Comparatif | Rockrider Race 940 S vs 940 S LTD : lequel choisir ?

Par Adrien Protano -

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Comparatif | Rockrider Race 940 S vs 940 S LTD : lequel choisir ?

C’est un vélo qui avait fait grand bruit lors de son lancement : le Race 940 S a marqué l’arrivée de Rockrider dans le segment du cross-country performance. Pour l’occasion, la marque française a commercialisé deux versions distinctes sur base d’un cadre identique. Ce qui change ? L’équipement. La première version joue la carte du rapport qualité/prix, alors que la seconde baptisée « Limited » se positionne nettement plus dans le haut de gamme, comme une réplique des vélos roulés par le team en coupe du monde. Est-ce que des composants plus luxueux apportent vraiment une valeur ajoutée ? Est-elle perceptible sur le terrain ? Nous avons comparé les deux versions lors d’un face-à-face de plusieurs semaines. Verdict : 

Fin décembre 2022, Rockrider dévoilait le prototype de son nouveau châssis de cross-country lors de la présentation de l’effectif du team de la marque, le Rockrider Racing Team (désormais Decathlon Ford Racing Team). L’objectif ? Développer un châssis en étroite collaboration avec les athlètes dans le but d’être présent sur les Jeux olympiques de Paris 2024 avec un vélo capable de rivaliser face aux meilleurs du marché.

Utilisé durant une année complète sur les courses internationales afin d’éprouver le vélo et de peaufiner le châssis (on se rappellera notamment de la bataille livrée par Joshua Dubau à son guidon face à Tom Pidcock lors de l’ouverture de la coupe du monde à Nove Mesto, et qui était également la première manche de coupe du monde pour le châssis); le prototype s’est finalement transformé en une version de série une année plus tard… ou plutôt deux versions de série ! On vous en parlait dans un article dédié : Test nouveauté | Le Rockrider Race 940 S est (enfin) là 

Pour son premier tout-suspendu axé compétition et performance, la marque française a tenu à offrir deux modèles distincts de son nouveau châssis phare :

La première est le Race 940 S, affiché à 4500 €, soit un tarif extrêmement agressif vis-à-vis de la concurrence, surtout quand on se rappelle qu’on parle d’un châssis 100% carbone identique à celui utilisé par le team. Nous avons pesé notre modèle d’essai à 11,66 kg en taille M.

Le second est le Race 940 S LTD, une version limitée et dont l’objectif est de sa rapprocher le plus possible du vélo utilisé par les pilotes du Decathlon Ford Racing Team. Il est commercialisé à 6500 €. Notre vélo de test affichait 10,99 kg sur la balance.

On insiste sur le fait qu’il s’agit d’une version LTD, un modèle luxueux inspiré du vélo de l’équipe de la marque, et non une version Team Replica à 100%, à savoir une parfaite réplique du vélo utilisé par les athlètes du Decathlon Ford Racing Team. La principale différence concerne les suspensions, puisque le team utilise des suspensions Manitou, qui n’étaient pas encore commercialisées en grande série au moment du lancement du Race 940 S. Mais à part cela, le reste est une copie quasi conforme et ce ne sont que de petits détails ou quelques pièces prototype testées par le team qui diffèrent. Notez aussi que les athlètes Rockrider bénéficient d’une peinture distinctive, non commercialisée, à l’image de cette toute nouvelle livrée destinée aux JO. Mais sous le vernis, c’est bien le même cadre qu’en production qui est utilisé.

Entre les deux versions commercialisées, 940S et 940S LTD, le cadre est aussi totalement identique, seuls les composants diffèrent.

Voilà donc une occasion en or de juger dans quelle mesure les changements d’équipements sont réellement perceptibles sur le terrain et aussi de voir plus précisément quels composants plus haut de gamme apportent une différence en roulant… ou non.

Pour ce faire, nous avons roulé les deux vélos sur un même terrain, dans les mêmes conditions et avec des réglages parfaitement identiques. Dans un second temps, nous avons également échangé certains composants entre les deux versions pour pousser la comparaison et voir l’impact de ces changements.

