Un hiver au Canada : mon fatbike et moi
Par Pierre-Jean Nicot -
Clément Boës est né au sein d’une famille de passionnés de vélo (vous connaissez déjà sa soeur, Bérengère). Cet ex-employé de Lapierre aujourd’hui installé à Montréal revient pour Vojo sur un hiver passé en compagnie de son fatbike… un outil idéal pour continuer à vivre sa passion du VTT à cette saison au Canada ! Et une source inépuisable d’aventures… Voici son récit !
Salut Vojo !
Après mes premiers mois de vie au Québec, j’ai voulu partager avec vous mes nouvelles aventures de l’autre côté de l’Atlantique… Et de vous parler de l’hiver à vélo, ici !
Alors que les courses printanières commençaient à s’enchaîner aux quatre coins de la planète, au Québec, nous étions encore sous la neige. Les premiers flocons sont tombés vers la mi-novembre… Et de belles tempêtes se sont déclenchées jusqu’en mars ! Lorsque quelques centimètres de neige persistent tard dans la saison autour de Montréal (voire plus d’un mètre vers le Sagenuay – Lac Saint-Jean, à 500 km au nord de Montréal), il devient clair qu’il faut patienter jusqu’au mois d’avril pour en voir le bout. C’est un peu le cliché de l’hiver canadien… Mais il prend une tout autre dimension lorsqu’on a la chance de le vivre !
Comment ai-je atterri ici ? Après avoir pas mal bougé pendant mes études, je pose mes valises à Dijon en 2011, pour travailler pour un constructeur français bien connu… Cinq belles années s’écoulent, à exercer un job qui me passionne, à rencontrer des gens de tous les horizons et à vivre au coeur de l’industrie du vélo. Mais comme tout bon rejeton de la génération Y, l’envie de remuer encore et de découvrir un nouveau pays me saisit de plus en plus. Assez vite, le Canada s’impose comme une évidence. Ma « blonde » et moi décidons de partir à la conquête d’un visa. Après quelques mois de tractations, d’attente puis de préparation, nous nous envolons pour le Québec, fin août 2016.
Nous posons nos valises à Montréal, où nous espérons trouver un job et profiter un maximum du Canada. Assez rapidement, je décroche un poste chez Bicycles Quilicot, une chaîne de magasins au Québec. Cette opportunité me permet de continuer à baigner tous les jours dans cet univers que j’aime tant. Idéal pour se plonger dans la culture québécoise du vélo avec un regard neuf ! Et au passage, en découvrir un peu plus sur la pratique du fatbike…
Mon parcours dans le VTT ? Pour faire bref, j’ai couru en compétition pendant une quinzaine d’années : l’incontournable école TRJV – TNJV dans les années 90, puis de nombreuses saisons en XC, jusqu’à ma dernière année U23 en… 2008 (ouch !) avec les copains de l’ASPTT Mulhouse. Depuis, si j’ai toujours continué à rouler, je l’ai fait sans la contrainte des compétitions. Un Roc d’Azur par-ci, un enduro par-là, mais surtout quelques beaux raids dans les Vosges, les Alpes ou les Dolomites avec les copains.
Je ne suis pas vraiment venu au Canada dans l’optique de me remettre à la compétition, mais plutôt avec l’envie d’approcher une nouvelle culture du vélo ! Découvrir des conditions différentes, de nouvelles personnes et de nouveaux spots représente toujours une grande chance… On a le sentiment de repartir de zéro et ça fait du bien !
Comme on me l’a dit ici : « L’hiver, tu le vis ou tu le subis ! » Pour moi, le choix a été rapide ! Les activités hivernales ne manquent pas : ski, raquettes, fatbike, chiens de traineau, ski-doo (moto-neige)… En outre, le Québec est rempli de parcs nationaux, régionaux, de petits villages et de petites stations avec des domaines dédiés aux différentes pratiques.
Pour bien comprendre ce qu’est le fatbike ici, il faut y voir une approche assez différente de celle perçue en France. Dans l’Hexagone, j’avais l’impression de voir le pilote de fatbike comme un ayatollah du “rouler différent”, ou bien comme un type qui cherche à compléter sa collection de vélos. Ce n’est pas compliqué : ici, si tu veux continuer à rouler l’hiver, c’est fatbike ou rien !
La pratique était encore confidentielle quelques années en arrière. Le gros boom est arrivé il y a trois ou quatre ans. La discipline tout entière se développe maintenant davantage à chaque saison. Tout augmente : le nombre de licenciés, de trails, d’évènements (compétition ou loisir)… Les magasins saisissent de plus en plus cette chance de générer une activité supplémentaire en hiver et de ne pas (trop) tourner au ralenti.
