Découverte | Transvésubienne & Transriviera : taillées pour les plus braves !
Par Adrien Protano -
La Transriviera est un nouveau marathon extrême du calendrier international dans le style de la légendaire Transvésubienne. Bien que ce soit la même organisation qui soit responsable de l’événement, qu’il y ait de nombreuses similitudes sur le papier et qu’elles se déroulent toutes deux dans les Alpes maritimes, chaque course a son propre caractère ! Nous avons parcouru la TransV avec un vélo électrique durant l’automne 2021 et nous nous sommes rendus sur la Côte d’Azur ce printemps pour parcourir la TransR à la seule force de nos muscles. Récit, petit rappel historique et conseils matos de la part de notre reporter Jeffry Goethals :
Si la Transvésubienne est bien connue des spécialistes, ce marathon unique mérite toutefois quelques explications pour le commun des mortels : En 1988, la course fut le tout premier championnat européen de VTT. Si le parcours a régulièrement changé au fil des années, il a toujours traversé la vallée de la Vésubie. Depuis la station de ski de Valdeblore/La Colmiane, les vététistes roulent sur des sentiers naturels et historiques de randonnée en direction de Nice depuis plus de 30 ans. Comme il s’agit d’une course en ligne et que le départ se fait plus haut que l’arrivée, le dénivelé négatif est conséquent (souvent plus de 4000m de d-) et toujours supérieur au dénivelé positif (au moins 3000m de d+). Voilà de quoi corser cette randonnée de « seulement » 80 kilomètres.
Les sentiers étant extrêmement accidentés et techniques, les descentes nécessitent de réelles compétences techniques et les montées, quant à elles, sont nombreuses. Pour se présenter au départ d’une telle épreuve, une excellente forme est nécessaire, tout autant qu’un vélo adapté : exit le hardtail, ses pneus légers ou l’absence de tige de selle télescopique !
En 2009, lors des grandes heures du combat titanesque entre Julien Absalon et Nino Schurter, tous deux étaient au départ de la TransV. Absalon ayant malheureusement crevé, c’est Nino Schurter qui s’était imposé en un peu plus de 6 heures.
Venir à bout de cette course a toujours été une belle performance et, par le passé, un temps inférieur à dix heures constituait un très bon résultat. En 2009, lors des grandes heures du combat titanesque entre Julien Absalon et Nino Schurter, tous deux étaient au départ de la TransV. Absalon ayant malheureusement crevé, c’est Nino Schurter qui s’était imposé en un peu plus de 6 heures. Depuis, les vélos ont changé et les progrès sont tels que le vainqueur termine, à l’heure actuelle, généralement en 5 heures, et qu’un amateur bien entrainé peut espérer terminer en 8 heures environ. Mais cela ne sera jamais facile, même si…
Les vélos à assistance électrique ont également fait leur apparition au départ de cette course, et ce bien avant qu’ils aient percé pour le grand public et qu’on puisse les apercevoir sur d’autres courses. Cela fait maintenant plusieurs années que le premier vélo électrique a devancé les « pros » au guidon d’un vélo ordinaire. Désormais, on compte des dizaines de pilotes motorisés au départ chaque année et ce nombre ne fait qu’augmenter. Lors de l’édition 2021, le champion du monde d’E-bike, Jerôme Gilloux, s’est imposé avec pas moins d’1 heure et 20 minutes d’avance sur le vainqueur de la course classique. Si le moteur et l’évolution des vélos y sont pour beaucoup, les meilleurs pilotes électriques sont aussi exceptionnellement talentueux et spécifiquement entraînés.
Nous avons roulé en duo l’eTransV au début du mois d’octobre 2021, et c’est quasiment dans le même temps que le vainqueur de l’épreuve classique que nous avons terminé, au terme d’un solide effort de 5 heures. Nous avions pourtant le droit d’utiliser deux batteries et même techniquement, nous avons été poussés à la limite. Les portages son plus rares en e-bike, environ 25 minutes d’ascension en dehors du vélo se sont tout de même imposés à nous. D’un point de vue physique, Jérôme Gilloux est allé beaucoup plus vite que nous, il n’y a pas de doute ! Mais ce qui est exceptionnel, c’est qu’il n’a jamais posé le pied à terre pendant son exploit, alors que de notre côté, nous avons même dû parfois nous entraider pour porter l’e-bike, afin de surmonter certains obstacles.
