La préparation hivernale en 10 questions
Par Charles Dewolf -
Une saison à peine terminée, il est déjà temps de penser à la suivante… mais il reste à savoir comment l’aborder. Couper ou ne pas couper ? Faire d’autres sports ou pas ? Quand et comment reprendre ? Dehors ou sur le rouleau ? Pour cette première chronique entraînement, nous avons essayé de réunir quelques-unes des questions les plus souvent entendues à propos de la préparation hivernale. Pour y répondre, nous nous sommes tournés vers Charles Dewolf, préparateur physique de formation universitaire, véritable référence en Belgique qui interviendra désormais à intervalles réguliers sur Vojo en qualité de responsable de notre rubrique entraînement.
1. Comment gérer la coupure hivernale ?
Il est cependant très important de rester un minimum actif durant cette période. Si une pause sportive complète d’une semaine à 10 jours peut s’envisager, il est déconseillé de faire plus. En effet une interruption de toute activité physique de plus de 14 jours entraîne de grosses désadaptations physiologiques (musculaire et cardio-vasculaire) à l’effort, et vous mettrez alors du temps à récupérer. Il est donc nécessaire de rester actif, même avec une petite activité très légère. Il suffit d’une petite stimulation sportive de temps en temps pour limiter la « perte » de condition. 1 à 2 séances légères de 1 à 2h par semaine grand maximum suffisent amplement, avec la possibilité bien évidemment d’insérer d’autres activités physiques. L’important étant, en cette période, de se faire plaisir. Vous pourrez alors mettre à profit vos entraînements de novembre et décembre pour évoluer, davantage que pour récupérer ce que vous avez perdu lors de l’intersaison.
2. Quand et comment reprendre l’entraînement après la coupure hivernale ?
La période de reprise des entraînements après la coupure hivernale correspond pour la majorité des cyclistes au mois de novembre/début décembre. Il s’agit alors de reprendre le chemin des entraînements en douceur et de manière plus régulière. Régularité, oui, mais pas de grosses charges de travail ni d’accumulation de fatigue au programme lors de cette période. Il est surtout important de retrouver une constance dans les entraînements. On privilégiera alors un travail principalement d’endurance et de technique (technique VTT, technique de pédalage par exemple) en variant un maximum les séances sans hésiter à incorporer d’autres activités physiques comme la course à pied ou la natation. Lors de cette période, l’entraînement doit rester un plaisir et ne doit en aucun cas devenir une contrainte, bien au contraire. Enfin, il est important de privilégier la fréquence et la variété des entraînements sur de petites durées, plutôt que les gros volumes d’entraînement qui engendrent une plus grande fatigue et arriveront plus tard dans la préparation.
3. Quel(s) sport(s) complémentaire(s) pratiquer à la reprise ?
A la reprise, il est important de redémarrer les entraînements de manière plus régulière, à la fois en augmentant la fréquence des séances sur le vélo mais également en complémentant avec d’autres activités d’endurance. La saison est encore loin, autant privilégier la variété des séances sans se focaliser tout de suite à 100% sur le vélo. On va alors plus rechercher une remise en route générale par un travail cardiovasculaire sur le vélo et en dehors. Dans cette optique, tous les sports d’endurance sont bien évidemment de très bons compléments au vélo. La natation et la course à pied sont les plus fréquemment pratiquées mais en fonction de la région dans laquelle on s’entraîne on peut envisager d’autres disciplines comme l’aviron ou encore du ski de fond qui sont 2 disciplines tout à fait complémentaires au VTT. La notion de plaisir à l’entraînement doit rester centrale en cette période et il est tout à fait possible de combiner avec des sports plus explosifs tels que les sports de raquettes ou encore l’escalade par exemple. Outre la variété des entraînements, ces différents sports permettent de solliciter des groupes musculaires différemment et sont complémentaires au vélo. La natation, l’escalade ou l’aviron par exemple permettront de renforcer la musculature dorsale et les épaules. La course à pied requiert un régime de contraction musculaire tout à fait différent du vélo sur certains groupes musculaires et permet alors un renforcement articulaire et tendineux intéressant en hiver. Pour résumer, on peut dire que 30 à 50 % du volume d’entraînement peut être mis en place en dehors du vélo (via d’autres activités ou/et le travail en salle de musculation).