Les spots sont, pour la majorité, bien étudiés et entretenus. On en trouve deux grandes sortes : les trails de VTT « d’été » qui se transforment en trails pour fatbikes, et les domaines skiables, qui s’ouvrent de plus en plus aux gros pneus. Il faut généralement partager les pistes avec les skieurs de fond ou les randonneurs en raquettes, mais les Québécois sont plutôt ouverts et les vélos à larges boudins suscitent plutôt des réactions amusées et bienveillantes.
De mon côté, j’ai eu la chance de rouler en fatbike sur différents spots, y compris en mode « commuting » pour aller travailler. Moins rapide que la voiture mais bien plus fun ! Au coeur de la ville de Montréal, sur le Mont Royal, par exemple… Le moyen le plus rapide de se mettre au vert pour tout habitant de l’île de Montréal.
Mais aussi vers l’abbaye d’Oka, spot bien connu des VTTistes d’ici. Ou encore du côté de Mont Tremblant, station la plus connue du Québec.
Comme je l’écrivais, il existe désormais toute une liste d’évènements organisés au Québec. La FQSC (Fédération du Québec des Sports Cyclistes) propose ainsi un calendrier fatbike, au même titre que celui de la route, du vélo de montagne et du BMX. Aussi, j’ai décidé de m’aligner sur certains rendez-vous…
Les courses
Mon objectif ? Découvrir des courses comme je n’en avais jamais courues, et profiter pleinement de l’ambiance locale !
J’ai jeté mon dévolu sur quatre événements : deux courses plutôt typées XC (Fatbike Endurance Rive Sud), un 4X (l’Hibernum de Bromont) et trois épreuves en une, le Fat Rendez-vous de Charlevoix. Sur chacune d’entre elles, le niveau est abordable et l’ambiance bon enfant. On y retrouve quelques bons pilotes de route ou de XC et des pratiquants beaucoup plus occasionnels, qui désirent parfois simplement découvrir la compétition. Pas besoin d’arriver en forme olympique pour se faire plaisir !
Courses #1 et #3 – Endurance Rive Sud 1 et 2
Sur les deux courses d’endurance, les plus proches de mes « racines » de coureur XC, je décroche une 4ème puis une 3ème place (un podium, ça faisait longtemps !). Le format ressemble à un cyclocross, façon fatbike. Une petite boucle de 2 ou 3km à parcourir plusieurs fois. La course n’excède pas plus d’une heure. Quand il fait -12°C, c’est bien suffisant ! Les locaux se montrent surpris et amusés de voir des cousins français venir s’essayer à ces événements.
Course #2 – Hibernum Bromont
Le 4X est, lui, une grande première. Si j’ai pu assister à pas mal de four cross dans ma vie, je n’y avais jamais participé. L’Hibernum Bromont est l’un des principaux évènements de l’hiver et je me souvenais avoir vu les images de l’année passée sur Vojo, avec la victoire de Tom Maes.
Je ne suis pas déçu ! Pour vous donner une idée de l’ambiance sur place, découvrez la vidéo de l’évènement :
https://www.facebook.com/centrenationalbromont/videos/1265640176853526/?pnref=story
Une belle première pour moi, puisqu’après des débuts hésitants, je parviens à enchaîner les tours et à atteindre la demi-finale !
Avec de bons départs et assez peu d’erreurs, je suis le premier surpris d’en arriver là, alors que nous étions 49 riders au départ. Je loupe le coche en demi puis en petite finale, en terminant 4ème à chaque fois. Rouler face à des pilotes comme Raphaël Gagné, pilote de Coupe du Monde XC, reste une expérience au top !
Proposer un 4X dans la neige est une vraie bonne idée : cela rend vraiment les choses « safe ». Les chutes sont nombreuses mais sans gravité.
La journée se déroule dans une ambiance excellente, avec une organisation aux petits oignons. Les skieurs de la station, amusés, viennent nombreux assister au spectacle depuis le bord de la piste.
Course #4 – Fat Rendez-vous de Charlevoix
Enfin, la dernière épreuve représente l’occasion de découvrir le superbe massif de Charlevoix, situé à environ 3h30 de Montréal.
Bien connu des cyclistes ici pour ses rendez-vous estivaux, il accueillait pour la première fois cette épreuve réservée aux fatbikes.
Le spot est l’un des plus beaux du Québec : le massif s’élève jusqu’à 800m d’altitude et plonge directement sur le fleuve Saint Laurent, avec une vue à couper le souffle. Là encore, la journée se déroule dans une ambiance très détendue, avec au menu trois épreuves.
Un XC pour commencer, suivi d’un dual slalom et du “Fat Gravité” : 800m de dénivelé négatif sur 7,5km, en utilisant une piste de luge bien damée (« tapée » comme on dit ici !).
Départ au sommet du massif, arrivée au bord du Saint Laurent. Une piste rapide, de grandes courbes tout en glisse et de beaux « inter-exter » tout du long, avec des pointes à plus de 60km/h sur la neige. Certainement l’épreuve la plus amusante de la journée que ce Fat Gravité !
Un chocolat chaud servi par l’organisation au beau milieu des pistes permet de souffler entre deux runs. Miam !