Transriviera, la petite dernière
Assez parlé de la TransV, tournons-nous désormais sur la TransR : il s’agit là aussi d’une course en ligne qui démarre de l’intérieur des terres jusqu’à la Méditerranée en passant par des chemins anciens et naturels. Ici aussi, le programme est d’environ 80 kilomètres avec toujours une dominance du dénivelé négatif sur le positif. Le parcours se situe plus à l’est, à travers la vallée de la Roya, le long de la frontière italienne, de Tende à Menton; et contrairement à sa sœur plus à l’ouest, la montée se fait davantage sur de l’asphalte et des chemins off-road plus larges. Les descentes, en revanche, ne sont certainement pas réputées moins difficiles !
Sur le site internet, on peut lire : » Des panoramas à couper le souffle, des pistes rouvertes spécialement pour la course pour un plaisir de pilotage inégalé avec des paysages riches et variés »
Nous avons commencé notre voyage à Bruxelles, et ce sont près de 1200 kilomètres qui nous séparaient de la gare de Nice-Ville, en plein de centre de la ville. Samedi après-midi, nous y avons laissé notre van… et c’est parti pour l’aventure. Les bénévoles de l’organisation et les employés de la SNCF nous attendent. C’est le Train des Merveilles qui nous amènera au point de départ à Tende. Ce chemin de fer se caractérise par les nombreux tunnels qu’il traverse en ligne presque droite à travers un paysage magnifique. C’est l’un des moyens les plus efficaces de couvrir l’itinéraire. Ce voyage ferroviaire dure un peu moins de deux heures, alors qu’il faudrait au moins autant de temps en voiture. De nombreux travaux de réparation sont encore en cours après les graves inondations causées par la tempête Alex au début de l’année 2020-21.
Se rendre en voiture à Tende n’était pas non plus le meilleur choix niveau logistique, car la course partira de là mais arrivera à Menton. Et après l’arrivée, il est simplement possible de prendre le train pour rentrer à Nice. De plus, trouver un logement à Tende n’est pas si facile, car la région est complètement paralysée depuis la tempête (elle était même quasiment inaccessible). Nous avons passé la nuit avec les autres participants dans une grande salle de sport, munie uniquement des bagages indispensables (un sac de sport) et de notre vélo.
Le matériel approprié
Nous avons pu profiter de notre Trek Top Fuel 9.9 AXS un peu plus longtemps pour faire le Transriviera. Ce nouveau Top Fuel, avec son équipement haut de gamme, est exceptionnellement bien adapté à une course marathon de ce calibre. Avec 120 mm de débattement, une géométrie moderne et tous les composants high-tech et légers, nous pouvons monter efficacement et descendre en toute tranquillité en même temps. Cependant, tout équipement de série, quelle que soit sa qualité, doit toujours être adapté à vos préférences personnelles…
Un des points les plus importants de cette personnalisation, ce sont les pneus. Comme nous avions beaucoup aimé le IRC Tanken lorsque nous l’avions essayé (voir : Test Ride #34 | Pneu IRC, porte-bidon XLC et siège enfant Mac Ride ) et que la marque japonaise est, par l’intermédiaire de son distributeur Sabma, partenaire de l’épreuve, nous nous sommes dit qu’il s’agissait d’un bon prétexte pour les mettre encore un peu plus à l’épreuve.
A la base, il s’agit de pneus d’enduro, mais nous avons voulu les essayer dans le cadre d’un marathon. Avec seulement 1000 grammes sur la balance et un profil qui n’est pas trop pénalisant en terme de résistance au roulement, nous devrions encore être en mesure de bien monter et de descendre sans avoir à faire trop attention et à réfléchir – ce qui n’est pas toujours facile sur les derniers kilomètres d’une telle course. Nous avons roulé avec la paire que nous avions eue en test : le pneu arrière présentait quelques signes d’usure des semaines précédentes, mais il n’avait certainement pas encore besoin d’être remplacé.
