Comment concevoir un casque de VTT : le cas du Julbo Forest
Par Paul Humbert -
Il ne pourra jamais plaire à tout le monde. Que ce soit sur votre tête, ou sur celle de vos amis, un casque est toujours un parti pris de design et d’ergonomie. Mais ce qui distingue un couvre-chef d’un autre, c’est le soin qui est apporté à sa conception et à l’effort déployé pour tenter de convenir au plus grand nombre. On a retracé les grandes étapes de l’histoire du Forest Evo, le tout premier casque du lunetier (mais pas que) Julbo :
Le Forest Evo, c’est son petit nom, on l’a d’abord découvert sur la tête des ambassadeurs de la marque : Yannis Pelé, François Bailly-Maître, Ludo May… puis, on l’a vu en rayon et on s’est demandé : pourquoi est-ce qu’un fabricant de lunettes s’est lancé « dans » le casque ?
En plusieurs décennies, la marque Julbo est passée d’un fabricant de verre pour les cristalliers de Chamonix à une marque reconnue dans les sports outdoor pour la qualité de ses lunettes. Mais du côté du vélo, l’histoire est plus récente et la firme de Longchaumois était restée jusque-là concentrée sur la lunette.
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Julbo Forest Evo : l’idée de départ
Il fallait regarder du côté de la gamme « hiver » pour avoir un début d’élément de réponse. Julbo n’en est pas à son coup d’essai et le développement des casques a commencé pour les sports d’hiver. « Le casque est la suite logique de la lunette », nous explique Christophe Beaud, le directeur de la marque. Il continue en nous expliquant que « le vélo a le vent en poupe » chez Julbo, les investissements allant plus du côté des sports outdoor « d’été » que vers l’hiver qui souffrira dans les prochaines années des effets du réchauffement climatique.
L’autre idée de départ est simple et c’est Nicolas Defude, le chef produit, qui nous la donne : concevoir un casque d’enduro pour les pratiquants de VTT.
L’envie est née au contact des voisins et amis de Julbo : les vététistes jurassiens qui étaient à la recherche de ce type de casque. On pense évidemment à François Bailly-Maître, un des ambassadeurs de la marque, mais ce dernier était épaulé par Jérôme Clementz et Fabien Barel au début du projet. Nicolas continue : « On voulait faire un casque d’enduro, ils nous ont dit ce qu’était un casque d’enduro. »
La conception
Impossible de ne pas évoquer le village de Longchaumois, qui est le coeur de la marque Julbo dans une vallée où l’industrie de la lunette est historique. Situé dans le Jura, il abrite les bureaux de conception, de design, les commerciaux et des ateliers de production de certains produits (dont les verres solaires à la vue, on y reviendra).
La force de Julbo, c’est de maîtriser ses projets et ses investissements sans faire appel à des bureaux de conception externes. Le casque de VTT Forest Evo est né dans le même bureau qui a conçu les casques de ski, et dans le même bureau qui termine un premier casque de vélo de route au moment où nous écrivons ces lignes.
L’équipe de conception est ainsi partie d’une feuille « à moitié blanche » pour donner naissance au Forest Evo. Les points communs avec le ski qu’il faut traiter : la norme de sécurité, le confort, la ventilation et la légèreté. Au-delà de ces grands blocs identifiés, la différence entre les disciplines implique un départ à zéro.
Un bon casque, c’est d’abord de la protection et le passage de la norme européenne dédiée conditionne toute commercialisation. Pour une utilisation « enduro », Julbo ne voulait pas transiger avec ça et se limiter à cette norme qui ne fait pas de distinction au-delà du « minimum ». En suivant les recommandations de son panel de testeurs, Julbo a augmenté la couverture tout autour de la tête : sur la nuque, les tempes et avec un volume plus grand. C’est la base du projet.
Après la validation de cet élément clé, il a fallu construire autour les caractéristiques de ventilation, de maintien, de confort, de poids… « On devait éviter l’erreur flagrante, et on y est arrivé […] à l’aide de beaucoup de maquettes et protos », nous explique Nicolas Defude.