4. Comment aborder la charge d’entraînement à la reprise ?
Les mois de novembre/décembre étant propices à la reprise globale, les entraînements mis en place durant cette période ne doivent pas être trop contraignants physiquement et mentalement. Comme mentionné plus haut, le but est surtout de privilégier la variété des séances d’entraînement. Pas de gros volumes en vue lors de cette période, on ne peut donc pas vraiment parler de mise en place de « charge » et « décharge » d’entrainement durant cette phase mais plutôt d’une constance. Le but n’est surtout pas d’accumuler de la fatigue mais plutôt de privilégier la fréquence des entraînements. L’organisme réagira et s’adaptera en effet beaucoup mieux à de petites sollicitations sportives régulières qu’à de grosses charges de travail ponctuelles. Pratiquement, il vaut mieux effectuer 5x1h d’entraînements variés sur la semaine que 2x2h30. Les randonnées organisées et sorties en groupe ludiques et conviviales sont les bienvenues également en cette période.
5. Faut-il prévoir un stage de préparation, sur quelle durée et quand ?
Le stage de préparation hivernale est très intéressant pour préparer au mieux la saison 2016 et faire face aux aléas de la météo durant l’hiver. Le but premier d’un stage est de pouvoir accumuler de la charge de travail dans des bonnes conditions (mentales, physiques et météorologiques) et de pouvoir se focaliser durant quelques jours sur ses entraînements sans contraintes horaires ou professionnelles. Bref de pouvoir vivre comme un pro l’espace d’un petit séjour
Idéalement, ce stage doit avoir lieu sur une période de 5 à 10 jours pour avoir une période de travail suffisante tout en évitant la fatigue et la lassitude que peut engendrer un long séjour. L’objectif est de créer une surcharge d’entraînement (en volume et/ou intensité) suivie d’une période de décharge d’1 à 2 semaines. Celle-ci doit être bien calibrée et est déterminante car elle permettra de « digérer » ce qui a été mis en place lors du séjour et de repartir sur un niveau de performance plus élevé. Lors de cette période de récupération le volume des entraînements devra être diminué de 40 à 50%. Il est donc très important d’arriver frais sur ce genre de stage et de bien gérer la récupération post stage.
La mise en place de ce type de séjour dépend de plusieurs paramètres : de vos disponibilités bien entendu, mais également de vos objectifs. Par exemple, les crosseurs doivent être en bonne forme dès le mois de mars tandis que pour les amateurs de plus longues distances ce sera plus en avril-mai en fonction des objectifs fixés. Les périodes de stage pourraient donc être différentes. La période de la saison déterminera également la thématique des séances abordées en stage. Un stage réalisé en décembre sera plus orienté vers du travail de fond et musculaire. Un stage réalisé en février sera plutôt destiné à peaufiner sa préparation avant le début de saison et comportera plus d’intensités spécifiques aux efforts fournis en course. Pour prendre un exemple concret, les vacances de carnaval tombent assez tôt en 2016 et finissent 15 jours avant le début de la saison de cross, il s’agit donc là d’une période idéale pour programmer un stage.
Enfin, le stage permet aussi un peu de dépaysement et offre la possibilité de travailler dans des conditions météorologiques plus favorables. En fonction des régions dans lesquelles il se déroule, il permet de pouvoir aborder des terrains spécifiques, impossibles à retrouver près de chez soi. On pense notamment aux longues ascensions en cols qui permettent du travail assez spécifique et qui peuvent être d’une grande utilité pour ceux qui préparent des objectifs montagneux alors qu’il habitent en plaine.
6. Le rouleau est-il une bonne alternative aux sorties extérieures, que faire et sur quelle durée ?
Le rouleau est une excellente alternative aux sorties extérieures en hiver. Il permet de pallier les conditions météorologiques hivernales changeantes de notre pays et donc de pouvoir s’entraîner au chaud dans des bonnes conditions. Mais s’entraîner sur home trainer est utile surtout pour mieux cibler ses séances et ses intensités. En effet, l’effort sur rouleau est constant, il n’y pas de « temps mort » comme on le rencontre sur le terrain (feu rouge, stop, carrefour, descentes, etc…). La calibration des séances spécifiques au cardio ou à la puissance devient donc très facile et surtout beaucoup plus efficace. Il en est de même pour les séances plus techniques (technique de pédalage sur une jambe, vélocité, endurance de force) qui seront mieux ciblées sur le rouleau. De nombreux cyclistes pro réalisent d’ailleurs une partie de leurs séances spécifiques dures sur le rouleau, même en pleine saison.