Le combo guidon / potence Bontrager RSL d’origine sur le Top Fuel est très large (82 cm) avec un angle de potence neutre. Pour mieux affronter les montées raides, nous l’avons remplacé par la version XC de 75 cm de large et un angle de potence négatif de -13°. Simple question de morphologie.
Nous n’avons jamais l’intention de maltraiter un vélo d’essai ou pire, de le casser. Mais nous le pilotons ! Heureusement, le Top Fuel est équipé d’une protection au niveau du bas du cadre jusqu’en dessous du boitier de pédalier. Le pédalier est également équipé de protège-manivelles, ce qui n’est pas négligeable car il y a de fortes chances que nous heurtions plusieurs cailloux en chemin. La garantie à vie de toutes les roues en carbone Bontrager et le programme Carbon Care, qui offre une réparation ou un remplacement gratuit au propriétaire original durant les deux premières années, ont de quoi nous rassurer également quand on se lance sur ce genre de course.
En termes de transmission, nous avons remplacé le plateau d’origine, rond, par un plateau ovale 32T. L’auteur de cet article préfère l’ovale en raison de la sensation d’adhérence renforcée dans les pentes raides et d’un meilleur franchissement en raison de l’absence de point mort durant le pédalage. Nous savions d’avance que la cassette 10-52 montée sur le Trek ferait toute la différence : si vous désirez économiser de l’énergie ou simplement lorsque vous en manquez, une telle cassette change complètement la donne.
La compétition : ma formation à la survie
Nous avons quitté Tende à 8h pile et avons immédiatement fait face à une montée abrupte de près de 7 kilomètres et 500 mètres d’altitude. La montée se fait sur l’asphalte jusqu’à proximité du sommet, ce n’est qu’à la fin qu’elle devient un large chemin hors route. Après avoir trouvé ma place au départ, je me suis mis à mon rythme. L’erreur à ne pas commettre ici est de rouler avec la mentalité d’un marathon ordinaire, car ce n’est pas le cas ! Le mantra ici, et pour les prochaines heures, est « garder de la réserve ».
Après cela, nous avons plongé dans la première descente technique et celle-ci m’a immédiatement fait comprendre que je devais être réveillé. Le sol sec et rocheux était très glissant et dangereux. Les épingles étaient très serrées et je n’ai pu passer certaines d’entre elles qu’avec un ou les deux pieds à terre. Un agréable entracte après ça fut le passage dans l’un des bunkers qui ont joué un rôle important dans la bataille à la frontière entre la France et l’Italie. Heureusement, l’organisation avait prévu un éclairage d’ambiance.
Après cela, le parcours sur le profil d’altitude ne semblait pas être trop méchant jusqu’à la première neutralisation au kilomètre 30 et était majoritairement en descente. Mais les montées, bien qu’elles soient encore gérables, étaient raides et nombreuses – elles frappaient fort . Les passages techniques et les descentes, quant à eux, sont aussi devenus peu à peu trop difficiles pour moi, j’ai donc été contraint de faire de plus en plus de parties à pied.
En raison du fait qu’il n’y a tout simplement pas de sentiers praticables au milieu du parcours, les kilomètres 30 à 40 ont été neutralisés et nous les avons parcourus sur une route asphaltée. J’en ai également profité pour manger et boire suffisamment.
À notre arrivée à la première barrière horaire, le compteur affichait déjà près de 1500m de dénivelé positif (sur les 2800 annoncés) et 2000 négatifs. Sur cette première section , j’avais déjà brûlé une bonne cartouche, et pas des moindres.