Transmission : pas gros, juste un peu enveloppé

Commençons par un point relativement facile à comparer : la transmission. Sur le modèle plus accessible, Rockrider a opté pour un groupe Sram GX T-Type, là où son grand frère plus onéreux (940 S LTD) bénéfice d’un luxueux groupe XX SL, à savoir le plus haut de gamme de chez Sram mais aussi le plus léger (une différence de l’ordre de 300 g), et surtout celui utilisé par les athlètes du team.

On notera également que Rockrider a choisi de doter sa version haut de gamme d’un plateau de 36 dents, jugeant qu’il s’agissait du choix idéal pour la compétition, là où le ticket d’entrée affiche un 34 dents. Les manivelles sont en 170 mm sur les tailles S et M, et 175 mm sur les L et XL sur les deux modèles.

Sur le terrain, force est de constater que cette version GX du T-Type se débrouille à merveille, et tout aussi bien que les versions plus luxueuses ! C’est une conclusion à laquelle on avait déjà pu aboutir lors de l’essai d’autres vélos, parfois montés en GX, parfois en XX SL ou XO… mais aussi lors de notre test à la sortie du groupe GX (cf. Test nouveauté | Sram GX Eagle AXS 2023 : le T-Type se démocratise).

Si la différence de poids est impossible à ressentir sur le terrain, elle demeure présente, et si l’on désire obtenir un vélo en dessous d’un certain poids, les quelques centaines de grammes économisés peuvent être déterminants. À chacun de juger si le rapport du prix au gramme économisé en vaut réellement le coût selon ses critères.

On ne serait pas tout à fait complet si l’on omettait la « Magic Pulley » qui équipe le modèle XX SL, mais qui est absent du plus accessible GX. Léo vous expliquait en détail cette fonctionnalité lors du lancement du T-Type : « Le galet de tension (celui du bas) est divisé en deux parties, l’anneau comportant les dents et la structure en aluminium. Les deux ne sont pas collés et la marque a joué sur le coefficient de friction pour obtenir un galet qui fonctionne tout à fait normalement sauf quand quelque chose vient bloquer l’étoile : les dents glissent alors dessus et continuent de tourner, ce qui évite de forcer sur la chape et de potentiellement casser le dérailleur. » Nous n’avons pas eu de souci particulier de casse ou de sensibilité sur le GX, mais c’est également une petite différence fonctionnelle qui peut jouer en faveur du XX.

On notera que le pédalier du modèle GX a eu tendance à se marquer légèrement avec les frottements du pied, alors que c’est un phénomène que l’on n’a pas observé sur le modèle XX SL du Race 940 LTD, qui est en carbone et qui est bien protégé d’origine (film plastique sur la face externe et caoutchouc de protection aux extrémités).

Suspensions : un peu beaucoup

Si le team de la marque bénéficie de suspensions Manitou, celles-ci n’étaient encore qu’au stade de développement au moment du lancement du Race 940 S de série, et ne pouvaient donc pas équiper les modèles commercialisés pour le commun des mortels. Rockrider s’est donc tourné vers RockShox pour ses deux modèles de série.

Sur le modèle le plus accessible, on retrouve un duo composé d’une fourche SID Base combinée à un amortisseur SIDLuxe Select+, développant tous deux 120 mm de débattement et bénéficiant de la commande 3 positions permettant d’osciller entre un mode ouvert pour les descentes, un mode intermédiaire nommé « Pedal » pour les ascensions techniques et singletracks rapides, ainsi qu’un blocage total.

Sur le modèle plus onéreux, les suspensions montent (logiquement) en gamme puisque qu’on retrouve ce qu’il se fait de mieux : une fourche SID Ultimate combinée à un amortisseur SIDLuxe Ultimate développant tous deux 120 mm de débattement et dotés d’une commande 3 positions au guidon. Pour plus de détails sur ces suspensions, c’est par ici : Test nouveauté | RockShox SID 2024 : quand le mieux est l’ami du bien.

