Comparatif | L’endurigide : pour qui et pourquoi ?
Par Adrien Protano -
À une époque où les vélos tout-suspendus ont investi toutes les pratiques, du cross-country jusqu’à la descente, et demeurent majoritaires sur les sentiers, certains continuent de choisir le semi-rigide pour des pratiques pourtant engagées. Quels sont les avantages et inconvénients, et pourquoi donc certains se tournent vers l’endurigide ? Réponse avec la comparaison de trois châssis bien distincts dans leur philosophie, matériau de construction et budget :
Du cross-country jusqu’à la descente, une grande majorité de pratiquants préfèrent choisir aujourd’hui un vélo tout-suspendu. Pourtant, certaines marques continuent de proposer des modèles semi-rigides à destination des pratiques engagées, et d’autres n’ont même que ça à leur catalogue… Mais à qui se destinent donc ces machines et pour quels usages ?
Trois modèles pour trois visions de l'endurigide !
Pour répondre à la question, nous avons comparé trois modèles endurigides ayant chacun leur propre philosophie, leur propre matériau de construction et un budget différent. Trois modèles pour trois visions de l’endurigide !
Orbea Laufey : aluminium à destination du trail
Lancé en 2015 sous le nom de Loki, le hardtail de la marque espagnole avait été rebaptisé Laufey deux ans plus tard, mais sans changer d’objectif pour autant : offrir un hardtail destiné à la pratique du trail, polyvalent et amusant à piloter. Si le Loki était auparavant commercialisé dans une version aluminium ainsi que dans une version en acier, le Laufey est désormais uniquement disponible en aluminium !
Fourche de 140 mm de débattement, roues de 29″ et pneus jusqu’à 2.6 de section, passage interne des gaines et boîte à gants sont au programme de cet Orbea Laufey. Pour plus d’informations : Nouveauté 2024 | Orbea Laufey : le hardtail qui se veut fun.
Le premier argument de taille pour cet Orbea Laufey est son tarif (avec un prix allant de 1499 € à 2499 €). Comme quoi on peut encore trouver des châssis amusants pour un prix contenu !
Bien posé à son guidon, le Laufey offre une géométrie aboutie : des bases assez longues (440 mm) et un angle de tube de selle suffisamment prononcé (77°) pour offrir une bonne position en montée, associé à un angle de direction de 64,5° et un reach de 475 mm en taille L. Sur le terrain, cela se traduit par un vélo amusant à piloter sur les terrains pas trop cassants, avec un châssis offrant un bon équilibre.
« Les gros pneus que l’on a du mal à apprécier sur les tout-suspendus ont un peu plus d’intérêt ici », détaille l’un des testeurs de la rédaction. Avec une plus grosse section, ceux-ci permettent de compenser en partie le manque de confort et de filtrations des impacts. Malgré ces pneus, il est difficile de prétendre à davantage de confort au guidon de ce Laufey qui reste conseillé pour les terrains meubles et/ou pour les pilotes physiquement prêt à assumer le cadre en aluminium. Pour davantage de confort et d’efficacité, se tourner vers un autre matériau sera la solution.
Sobre Off : acier et pratique engagée
Petite marque française spécialisée dans l’acier, Sobre a pour mission de concevoir des cadres simples et accessibles, qui se concentrent sur l’essentiel avec une géométrie très soignée et un comportement résolument axé vers le plaisir. Pour ce faire, la marque du Beaujolais ne propose que des modèles semi-rigides.
Le OFF est le modèle « All Moutain-Enduro » de la marque, destiné à recevoir des roues de 29″ et une fourche développant entre 140 et 150 mm de débattement au choix.
Sans surprise, le cadre est fait d’acier, le matériau signature de la marque française, et plus précisément du Reynolds 520 Double Butted pour le triangle avant et du cromo 4130 pour tout le reste. Contrairement au triangle avant en double épaisseur, le tube de selle est quant à lui en trois épaisseurs différentes pour gagner du poids.
La marque explique également traiter les tubes de ses cadres contre la corrosion en interne et en externe… De quoi faire perdurer ce matériau déjà réputé pour sa durabilité.
Précisons que ce Sobre OFF, comme tous les autres modèles de la marque française, n’est vendu que sous forme de cadre seul. C’est ici le vélo de Jacques, enduriste et testeur au sein de la rédaction belge, qui illustre cet article. L’ensemble des composants ont donc été choisis par ses propres soins : « J’avais déjà une série de composants dans le garage. Quand j’ai aperçu le kit-cadre en ligne, je me suis dit que c’était une bonne manière d’utiliser toutes ces pièces qui « traînaient » et je ne regrette pas du tout mon choix. Le prix très attractif était un facteur de choix important », explique Jacques.
« Pour être tout à fait honnête, je pense que c’est le vélo qui m’a coûté le moins cher, et celui avec lequel je m’amuse le plus ! », explique l’enduriste. « Ce vélo, c’était l’occasion de revenir aux bases, de réapprendre à travailler avec les jambes. C’est également une bonne manière de rajouter de la difficulté, de pimenter un peu les sorties. Dans certaines régions où je roule, on ne va pas jusqu’au bout des gros vélos d’enduro, voilà d’où vient l’idée de l’endurigide », continue-t-il.