Comme il n’y avait tout simplement pas de sentiers praticables au milieu du parcours, les kilomètres 30 à 40 ont été – heureusement pour moi – neutralisés et nous les avons parcourus sur une route asphaltée. J’en ai profité pour manger et boire suffisamment. Et bonne nouvelle, un second point de ravitaillement étant prévu au début de la seconde partie du parcours, j’ai pu terminer toutes les réserves de nourritures que j’avais sur moi. Les 40 derniers kilomètres comportaient une ascension de plus, se déroulant en deux étapes : une montée monstrueuse et une petite complémentaire.
La première (des deux) montée n’était pas trop dure et j’ai retrouvé un bon rythme. Cependant, cela a été brutalement interrompu par une descente très difficile, où j’ai dû descendre du vélo bien plus souvent que je ne le voulais. Le mauvais choix pour des chaussures pure XC est devenu de plus en plus clair et, malgré le choix avisé de pneus, j’aurais apprécié un vrai vélo d’enduro avec plus de débattement et une géométrie d’autant plus agressive. Ma consommation d’énergie a explosé et la machine s’est progressivement éteinte. Ma tête s’est mise à flancher comme le reste de mon corps, la bataille mentale ne faisait que commencer !
Au dernier point de ravitaillement, je n’avais plus en tête la perspective d’un bon temps et d’un chouette résultat au classement général, ma seule pensée était de boire et de manger autant que possible sur place (et d’en emporter suffisamment pour la dernière ligne droite). L’ascension du monstre a été à la hauteur de sa réputation et n’a pas été facile. Dans mon état d’épuisement, il m’a fallu presque 2 heures pour parcourir « seulement » 11 kilomètres et 800 mètres de dénivelé positif.
A la fin de ma dernière boisson sportive, s’ensuivit la plus belle et la plus difficile des descentes de la journée, dans les pierrailles du sentier de Penna. C’était, malheureusement, une agonie sans fin pour moi de devoir marcher et d’essayer de rouler de temps en temps. Dans des conditions idéales – frais et avec un vélo d’enduro stable – cela aurait été un plaisir. Là, je voulais juste survivre et descendre le plus sûrement possible.
L’ultime ascension
À ce stade, j’étais comme mort et complètement déshydraté. Il ne restait plus qu’une courte ascension. Ce n’était pas une montée goudronnée, mais un beau singletrack parsemé de racines et de pierres… et ce fut une grande déception. J’ai grimpé quelques mètres, puis j’ai récupéré pendant quelques minutes, et ça a continué comme ça indéfiniment. Ne me demandez pas comment j’ai fini par arriver au sommet, je ne me souviens même pas de la dernière descente. A la superbe arrivée à Menton, j’étais complètement sonné. Il y avait près de 2900 mètres de dénivelé positif au compteur et, bien que je n’ai pas eu spécialement besoin de marcher dans les montées, j’ai probablement fait un quart ou un cinquième des 3670m de dénivelé négatif sur le vélo.
Clairement le parcours et les vues de cette Trans Riviera sont magnifiques. L’organisation a mis au point un chef d’œuvre de logistique pour rendre tout cela possible. Mais tout comme pour la Transvésubienne, il faut être un pilote très entraîné et avoir de bonnes compétences techniques si l’on veut « survivre » à ce défi avec un vélo classique. J’ai failli aux deux conditions… mais, avec beaucoup de persévérance, j’ai réussi à atteindre l’arrivée.
Nous pensons également que cette épreuve est en fait (encore plus que la TransV) particulièrement adaptée aux vélos électriques. Après tout, vous pouvez monter rapidement, car la plupart des ascensions sont sur des chemins larges. Et vous pourrez profiter beaucoup plus des sections techniques grâce au débattement ainsi qu’à la géométrie de votre vélo et à une fatigue moindre. Quoi qu’il en soit, en e-bike ou en VTT classique, faire une « Trans » au moins une fois est un incontournable dans la vie de tout biker !
Photos sans filigrane : UCC-Sportevent/Cyril Charpin/Zoom dans l’oeil de Fab
Plus d’informations sur la Transriviera et la Transvésubienne : www.ucc-sportevent.com
La prochaine Transriviera se déroulera le 7 mai 2023. La date pour la prochaine Transvésubienne sera annoncée d’ici quelques mois.