Sur le terrain, le Race 940 S livre de très bonnes sensations malgré son duo de suspensions plus accessible. La différence la plus sensible se trouve du côté de la fourche, où la SID Base a tendance à être peu nuancée : soit on favorise l’onctuosité et le confort général, soit on règle la fourche pour obtenir du support en milieu de débattement, mais il nous a semblé (très) difficile d’obtenir les deux à la fois.

Ainsi, les suspensions du modèle plus luxueux ne font qu’amplifier les qualités du châssis. Avec davantage de support et de sensibilité, on se sent plus en confiance pour pousser plus loin le curseur et s’adonner à quelques excentricités de pilotage. Les suspensions plus haut de gamme permettent au vélo de garder une meilleure assiette, même dans les passages plus chaotiques.

Freins : tout le monde à la même enseigne

Pour les deux modèles, le freinage joue par contre davantage la carte de l’exotisme puisque l’on retrouve une paire de TRP Slate X2 avec disques de 180 mm avant / 160 mm arrière. Développée en collaboration avec le Rockrider Ford Racing Team, cette version dédiée au cross-country promet progressivité et fiabilité.

Malheureusement, l’expérience aura été un peu différente pour nous puisque l’on a fait face à des soucis de régularité dans le freinage, avec une purge nécessaire pour remédier au problème. Au-delà de ce petit incident de parcours, les TRP Slate X2 se sont montrés efficaces et bien proportionnés pour le programme de ce vélo. De manière générale, on a apprécié le toucher de ces freins, offrant une bonne modularité. Ils manquent toutefois un peu de mordant et on pourra gagner en qualité de freinage en changeant au-moins les plaquettes qui nous ont paru fort dures.

Train roulant : surprise, surprise

En voilà un point intéressant : le train roulant ! Si les deux versions bénéficient de roues en carbone, une différence a été faite par Rockrider entre les deux versions. Mais comment celle-ci se traduit sur le terrain ?

Sur le Race 940 S, le train roulant est composé d’une paire de Reynolds TR309/289 XC en carbone. Pointant à 1665 g, elles affichent une largeur interne de 30 mm/28mm avant/arrière, des rayons Sapim Sprint, un moyeu Reynolds TR MTN et sont garanties à vie par la marque. Elles sont chaussées de pneus Hutchinson, à savoir un Kraken Racing Lab (carcasse 127 TPI, 2,30 de section) à l’avant et un Kraken Racing Lab Hardskin (carcasse 66 TPI, 2,30 de section) à l’arrière.

Cocorico sur le modèle plus luxueux, avec une paire de Mavic Crossmax XLR. Celles-ci affichent une largeur interne de 30 mm pour un poids de 1595 g. Pour les pneus, c’est un Hutchinson Kraken Racing Lab en 2,30 qui chausse la roue avant et un Hutchinson Skeleton Racing Lab (carcasse Hardskin) en 2,30 que l’on retrouve à l’arrière.

C’est un point qui nous as surpris… D’abord parce que le train roulant de la version plus accessible s’est révélé performant et en phase avec le vélo. Ensuite, parce que la différence avec les Mavic Crossmax XLR ne nous a pas semblé fulgurante. On vous explique.

Sur le Race 940 S, la paire de Reynolds est tout à fait côtoyable et on est bien content d’avoir (déjà) une paire de roues en carbone à ce tarif. On peut par contre leur reprocher un petit manque de dynamisme… Défaut que l’on s’attendait à corriger avec la paire de Mavic Crossmax XLR du modèle LTD.

Pourtant, dans les faits, la différence a été (bien) moins marquée que ce à quoi l’on s’attendait. Pour isoler le paramètre des roues, nous avons interverti le train roulant des deux vélos : on sent que celui-ci évolue au moment de passer sur les Crossmax XLR, notamment au niveau de l’absorption des impacts, mais sans être un changement du tout au tout. Dommage ! Nous avons également monté une autre paire de roues que l’on apprécie pour leur côté « réactif » et le constat a été sans appel : là on sent une vraie différence.

