Les championnats du monde de XC Marathon 2022 vécus de l’intérieur
Par Adrien Protano -
Mi-septembre, les championnats du monde 2022 de XC Marathon se sont déroulés à Haderslev, dans la fraicheur du Danemark. Si l’on retrouvait sur la ligne de départ des athlètes internationaux tels que Pauline Ferrand-Prévot ou Sam Gaze, un Français proche de la rédaction de Vojo, Rémi Groslambert – vainqueur de la MB Race 2022 – s’est infiltré afin de vous raconter cette expérience, vécue de l’intérieur !
250km à l’ouest de Copenhague : la ville de Haderslev, ses maisons colorées et ses étendues d’eau. Voilà le décor des championnats du monde de XC marathon 2022, qui se tenaient du 15 au 17 septembre dernier.
Mais avant d’apprécier la beauté de ces paysages danois, c’est une autre étape qui s’impose à nous : la patience. Si la course a lieu le samedi matin, c’est pourtant le mercredi à 5h30 précisément que nous prenons la route au départ d’Annecy pour 14 heures de trajet. Je partage ce bout de chemin avec Axel Roudil Cortinat (Team Giant France) et Olivier Raedisch, membre du staff du Team La Forestière, qui nous prête gracieusement leur camion.
Bien arrivés à l’hébergement à Haderslev, les stratégies sont différentes pour chacun de nous afin de récupérer de ce long périple : Axel va faire tourner les jambes durant une heure, tandis que j’opte pour une journée de repos complet de mon côté.
La journée du lendemain, tout comme celle du vendredi, est consacrée à la reconnaissance du parcours. Mais avant de découvrir les singletracks danois, nous profitons d’être sur le site de la course pour effectuer les inscriptions et récupérer les maillots de l’équipe de France. Nous échangeons quelques mots avec les autres Français présents, notamment Jordan Sarrou et Hugo Drechou. Au niveau du matériel, le plateau de 38 dents et les pneus semi-slicks sont de sortie : 28 km/h de moyenne sont annoncés pour les premiers…
Le départ de ce circuit se trouve au centre de la ville, avant de serpenter autour des lacs formés durant la période glaciaire et de s’enfoncer dans la forêt de Pamhule et ses nombreux singletracks. Le parcours, majoritairement plat et roulant, est composé d’un tour de 40 kilomètres qu’il nous faut effectuer à trois reprises. Voilà qui est pratique pour découvrir l’intégralité du tracé les jours précédant la course.
Le jeudi, nous effectuons un premier tour à allure modérée, en compagnie d’Axel et de Benjamin Le Ny. J’effectuerai mon déblocage durant la séance du vendredi, uniquement avec Axel cette fois.
Au bout de ces 2 tours de reconnaissance, la conclusion est limpide : le circuit, que l’on peut décomposer en 3 parties, est très spécial et assez éloigné de ce dont nous avons l’habitude de rouler.
Les 8 premiers kilomètres sont très roulants et larges afin de pouvoir accueillir un peloton encore fourni. La partie suivante se compose principalement de singletracks dans les sous-bois avec une succession de montées très courtes et de descentes, comme un vrai XCO. Les 8 derniers kilomètres sont à nouveau très plats et roulants.
On est samedi, le jour J est enfin arrivé – petit déjeuner à 5h30 du matin à base de riz, toujours un plaisir… Nous arrivons sur le site de départ plus d’une heure avant la course. Aujourd’hui, vu la physionomie du parcours, je préfère effectuer mon échauffement XCO plutôt que l’échauffement marathon classique, ça va partir fort, très fort !
Un quart d’heure avant la départ, c’est l’heure de la mise en grille, je me retrouve dans le même box que Jordan Sarrou, on se souhaite bonne chance. Je suis placé 50ème sur la grille de départ, c’est bien, très bien même. Autour de moi, il n’y a quasiment que des professionnels, cela risque d’être compliqué de garder sa place.
8h30, le départ est donné ! C’est un départ à l’allure d’un ShortTrack plutôt que d’un marathon : ça frotte très fort et les relances se font à fond. Mon objectif est de perdre le moins de places possible avant l’entrée dans les singletracks où il sera plus difficile de passer. Les 8 premiers kilomètres se font à une allure de XCO, c’est du délire. Manquant cruellement de puissance sur le plat, je perds quelques places. Ainsi, je peux voir Jordan Sarrou me passer, suivi quelques mètres plus loin de Simon Andreassen.
A la fin de ces 8 kilomètres roulants et très rapides, nous voilà enfin face à l’entrée de la forêt de Pamhule, je suis environ à la 75ème place, dans la roue de Dan McConnell. Au détour de quelques virages devant moi, j’aperçois Vlad Dascalu, je me rassure en me disant que je ne dois donc pas être si lent que ça… L’allure ne baisse pas autant qu’espéré, et un peu en sur-régime, je dois me résigner à laisser filer encore quelques coureurs.
Finalement, j’arrive à me placer dans les roues d’un petit groupe dont l’allure me convient. Les enchaînements de montées se font en danseuse à haute intensité, c’est très rythmé. Sur les portions plates nous prenons des relais comme sur une course de route.
A 8 kilomètres de la fin du premier tour, je crève sur un chemin large, sûrement à cause d’un morceau de verre, quel poisse ! Je mets rapidement une mèche dans le pneu et visse ma cartouche dans le percuteur. Cette dernière se vide instantanément lors du vissage, décidément ce n’est pas mon jour de chance…
Je me rassure en me disant que l’histoire aurait pu être pire, je n’ai pas perdu tant de temps que ça.
Me voilà donc en route pour rallier la zone technique qui se trouve à 8 kilomètres avec un pneu à plat, ça ce n’était pas dans les plans ! Heureusement j’ai une mousse anti-pincement dans le pneu qui me permet de rouler en limitant la casse jusque-là. Une fois la zone technique atteinte, je m’empresse de regonfler mon pneu et je me rassure en me disant que l’histoire aurait pu être pire, je n’ai pas perdu tant de temps que ça. Le réel souci qui s’impose désormais à moi : je me retrouve esseulé sur les parties roulantes.
Pendant les deux derniers tours je reprends les coureurs un à un, mais le gros du peloton est trop loin que pour espérer le regagner. Le dernier tour est très dur, l’accumulation des dizaines de petites ascensions se fait sentir dans les jambes, ça brûle ! Même si le circuit et ses nombreux enchainements rapides en forêt me plaisent, cela manque cruellement de spectateurs à cet endroit reculé pour nous porter vers la ligne d’arrivée, d’autant plus pour un championnat du monde….
Un dernier effort sur la partie roulante ralliant Haderslev afin d’éviter tout retour possible du coureur anglais qui me poursuit et c’est déjà l’arrivée : 120 kilomètres avalés à 25 de moyenne pour ma part, 28 pour les premiers, ce fut intense ! De mon côté, je finis tout juste dans les 100 premiers, belle déception, c’est certain, mais les objectifs sont plus lointains cette saison et les étoiles n’étaient pas alignées aujourd’hui.
Pauline Ferrand-Prévot et Sam Gaze remportent le titre de champion du monde XCM, assez peu étonnant sur ce tracé nécessitant du punch et de la puissance. Dommage pour les purs marathoniens, habitués à des dénivelés plus conséquents et des efforts moins explosifs.
Rendez-vous l’année prochaine à Glasgow !
Quant à nous, il est déjà l’heure de repartir dès demain pour 14 heures de route…
Crédit texte et photo : Rémi Groslambert
Crédit photo : Ard Jongsma