Déborah Motsch : la prévention de la blessure chez les vététistes
Par Déborah Motsch -
Aventurière au moyen ou au long cours, passionnée de VTT et rideuse engagée, Déborah Motsch nous propose une nouvelle chronique. Après nous avoir fait voyager en Nouvelle-Calédonie, en Nouvelle-Zélande ou dans le Valais, elle a été contrainte au repos cet hiver. Blessée au genou, la rideuse du Giromagny Enduro Team a peiné à obtenir le bon diagnostic et à remonter sur un vélo. Pour elle, les choses s’arrangent et c’est en partie grâce à deux autres VTTistes rencontrées sur les sentiers l’été dernier. Focus sur un cabinet bien inspiré, à quelques encablures de la frontière française.
« Rencontrées l’été dernier lors de notre girl ride dans le Valais, Myriam et Chloé m’ont cette fois-ci accueillie dans leur structure Saugy Performance pour un échange autour de la blessure. L’une est entraîneur et l’autre est physiothérapeute. Toutes deux ont mis à contribution leurs passés de sportives de haut niveau pour proposer une structure permettant aux sportifs de s’entraîner et en parallèle de se soigner. La blessure effraie la plupart des sportifs, pourtant elle reste un passage presque obligé dans un sport à risque comme le nôtre. Myriam et Chloé m’ont donné quelques conseils pour prévenir au mieux ces petites mésaventures. »
Avant de commencer à parler des blessures, présentez moi rapidement votre structure, Saugy Performance.
L’idée principale a été de créer un cabinet pour travailler en réseau avec des professionnels. Il est important que les sportifs soient entourés d’une équipe pour se soigner et être suivis. Dans un même cabinet nous avons une salle de musculation, à la fois pour s’entraîner pour ceux qui souhaitent faire de la préparation physique et pour faire de la rééducation, puis il y a l’espace de Chloé pour tout ce qui est physiothérapie. Ces deux aspects sont très fortement liés, et c’est un avantage pour nous d’être les deux sur le terrain et de pouvoir échanger en direct. Nous sommes au service du sportif, nous utilisons la même énergie pour tous nos athlètes qu’ils soient professionnels ou amateurs.
La blessure reste la principale bête noire de tout sportif, quels sont les moyens d’éviter ou de prévenir les blessures ?
- La préparation physique
La préparation physique hivernale occupe une place importante dans la prévention de la blessure, elle constitue une base « solide ». Grâce à cela les vététistes peuvent aborder la saison sereinement, que ce soit en loisir ou en compétition. La préparation physique permet de reproduire des efforts typiques en dehors du vélo, de rechercher les sollicitations cardiaques, l’équilibre, la musculation, l’endurance. Elle permet aussi de muscler les parties qui travaillent moins sur le vélo mais dont on a aussi besoin. Par exemple, il est important de renforcer le haut du corps pour permettre une meilleure stabilisation au niveau des épaules. La préparation physique passe par du renforcement musculaire, notamment du gainage. Le gainage est nécessaire pour avoir un meilleur maintien du corps dans le pédalage, améliore l’équilibre et protège des blessures au niveau dorsal.
Si on parle de VTT d’enduro, c’est un effort tellement cardio, que si le pilote n’est pas prêt physiquement, c’est beaucoup plus difficile de tenir dans la durée sans être complètement dans le rouge. Etre prêt physiquement permet de garder une clairvoyance du cerveau pour bien piloter. Pendant l’hiver, nous organisons des séances de préparation spécifique au VTT afin d’accompagner les sportifs.
- Connaître ses limites
Les blessures arrivent souvent à cause de la fatigue ou une faute d’inattention. C’est pour cette raison que connaître ses limites, sentir qu’on est fatigué et être à l’écoute de son ressenti peut permettre d’éviter des blessures.
- L’échauffement
En termes de prévention de blessure, il est inévitable de parler d’échauffement afin d’activer les muscles, les articulations et le cardio. L’échauffement est le moment où le vététiste en profite pour se recentrer et se concentrer sur ce qu’il fait au moment présent. Si on roule la tête ailleurs, on peut vite aller au tas…
- Les autres petites astuces
N’oubliez pas de bien vous hydrater et bien vous alimenter même juste pendant une sortie entre amis. Les tissus musculaires sont essentiellement composés d’eau, si ceux-ci sont secs, ils ont moins de capacité à supporter l’effort musculaire et cela peut entrainer des tendinites ou des déchirures musculaires. Concernant les étirements, il s’agit d’un sujet assez controversé. Les fibres musculaires se raccourcissent pendant l’effort, selon nous il est plus prudent de laisser le muscle se mettre au repos après un effort et de s’étirer plus tard.
Dans l’ensemble, toute personne qui fait régulièrement du sport, sollicite son corps de manière plus ou moins exigeante et doit en prendre soin. J’aime rappeler que le principal est que tout le monde ait du plaisir sur le vélo ! C’est beaucoup plus agréable de faire une journée de vélo sans « subir », la préparation permet de maximiser le plaisir sur le vélo ! Il est important de savoir pourquoi on fait les choses.
Qu’est-ce qu’un sportif, plus qu’une personne « lambda » doit mettre en place pendant son processus de rééducation pour que sa guérison se fasse au mieux ?