Périphériques : le diable se cache dans les détails

En plus des composants principaux que l’on vient de comparer, une série de périphériques diffèrent également entre les deux versions. C’est notamment le cas de la tige de selle télescopique où la TranzX Light laisse place à une Rockshox Reverb AXS. Même si sur papier, la Reverb AXS semble être un luxe non nécessaire; dans les faits, la TranzX Light demande beaucoup d’effort pour descendre la selle, ce qui s’avère gênant sur les sorties à profil très varié.

Sur le modèle 940 S, le poste de pilotage est maison avec une potence de 70 mm en taille M (+- 10 mm selon la taille) et un angle de -20°, accompagnée d’un cintre en aluminium de 760 mm de large.

Comme pour le team de la marque, le poste de pilotage du modèle LTD est un FSA KFX composé d’une potence en aluminium affichant un angle de – 20° et une longueur de 60 mm en taille S/M et 70 mm en taille L/XL, ainsi que d’un cintre en carbone de 760 mm.

Si l’avant du vélo nous a paru plus précis (et un peu plus rigide) sur le modèle LTD, difficile de distinguer dans quelle proportion cela est lié au châssis de la fourche ou du poste de pilotage… Précisons également que la rigidité de ce cintre FSA en carbone nous a semblé justement dosée, ce qui permet de conserver beaucoup de confort tout en apportant cette précision supplémentaire. Au final, le point va au cintre FSA en carbone plutôt qu’au poste de pilotage en alu sur ce 940 S.

Et le châssis dans tout ça ?

Après plusieurs semaines à basculer entre ces deux versions, nous pouvons affirmer que le Rockrider Race 940 S a confirmé toutes les bonnes impressions que l’on avait eues lors de notre première prise en main sur les sentiers d’Altéa en Espagne. Là où le châssis a réussi à nous surprendre davantage sur nos circuits de test habituels, c’est lors d’ascensions techniques. Le Race 940 S est parfaitement balancé et offre un équilibre digne des meilleurs vélos du marché. En plus de cette position efficace, le Race 940 S s’avère vif et ludique. Assez logiquement au vu de son programme XCO, les suspensions du Race 940 S affichent une certaine fermeté, tout en conservant la dose de confort nécessaire pour envisager des sorties longues. Bref, malgré son tarif bien placé, le Rockrider Race 940 S est une vraie machine de cross-country contemporaine et concurrentielle vis-à-vis des meilleurs châssis du marché.

Verdict :

Le Rockrider Race 940 S est un vrai châssis de XC contemporain, et diablement compétitif face à la concurrence ! Impossible de ne pas être impressionné par son tarif agressif et le très bon rapport composants/prix, que ce soit sur la version la plus accessible à 4500 € ou le modèle LTD plus luxueux à 6500 €. Mais alors, laquelle choisir ? Après avoir comparé les deux modèles en face-à-face durant plusieurs semaines, notre coeur balance davantage vers la version la plus abordable. Si la version LTD a tout d’un vélo prêt à s’aligner sur n’importe quelle grille de départ de compétition, certains composants sont luxueux, mais sans que le rapport prix/gain à l’usage soit suffisamment marqué. L’exemple le plus parlant se trouve du côté de la transmission où le groupe GX conserve admirablement la face vis-à-vis de l’onéreux groupe XX SL. C’est également la discrète différence entre les deux trains de roues qui nous font tendre vers la version la plus accessible. Avec une partie du budget économisé entre les deux versions (à savoir 2000€), il est possible de choisir une paire de roues artisanales qui donnera davantage vie au vélo tout en correspondant parfaitement à l’utilisateur et à ses besoins/envies. Par contre, impossible de nier l’intérêt de la version LTD pour ses suspensions en gamme Ultimate, offrant davantage de support et de sensibilité. Reste à choisir entre le châssis LTD « prêt à l’emploi » pour toutes les circonstances, ou le plus modulable (au vu de son tarif) 940 S permettant de l’adapter davantage à ses préférences ! 

Pour plus d’informations : https://www.decathlon.fr/p/velo-vtt-cross-country-cadre-carbone-race-940-s/_/R-p-350265

ParAdrien Protano