Une superbe journée qui se solde pour moi par une 4ème place sur le XC, une 6ème position sur le dual et sur le Fat Gravité et une 5ème place au classement général.
Mais ici encore, c’est surtout la bonne ambiance dont je me souviendrai. J’ai hâte de redécouvrir ce massif de Charlevoix cet été !
L’équipement
Pour bien affronter l’hiver ici, mieux vaut être équipé ! Que ce soit sur son vélo ou en dehors… Pour les équipements du haut et du bas du corps, rien de particulier à mentionner : de bons vêtements techniques et suffisamment de couches s’imposent. On a rarement froid aux jambes, au torse ou aux bras quand on fait du vélo. Et en fatbike, les vitesses atteintes ne sont jamais extrêmes : l’essentiel du corps se réchauffe assez vite.
Il y a trois choses à soigner en roulant par -10°C, voire moins : la tête, les mains et les pieds !
Je ne suis pas trop sensible de la tête. Jusqu’à quasiment moins 10°C, j’arrive à rouler sans rien sur les oreilles. En dessous, un simple Buff me suffit. Chez les pilotes de fatbike, beaucoup roulent en revanche avec un casque de ski qui garde leurs oreilles au chaud, plus un masque pour se couvrir le visage.
Pour les mains, là encore c’est une question de sensibilité. De mon côté, j’ai découvert les Specialized Elements 2.0 et je n’ai eu que rarement les doigts engourdis. J’ai roulé une seule fois avec une paire de sous-gants.
La solution la plus efficace que j’ai pu rencontrer, ce sont ces gros cache-mains que pas mal de gens utilisent ici. Leur efficacité est assez incroyable, on peut quasiment rouler sans gants ! Seul leur prix peut être un frein à l’utilisation.
Si j’ai pu m’en passer cet hiver, c’est un vrai plus lorsque l’on passe plusieurs heures dans le froid.
Dernier point d’attention : les pieds. Le plus difficile à gérer pour moi, car j’y suis plus sensible. Contrairement aux mains, impossible de les triturer quand l’extrémité s’engourdit !
Là encore, j’ai fait confiance à Specialized avec les Defroster, chaussures montantes et étanches. Pas de solution miracle pour gérer le froid, si ce n’est de cumuler deux paires de chaussettes. J’ai cependant terminé pas mal de sorties avec les orteils bien engourdis. La sensation qui arrive lorsque la circulation du sang reprend est plus qu’agréable… Il existe de plus gros modèles de chaussures – les 45NRTH notamment – mais qui sont vraiment trop massives pour des modèles de VTT, selon moi.
Bref, sortez couvert !
Le vélo
Mon job actuel au sein d’une chaîne de magasins me permet d’utiliser des vélo de test, une chance ! Aussi, j’ai pu boucler cette saison de fatbike au guidon d’un Specialized Fatboy Comp. N’ayant jamais roulé sur cette marque auparavant, je retrouve un feeling que j’ai pu lire à de nombreuses reprises à son sujet : on se sent tout de suite comme à la maison au guidon d’un « Spe » !
La géométrie de la taille large me correspond parfaitement. Pas trop exclusive, bien équilibrée, potence relativement courte (60mm), cintre en 760mm. Côté équipement : transmission Sram 1X, freins Shimano Deore… Du simple et de l’efficace. J’aurais simplement aimé des axes traversants pour une meilleure rigidité. Ce sont des options que l’on retrouve sur les modèles plus luxueux. Un détail qui manque : la tige de selle télescopique ! Même si les parcours de fatbike sont rarement engagés, il a fallu “réapprendre” à rouler avec la selle haute, ou alors se promener avec une clé allen dans la poche lorsque nécessaire !
Sur les évènements auxquels j’ai pu participer, j’ai pu voir en tout cas une belle variété de marques : des plus répandues (Spe, Trek, Cannondale) aux plus confidentielles (Surly, Charge) en passant par les célèbres marques canadiennes (Rocky, Norco ou Devinci).
Conclusion
Vous l’avez bien compris, je me suis régalé cet hiver ! Le Québec est une région (un pays ?) magnifique, peuplée de passionnés. J’ai découvert avec le fatbike une autre manière de faire du vélo l’hiver et une nouvelle facette du « vélo de montagne ». J’écris ces lignes au début du mois d’avril… Je ne vous cache pas que tout le monde attend que le mercure remonte pour délaisser gants, bottes et bonnets et reprendre son vélo d’été. D’ailleurs, il n’y a presque aucune épreuve avant le mois de mai (où il neige encore parfois… !). Je n’ai pas encore de programme établi. Si la motivation et l’entraînement sont suffisants, je participerai aux épreuves locales à nouveau !
J’espère vous avoir fait voyager un peu… A tantôt sur le vélo !
Clément Boës
Crédits photos : Willy Cousseau Photos – François-Léo Fortin-Gaudin – Babel Photos