Et une fois la recette du Forest Evo trouvée, il a fallu décliner le tout en trois tailles. Là aussi, on pourrait logiquement penser qu’une simple multiplication ou division des proportions suffit à trouver la recette, mais ça aurait été beaucoup trop facile. Il faut repenser chaque taille individuellement, tout en gardant la forme du casque.
Le trait d’union
Une fois le Julbo Forest Evo entre nos mains, on découvre le « fit » du casque et sur votre tête, c’est la loterie car tous les crânes sont différents. On connaît tous un modèle de casque qui nous va comme un gant et que notre camarade de ride ne supportera pas plus de 5 minutes sur sa tête. Sur ce point, Julbo est bien conscient du challenge et a réalisé beaucoup d’essais de modèles concurrents : « Il faut tendre vers le fit universel, mais aucune marque ne l’a trouvé. Cependant, des casques sont plus tolérants et acceptés que d’autres. On a fait beaucoup d’essais et d’ergonomie chez Julbo. C’est des heures et de la sueur. »
On doit dire qu’après pas mal de temps passé sur les sentiers avec le Forest Evo, Julbo a tapé juste. Ce n’est pas le coup de coeur de chaque membre de la rédaction, mais certains l’ont adopté dès le premier essayage et personne n’a dû le remiser immédiatement.
Pour augmenter les éléments de protection, Julbo a intégré le système Mips.
On retrouve un réglage occipital assez standard et une boucle de serrage Fidlock aimantée, qu’on peut ouvrir et fermer d’une main.
Le premier véritable trait d’union entre les deux activités de Julbo se situe au niveau de la visière qui est positionnée haut pour permettre d’y glisser des lunettes ou un masque.
Le second, et le plus important, c’est « l’eyewear storage » qui permet de glisser les branches de ses lunettes (Julbo de préférence nous dit-on, en toute objectivité) sous une petite bande de silicone qui vient les retenir plaquées contre le casque. On a testé et le résultat est convaincant niveau maintien, même si il faut un petit coup de main pour réussir à glisser les lunettes dedans lors des premières utilisations.
La production
Le Forest Evo aura demandé 24 à 30 mois de travail pour voir le jour. Derrière ce casque se cache un chef de produit, deux designers (dessin et modélisation), un prestataire d’impression 3d, un prototypiste et une petite armée de testeurs.
Pour la production pure et dure, il faut se rendre en Chine : « Il y a presque tout là-bas : un vrai savoir-faire et une grosse capacité de production. Il y a beaucoup de matériel et la possibilité de travailler en co-développement avec l’usine, c’est vraiment bien », nous explique Nicolas Defude.
Pourquoi pas en Europe, en Roumanie par exemple comme pour les lunettes de la marque ? « C’est plus difficile, il y a moins de capacité de production et un peu moins de savoir-faire aussi. On surveille ça de près et on l’intègre dans nos développement futurs. La filière se reconstruit actuellement, mais c’était un peu tôt pour le Forest Evo. »
L’avenir de Julbo en vélo ?
« On a une vision à court terme évidemment », nous glisse-t-on avec un oeil malicieux avant de revenir à une réponse plus sérieuse. Chez Julbo, le vélo et les segments « été » sont porteurs, malgré le ralentissement post-covid de l’industrie du cycle. Nicolas Defude précise : « Chez Julbo, on a rarement les deux pieds dans le même sabot […], le casque est un marché concurrentiel mais les petits jurassiens que nous sommes ont toujours réussi à se faire une place. »
La marque s’apprête à dévoiler un casque de vélo de route et la gamme VTT ne devrait pas se cantonner au Forest Evo.
Notre podcast « Le Lunch Ride », à la rencontre de Christophe Baud, directeur, et Nicolas Defude, chef produit chez Julbo.
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Plus d’infos sur le site de la marque : www.julbo.com