Le choix du matériau a été un élément prioritaire pour Jacques qui désirait un cadre en acier : « J’avais testé certains modèles en aluminium, et je voulais plus de confort. C’est pour cela que je me suis tourné vers l’acier. » Ce confort accru de l’acier par rapport à l’aluminium est un point sur lequel on rejoint l’avis de Jacques. De manière générale, l’acier est un matériau plus rigide que l’aluminium, mais également davantage capable en termes de déformation (clin d’oeil au Module de Young: Coup d’œil – Vojo Magazine, Volume 1 : L’acier, matière à réflexion). Voilà d’où vient la fameuse réputation de ce matériau d’offrir des vélos confortables et infatigables.
Pour apporter un peu de confort et de tolérance malgré l’absence de suspension arrière, il est possible de monter un pneu à la section un peu plus importante à l’arrière. C’est la solution pour laquelle a opté Jacques : « J’ai choisi un pneu en 2.4 et carcasse renforcée, avec une mousse anti-pincement pour la roue arrière. »
Chiru Whipper : la magie du titane
Vous avez déjà entendu parler de Chiru et de Pierre-Arnaud Le Magnan sur Vojo. Nous avons essayé quelques réalisations de ce Français établi en Asie (cf. Chiru sur Vojomag), et nous nous sommes aussi laissés guider par cet aventurier pour découvrir la magnifique île de Taïwan sur laquelle il s’est établi désormais (cf. Portfolio | Taïwan : la face verte de l’île aux vélos). C’est vers le titane que la marque s’est rapidement tournée et spécialisée pour son côté performant et durable.
Chacun des 10 modèles au catalogue de la marque est inspiré par une aventure, une épreuve, un tracé. « Le Whipper a été mis au point pour des explorations dans le massif alpin le plus haut d’Asie du Nord-Est. À la fois très escarpé et culminant à près de 4000m, il est traversé par un réseau de chemins de randonnée très techniques impliquant une alternance de sections roulables et de portages. Ces aventures nécessitent à la fois un vélo léger, et une géométrie optimisée pour les gradients de pente importants », explique Pierre-Arnaud Le Magnan, fondateur de la marque. Un endurigide certes, mais fortement influencé par l’ADN endurance et bikepacking de la marque !
Le cadre de ce Chiru Whipper est très bien réalisé, avec un niveau de finition supérieur. L’avantage du cadre brut en titane est que l’on peut charger de la bagagerie sans craindre d’abîmer la peinture dans un usage « bikepacking VTT ». Ce modèle est prévu pour accueillir une fourche développant 130 ou 140 mm de débattement au choix, ce qui s’est révélé suffisant et bien adapté.
Chiru a fait le choix d’équiper son Whipper de roues en 29″ et avec des pneus de 2.6 de section afin de maximiser l’absorption des chocs et le confort. C’est bien pensé pour le bikepacking, mais pas idéal lorsqu’on roule non chargé. Pour un usage sans bagagerie, on optera plutôt pour un pneu en 2.4 de section, avec un profil roulant à l’arrière et plus cramponné à l’avant.
Sur le terrain, ce Chiru Whipper est une véritable vision particulière de l’endurigide. Avec une géométrie engagée, un cadre très bas et avec un sloping important, on a beaucoup de place pour faire jouer le vélo entre ses jambes, ce qui est grisant. Agréable à piloter, le Whipper n’est pas non plus extrême dans ses cotes de géométrie et ne va pas concurrencer les spécialistes anglais des endurigides en titane aux géométries très engagées.
Le cadre en titane est un vrai plaisir, avec une excellente filtration des chocs, peut-être encore supérieure à celle de l’acier… et avec un poids bien plus contenu ! Sa légèreté se ressent au pédalage où le Whipper offre un côté nerveux dans les relances, et plus pédaleur en général que les deux autres modèles de ce comparatif. Il est facile de s’imaginer rouler pendant de longues heures au guidon de ce Whipper !
Qu’importe le budget ou le matériau choisi, l’inspiration principale derrière cette catégorie de vélo endurigide est identique : loin du désir de performance, c’est l’envie de rouler différemment qui prime ; le désir de retrouver des sensations plus pures et brutes au guidon de son vélo, mais également l’envie de dompter un châssis à la géométrie aboutie, mais sans suspension arrière. Un point commun entre ces trois châssis a également été la pertinence d’un train roulant à la section plus importante, facteur d’un confort accru ! Le choix du matériau est par contre un élément décisif dans le comportement sur le terrain. Si l’aluminium a l’avantage d’être plus accessible financièrement, il est également vecteur d’un confort plus élémentaire sur le terrain. La différence de confort entre l’acier et le titane est plus subtile, mais là où le titane sort son épingle du jeu, c’est au niveau de la légèreté. Plus nerveux et meilleur pédaleur, le Whipper s’accommode plus facilement de longues aventures à la pédale que le Sobre Off, mais pour un tarif bien différent également. Bref, à chacun son endurigide, l’important c’est le plaisir !