Coulisses : Que font les marques  pendant l’intersaison?

Par Elodie Lantelme -

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Coulisses : Que font les marques  pendant l’intersaison?

DH, enduro, cross-country, la saison reprend. Mais elle n’est en fait jamais réellement finie pour les marques de vélos ou de composants, qui occupent une bonne partie de leur hiver et de leur printemps à préparer les montures. Le dernier Suntour Camp 2019 s’est déroulé fin mars, avec l’équipe Absolute Absalon. Un peu plus tôt, nous assistions à celui de San Romolo, en Italie. Immersion.

« On organise ces camps hivernaux depuis 2012, explique Stéphane Guillaume, ingénieur suspensions SR Suntour. C’est pour nous le cœur du travail de l’intersaison. L’an dernier, on avait réuni tous nos pilotes, y compris Mick et Tracey (Hannah), toutes disciplines confondues, à La Fenasosa, au nord d’Alicante, en Espagne, mais cette année, on a décidé de procéder un peu autrement. »

Résultats? La marque a organisé plusieurs rendez-vous cet hiver. Le dernier de la saison aura été, fin mars, le Camp du team Absolute Absalon, près de Boulouris. Mais avant celui-ci, il s’en est tenu notamment un autre, en Italie, à San Romolo, terre de prédilection des descendeurs pour la mise au point.

« San Romolo, c’est bien pour la DH, explique Stéphane, c’est long et ça frappe, donc pour les suspensions, nous avons vraiment des situations d’analyses intéressantes. En fait, les deux pistes susceptibles de répondre à ces exigences de mise au point, ce sont San Romolo et Quintal, en Haute-Savoie, mais à cette époque, l’endroit est plein de neige. »

Parmi les présents sur cette session, des pilotes russe et écossais, Alban Aubert, ambassadeur globe-trotter, ou encore Alex Fayolle (de g. à d.). Sur le Polygon du Français, victorieux de la coupe du monde à Lourdes en 2017, est placé un système d’acquisition de données.

Suntour l’utilise depuis l’un des premiers Camp, avec Flo Payet, en 2014. Stéphane a choisi le système Shift Up, développé à l’époque par Pierre-Geo Plantet, ingénieur-développeur mais aussi pilote émérite.

« Pour nous, il est plus simple à mettre en oeuvre quand on la change de vélo en vélo », précise Stéphane. Plusieurs dispositifs d’enregistrement de données sont installés sur le vélo : sur la fourche et l’amortisseur mais aussi sur les bases et le guidon, afin de créer des repères fixes pour mesurer le travail du débattement.

« Ça fait deux ans que je l’utilise, détaille Alex. Sur le vélo, ça n’est pas toujours facile de ressentir exactement la différence sur les chocs, car il y en a énormément. Avec l’acquisition, on peut toucher exactement ce qui bouge, quand, et ça permet ensuite d’ajuster en fonction de chaque piste, des terrains. Ça peut contredire mes ressentis, donc c’est bien de l’avoir. En fait, avec, on va tout le temps dans la bonne direction, on n’a pas besoin de chercher: on rentre au camion, on analyse et on va dans le sens voulu. »

Emmagasiner un maximum d’infos avant la saison

L’acquisition se pilote depuis une ampli sur un smartphone. Les données sont ensuite extraites. Ensuite, tout est affaire d’ajustement: « On essaie d’avoir des réglages pour chaque course, précise Alex, qui vise cette saison le top 10 au général de la DH mondiale et se verrait bien renouer avec les podiums, mais chaque piste est unique: les cailloux ne sont pas les mêmes, les sauts diffèrent, les racines pareil. Le plus dur, dans le sport, c’est de trouver le meilleur compromis entre tous les paramètres disponibles. »

Avec le service course de Suntour porté par Kevin Allemand et en présence de Stéphane pour piloter l’exploitation des données, il pourrait être aussi envisageable de recourir à l’acquisition en course. Pourtant, Alex ne le souhaite pas: « Pas mal de pilotes font de l’acquisition de données en course, mais ça demande beaucoup d’expérience, car ça prend du temps: celui d’apprendre la piste, avoir des bonnes sensations, mettre l’acquisition, changer, retrouver les bonnes sensations… Moi, si je fais ça, je me concentre moins sur le profil de la piste. »

La piste de San Romolo, Alex la connaît bien. Comme quantité de pilotes qui y viennent l’hiver faire du testing. « Tout le monde fait ça aujourd’hui, s’amuse Stéphane. À l’hôtel où on loge, juste avant nous, ils ont eu Shimano, Spe… » Nous croiserons aussi quelques camions stickés Öhlins à mi-course de la piste de référence. 

Les Test Camps sont aussi l’occasion pour les marques ou les équipes de créer du contenu média, qu’elles diffuseront ensuite pour lancer la saison. « En janvier, nous avons eu le Camp avec le team Polygon, on a pas mal filmé, pour présenter les nouvelles couleurs, les changements… »

« C’est parfois la seule fois de l’année que les gens se voient tous ensemble »

Sur l’événement SR Suntour, c’est le bureau média, installé à Fribourg et dirigé par Hoshi Yoshida, qui s’est déplacé afin d’assurer la production photo et vidéo. Du lourd, avec 3 personnes pleinement dédiées.

« Avant, il y avait cette idée reçue que Suntour, ce n’était pas forcément quelque chose de haut de gamme, concède Stéphane. Ça change aujourd’hui, grâce aux Team Camps, notamment: Fribourg descend, Kevin vient de Grenoble avec le service course et les pilotes apprécient de pouvoir échanger avec l’ingénieur qui met vraiment au point leurs produits. »

Surtout s’ils sont pointilleux, comme Alex le reconnaît: « Sur les suspensions, je suis assez casse-pieds, car c’est la base, le ressenti avec le sol passe par les suspensions, sans ça, on ne peut pas performer. D’où la pertinence de l’acquisition pour un vélo qui pédale bien et fonctionne dans toutes les situations. »

Toutefois, l’acquisition de données reste un système pointu, fragile, à manipuler avec une délicatesse parfois inconnue des services de shuttle italiens. Le Shift Up en a fait les frais, bouton de commande arraché. D’où une réparation électronique express pour Stéphane, et un testing avorté pour Alex. Frustrant, surtout lorsque l’on sait que les pilotes comme Alex, après un break vélo souvent total en septembre et une reprise du foncier à l’entrée de l’hiver couplée au testing des nouveaux produits, veillent ensuite à emmagasiner un maximum de roulage avant la saison.

Mais Team Camps ont aussi un intérêt fort humainement, selon Stéphane: « En fait, c’est parfois la seule fois de l’année que les gens se voient tous ensemble, on discute, on crée des liens… Ce sont un peu nos oscars. » À ceci près que la compétition commence juste après.

 

Photos ©Elodie Lantelme et Hoshi Yoshida

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