Un sportif doit choisir un médecin du sport et des physiothérapeutes actifs. Ils seront beaucoup plus proactifs avec les athlètes qu’un médecin de famille qui se réfèrerait au protocole pour les personnes lambda. En Suisse, les physiothérapeutes sont formés en 5 ans (bachelor + DAS diplôme universaire), ce qui permet de se concentrer plus spécifiquement sur les blessures des sportifs et à la rééducation. Ce métier me passionne et j’ai fait beaucoup de formations supplémentaires. L’idéal est de s’entourer d’un réseau de médecins compétents et de se renseigner auprès des copains pour aller chez des professionnels recommandés. La plupart d’entre eux ont des protocoles précis à suivre pour chaque pathologie, mais ils ne sont pas sur le terrain et ne connaissent pas forcément ta pratique. Leur protocole n’est pas forcément adapté à la pratique sportive, et certains d’entre eux n’osent pas prendre l’initiative d’en sortir. Les protocoles sont faits pour la majorité, mais la majorité des gens n’est pas tout le monde et surtout pas des sportifs. Pour ma part, je vais essayer de faire bouger le sportif dans ses limites plutôt que de rester bloqué. Je préfère prendre la blessure au plus tôt et être pro actif. Dans tous les cas la clé est d’être bien entouré en cas de blessure.
Quelles sont les blessures les plus fréquentes chez les vététistes ?
Comme tout sport à risque, il y a pas mal de blessures dues aux chutes et aux chocs : tête (commotion, lésion cervicale), membre supérieur (épaules, poignets) sous forme de luxation, entorse ou fracture.
Comment procédez-vous pour guérir les athlètes ?
Cela fait quelques années que je (Chloé) travaille à Lausanne, j’ai passé 4 ans à très haut niveau avec le Suisse Hockey Club. Dans les sports collectifs, il y a un réseau de médecins qui est mis à disposition de l’équipe et qui fait partie de l’équipe. Les sportifs sont très bien entourés. Alors que dans un sport individuel comme le VTT, on peut vite se sentir perdu face à une blessure et être face à des délais d’attente longs pour avoir un verdict. L’idée en créant le cabinet était de mettre en place un réseau avec les médecins du sport de Lausanne. Les vététistes blessés qui viennent me voir ont la possibilité d’avoir un RDV pour tout examen supplémentaire dans les 24h, on a un deal avec notre réseau de médecins et nos sportifs ont la priorité. Grâce à ce dispositif on peut gagner jusqu’à un mois dans la rééducation. L’aspect important dans le réseau est la diffusion des informations entre tous les médecins, il s’agit d’un travail d’équipe. Quand un athlète blessé vient au cabinet, je prends en charge sa blessure, s’il faut je l’envoie faire d’autres examens, puis Myriam prend en charge la rééducation et la réathlétisation. Je peux lui donner les consignes médicales en direct.
« De mon côté, je me suis fissuré un bout de cartilage dans le genou sur une foulée en course à pied. J’ai été mal diagnostiquée et les médecins pensaient que j’avais une tendinite, un « syndrome de l’essuie-glace ». Ni les séances de kiné ni celles d’ostéo n’y changeaient rien et j’ai fait des examens supplémentaires. Après un message sur Facebook, Chloé m’a contactée et m’a proposé de venir à Lausanne dans leur cabinet pour faire un point. À ce moment là, je ne pouvais pas mettre de charge sur mon genou et je ne pouvais pas vraiment faire de VTT. J’ai commencé par une séance de physio, l’équivalent suisse de l’ostéo, et Chloé a appuyé sur les tendons qui étaient supposés être douloureux. Dès la première pression, elle a immédiatement vu que j’avais perdu deux mois après un mauvais diagnostic. Elle m’a longuement manipulé la hanche et la cheville en m’expliquant les répercussions sur mon genou. Elle a ensuite expliqué le tout à Myriam qui est entraîneur et elle m’a montré des exercices permettant de rééduquer mon genou. Elle m’a clairement expliqué que le sportif était bien différent de la personne lambda. Les exercices de gainage nécessitent vraiment qu’on soit pointilleux et précis.
Ce qui m’a surtout marquée, c’est que Chloé et Myriam réfléchissent comme des médecins mais aussi comme des sportives. Elles ont eu des mots très motivants après ceux des médecins classiques qui me disaient à demi-mots que je ne pourrais pas refaire de sport. On se sent mieux cadré. Quand Myriam m’a montré les exercices, Chloé était à côté et c’est vraiment top d’avoir les deux points de vue. J’ai vraiment compris qu’en faisant beaucoup de sport toute l’année, même sans faire de la compétition, il ne faut pas délaisser son corps en hiver. Il faut prendre soin de son corps, ça m’a remis les idées en place. Aujourd’hui, je suis trop contente de pouvoir refaire du VTT sans que ça me gêne. J’ai encore du « tape », et le cartilage cicatrise doucement. Je ne suis pas encore au mieux de ma forme mais ça progresse !
Où rencontrer Myriam et Chloé ?Dans leur cabinet à Lausanne ! Myriam est également disponible pour entraîner des athlètes à distance, à condition de pouvoir les rencontrer au moins une fois pour un entretien préalable. Il est également possible d’obtenir des conseils pour optimiser les réglages et votre position sur votre vélo pour supprimer toutes les douleurs inutiles, comme ça a été le cas pour moi. N’hésitez pas à les contacter pour plus d’infos. »
saugyperformance.ch ou leur page Facebook : Saugy Performance
Texte : Déborah Motsch