelle quand on se souvient de sa fracture du bassin l’année dernière.
On parlait de héros de tout un peuple pour Avancini mais si la coupe du monde revient un jour en Belgique, il y en a un qui devra assumer le même statut… Il avait déjà bluffé tout le monde avec sa 14e place sur le XCC mais avec cette 6e place, qui vaut presque un podium tant il en est passé près, Pierre de Froidmont a fait plus que passer un cap. Avec une moitié de la rédac’ en France et l’autre moitié en Belgique, on peut vous dire que pour une fois, la fin de course était tendue pour tout le monde chez Vojo ! A toutes fins utiles, on rappellera que sa meilleure performance l’année dernière était une 17e place, et qu’il tournait plus souvent autour de la 30e position.
Ce résultat confirme que le choix fait cet hiver de quitter la structure familiale du team BH-Wallonie après 6 ans dans l’équipe pour le professionnalisme de KMC-Orbea était le bon, et surtout que ce choix a été fait au meilleur moment. Ce résultat, c’est à la fois une récompense pour les talents de développement de l’équipe belge et de détection de l’équipe française, qui a déjà prouvé à plusieurs reprises qu’elle était particulièrement douée pour amener au meilleur niveau mondial des athlètes prometteurs mais pas forcément sur le devant de la scène. Reste à confirmer sur les prochaines épreuves et on croise les doigts pour ça !
Le top 10 est complété, dans l’ordre, par Luca Braidot, Thomas Litscher, Alan Hatherly et Ondrej Cink. Sur ses terres, Henrique Avancini a finalement craqué en fin de course et se classe 13e. Pas rancunier pour un sou, le public l’a fêté comme un vainqueur en plus de tous les autres concurrents et du spectacle proposé pendant près d’1h30. Chez les femmes, beaucoup ont encore en tête la finale de 2018 à La Bresse comme référence en termes de spectacle et d’intensité mais chez les hommes, c’est bien cette ouverture 2022 à Petrópolis qui pourrait tenir ce rôle. Obrigado Brasil !
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Parmi les autres Français, Titouan Carod termine 12e, Antoine Philipp 17e et Joshua Dubau 18e Plus loin, Julien Trarieux est 32e malgré un départ loin sur la grille, Maxime Loret 43e, Thibault Daniel 50e, Hugo Boulanger 70e et Antoine Orchamps 76e. Stéphane Tempier et Benjamin le Ny ont abandonné. Côté Belges, Jens Schuermans se classe 34e.
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Au classement général de la coupe du monde, Nino Schurter prend la tête avec 38 points d’avance sur Maxime Marotte. Derrière les deux hommes, un petit trou s’est créé mais les écarts sont ensuite très serrés : seulement 21 points séparent Alan Hatherly, 3e, de Pierre de Froidmont, 8e ! Entre les deux, on a Sebastian Fini (4e), Thomas Litscher (5e), Filippo Colombo (6e) et Vlad Dascalu (7e).
Résumé :
1. Nino Schurter (SUI, Scott-Sram MTB Racing Team), 1:26:52
2. Maxime Marotte (FRA, Santa Cruz FSA MTB Pro Team), + 0:00
3. Vlad Dascalu (ROU, Trek Factory Racing XC), + 0:03
4. Sebastian Fini (DEN, KMC-Orbea), + 0:55
5. Filippo Colombo (SUI, BMC MTB Racing), + 0:56
Nos autres articles du week-end :
XCC : Ferrand-Prévot et Hatherly démarrent en trombe
XCO Femmes : première pour McConnell !
XCO Hommes : Schurter égale le record d’Absalon !
Espoirs : Burquier déjà devant, Vidaurre confirme
Rendez-vous dans un mois pour la deuxième manche de coupe du monde de XC à Albstadt en Allemagne, du 6 au 8 mai !