En hiver n’hésitez donc pas à effectuer vos séances sur le rouleau si la météo est mauvaise, vous en tirerez plus de bénéfices, surtout que les volumes ne sont pas important en cette période. Il vaut mieux privilégier la fréquence des entraînements avec 2-3 séances de rouleau bien orientées (de 40 à 60’ chacune) que de vouloir absolument sortir sous la pluie ou par grand froid et prendre le risque d’être malade. Ces séances ne doivent cependant pas dépasser 1h en tout (échauffement et retour au calme compris). Cela n’a pas grand intérêt de faire plus si la séance est ciblée et il ne faut pas négliger la lassitude que peuvent engendrer des séances de rouleau trop longues. Attention également de bien boire durant ces séances car en position statique et dans un environnement plus chaud on se déshydrate beaucoup plus rapidement.
7. Faut-il faire de la musculation durant l’hiver ?
Oui, la musculation est bénéfique pour le cycliste et très complémentaire aux sports d’endurance en général si elle est bien réalisée. Le terme de musculation est souvent associé à tort à de la prise de masse musculaire. On lui préférera le terme de préparation physique car le travail en salle peut s’envisager sous différents aspects et avec différents objectifs tout en étant compatible à 100% avec un sport d’endurance.
Le premier bénéfice du travail en salle est l’aspect préventif. En effet un travail bien mené en préparation physique permet de travailler sur ses faiblesses, c’est-à-dire sur des groupes musculaires ou articulaires (ligaments, tendons) plus faibles. Il permet donc de rééquilibrer les tensions et de prévenir l’apparition de blessures sur du long terme. Le travail de préparation physique doit contenir du travail de gainage et de renforcement de la sangle abdominale et pelvienne. Ces séances peuvent se faire en salle ou chez soi avec peu de matériel (un tapis et un swissball par exemple). Ce travail de gainage va permettre de renforcer les muscles profonds de la sangle abdominale, dorsale et de la colonne et prévenir les blessures (fréquentes) au niveau du dos. Une meilleure tonicité sur le haut du corps améliorera la stabilité sur le vélo et la transmission de force au pédale. Il y aura en effet moins de perte d’énergie au pédalage avec un tronc « solide » et bien gainé. Là dessus peut se rajouter du travail plus pointu d’équilibre et de proprioception plus spécifique en fonction des faiblesse et points forts de chacun.
Enfin, la préparation spécifique en salle peut contribuer à améliorer les performances à vélo par un travail ciblé sur les groupes musculaires mis en action chez le cycliste. Il s’agit alors de travailler de manière ciblée par des mouvements complets se rapprochant du geste spécifique au cyclisme (squats – presse – soulevé de terre – etc…). On ira alors progressivement chercher un travail avec des charges lourdes sur des faibles répétitions (Force max) avec de longues récupérations afin de recruter un maximum de fibres musculaire et nerveuse. La stimulation musculaire que l’on peut obtenir en salle est beaucoup plus importante que sur le simple geste de pédalage et permet des adaptations favorables à la performance lorsqu’elles sont transférées sur le vélo, surtout en VTT qui requiert des efforts puissants. Attention toutefois à rester prudent car il est important de demeurer progressif dans ce genre de travail et de bien maîtriser les mouvements que l’on réalise avec des charges lourdes. On passera donc par une phase d’adaptation et de préparation générale sur 5 à 7 semaines avant de travailler avec des charges lourdes.
La musculation devrait idéalement être maintenue en saison une fois par semaine sous forme de rappel de force pour garder une stimulations musculaire et nerveuse importante, qui permettra de conserver ce qui a été acquis durant l’hiver. Le gainage aussi doit être maintenu en saison
8. Quelle proportion route-VTT à la reprise ?
La reprise des entraînements doit se faire de manière progressive en privilégiant la fréquence des séances plutôt que le volume. Les entraînements VTT seront davantage ciblés au début sur un travail technique et d’endurance de base. Dans un premier temps, le travail sur route ou sur rouleau permettra un meilleur contrôle de l’intensité de l’effort et de la fréquence cardiaque, et de travailler sur des efforts plus constants et de plus basse intensité. Il sera donc intéressant de le privilégier dans le but de consolider sa base d’endurance fondamentale. Il est cependant important de garder un contact avec le VTT durant toute l’année au moins 1x/semaine. Les entraînements en VTT étant plus exigeants physiquement, on privilégiera alors pour l’hiver un travail plus technique sur des séances peu intenses. Au fur et à mesure de la préparation on pourra augmenter la fréquence des séances VTT, toujours en essayant d’inclure une thématique à chaque séance (technique – PMA – etc…).
Comme mentionné plus haut, l’hiver est aussi une période où on doit se faire plaisir, pour cela les randonnées VTT organisées constituent aussi un chouette moment convivial de détente qu’il est important de ne pas négliger lors de la préparation
9. Est-il intéressant de réaliser un test d’effort et à quelle période de l’année ?
Oui, il peut être très intéressant de réaliser un test à l’effort lors de la période hivernale. Ce genre de test permet en quelque sorte de faire une « photographie » de votre condition physique du moment, de mettre alors en évidence vos points faibles et/ou points forts et de vous orienter vers des entraînements précis en fonction des zones définies.
Ces tests doivent être réalisés par paliers progressivement croissants, idéalement de 3 à 5’, jusqu’au maximum de vos capacités. Sont alors définis la FC max, le lactate max, la PMA et VO2 max. Le taux d’acide lactique doit y être mesuré sur chaque palier afin de pouvoir cibler des zones seuils précises. Les tests médicaux sur des paliers courts (généralement 1’) évaluent plutôt vos qualités de résistance mais ne permettent pas de cibler des zones précises d’endurance et sont souvent beaucoup trop courts. Ils sont cependant indispensables pour un bilan cardiovasculaire.
Durant l’hiver il est intéressant de faire un test 6 à 8 semaines après avoir repris les entraînements (orientés alors jusque-là vers du travail de base) et ce afin de valider la base d’endurance et d’avoir des zones de travail cohérentes pour le travail plus intense qui sera mis en place à partir du mois de janvier. En fonction donc de la gestion de la coupure hivernale, la période idéale de test s’étend de fin novembre à janvier pour les VTTistes. Un test en saison peut également permettre de suivre son évolution, de redéfinir des zones de travail (qui évoluent avec le niveau d’entraînement) et de ré-aiguiller vers certains entraînements si nécessaire.
10. L’entraînement à jeun est-il intéressant en hiver ?
L’entraînement à jeun est très intéressant pour les sportifs d’endurance pour plusieurs raisons. Lors d’une séance à jeun, la quantité de sucres (de glucides) disponibles est plus basse que d’habitude et le sportif puise plus aisément dans ses réserves de graisses qui vont alors lui servir de carburant. Dans ce type d’entraînement on apprend en quelque sorte à l’organisme à aller puiser plus facilement dans ses réserves de graisse et on économise les précieux glucides, carburant essentiel à la fourniture d’un effort physique intense, mais dont les stocks sont plus limités. Le fait de répéter ce genre de séance 1 à 2x par semaine, l’organisme « apprend » en quelque sorte à utiliser les graisses comme source d’énergie. Il augmente en quelque sorte ses capacités d’endurance, les graisses permettant de fournir plus d’énergie que les glucides et il sera alors plus « économe » sur des longues distances notamment. Dans le cadre d’une démarche de perte ou de contrôle de poids, l’entraînement à jeun trouve sa place dans la préparation hivernale.
Après un entraînement à jeun, il est important de consommer un petit déjeuner complet et structuré qui permettra alors d’augmenter ses réserves de glycogène à un niveau plus élevé. Ce type d’entraînement permet en effet de « booster » les mécanismes de restockage de l’énergie (des glucides) de l’organisme et est utilisé dans certaines disciplines à cette fin. Certains coureurs (en cyclocross ou sur piste) utilisent ce type d’entraînement le matin d’une course (sur une durée courte) pour augmenter leurs réserves d’énergie avant la course.
Il est cependant nécessaire d’être vigilant sur les premières séances et d’être à l’écoute de ses sensations. Les séances peuvent durer jusque 1h30-2h grand maximum et il ne faut pas réaliser de grosses intensités (maximum seuil anaérobie) tout en respectant, comme pour tout autre entraînement, une certaine progressivité.
Rendez-vous très bientôt pour de nouvelles chroniques et d’ici-là, bons entraînements !