Alps Epic 2022 : le récit d’une victoire
Par Adrien Protano -
L’Alps Epic s’est forgée au fil des années une place d’épreuve incontournable au sein du calendrier marathon français. Cette course réputée pour son engagement physique prend la forme d’une course à étapes de 5 jours au coeur du département des Hautes-Alpes. Pierre Billaud nous emmène avec lui pour cette édition 2022 :
Arrivée dans le paysage du VTT français en 2016, l’Alps Epic s’inscrit dans la lignée des célèbres Cape Epic ou encore Swiss Epic. Cette course par étapes itinérante de 5 jours, en solo ou par équipe, prend chaque année ses quartiers au sein des Hautes-Alpes durant le début de l’été. Au-delà d’une simple course marathon, c’est ici réellement une expérience haut de gamme qu’offre l’organisation avec une formule « tout-compris » : hébergement, nourriture, logistique…
Avec cinq étapes d’environ 50 à 70 km par jour en quasi totale autonomie sur les traces de la Grande Traversée VTT des Hautes-Alpes, l’Alps Epic nécessite un certain engagement physique et technique. En partance de la Vallée de Briançon, le parcours bascule ensuite dans la Vallée de la Vallouise avec en point de mire Puy Saint-Vincent. Après une boucle autour de ce village pour 3ème étape, le périple prend finalement la direction de la station de Vars dans le célèbre domaine de la Forêt Blanche. Voilà qui résume le programme du parcours de cette semaine de course avec environ 300 km et 11 000 mètres de dénivelé au compteur.
Pour cette édition 2022, ce n’est pas moins que Pierre Billaud, le champion de France Marathon 2019 en personne, qui nous partage son récit. Grand habitué des épreuves au format long, il n’est pas rare de voir le français présent sur les épreuves de type Swiss Epic, TransMaurienne ou encore Cape Epic. Vainqueur de l’édition 2020 dans la catégorie « solo », laissons Pierre nous conter la dernière édition en date de l’Alps Epic :
Quelques astuces avant de se lancer dans la grande aventure
Au vu de l’exigence des parcours empruntés et de la longueur de certaines des descentes du parcours, un tout-suspendu me semble tout indiqué et un downcountry (NDLR : un modèle cross-country moderne à la géométrie plus agressive et offrant plus de débattement) pourrait même s’avérer être l’arme idéale à mon sens. La motivation d’un tel choix est d’éviter davantage les pépins mécaniques, de moins subir le terrain et surtout de pouvoir prendre le maximum de plaisir dans ces magnifiques descentes, pouvant s’avérer très (trop ?) longues lorsque l’équipement n’a pas été choisi en conséquence. De manière plus personnelle, la tige de selle télescopique me semble être une option non-négligeable afin de faciliter les franchissements et le passage de multiples épingles parfois très refermées.
Le bon déroulement de l’épreuve y va aussi d’un bon choix de train de pneus. L’Alps Epic se déroule en haute montagne avec des sentiers atypiques qui peuvent se révéler être très agressifs pour les pneumatiques. La moindre erreur se paye cash alors autant ne pas jouer à la chasse au moindre gramme ici sous peine d’amèrement le regretter. Je conseille ainsi d’opter pour un train de pneus renforcés avec une section large au minimum de 2.25, voire 2.35 ou 2.40. Pour le nécessaire de réparation, impossible de passer à côté puisqu’il est rendu obligatoire par les organisateurs (patte de dérailleur, chambre à air de secours, mèches, dérive-chaine, etc…)
Dernier point en ce qui concerne le matériel, l’utilisation d’un GPS me semble vivement conseillée. Cela permet d’anticiper les différents changements de direction sans risquer de louper malencontreusement une des flèches placées par l’organisation. Le confort (dans les descentes particulièrement) s’en trouve amélioré et l’on évite cette situation rageante où l’on se rend compte que l’on n’est plus sur la trace quelques mètres/kilomètres après le changement de direction loupé.
Mais le matériel ne sera pas le seul à être durement éprouvé durant cette semaine d’Alps Epic, de solides bases de foncier sont nécessaires pour parvenir au bout de ces multiples journées de course. Les longues ascensions en altitude laissent des traces et il est important d’avoir un état de forme en conséquence afin d’encaisser comme il se doit les 11 000 m de dénivelé et 300 km de la semaine. L’idéal est évidemment de faire une petite semaine de stage en altitude, environ un mois avant l’objectif, puisque le parcours nous emmène à parfois plus de 2000 m d’altitude, ce qui a évidemment des conséquences sur les organismes. Un phénomène qui peut davantage s’intensifier avec la fatigue accumulée sur les différentes étapes.
« La course ne se gagne pas dans les descentes mais elle peut s’y perdre »
Finalement, le physique n’est rien sans le bagage technique ! L’Alps Epic emprunte des sentiers de haute montagne jonchés de pierres, et synonymes de pièges. Parfois, les sentiers sont étroits et le vide n’est jamais très loin.Il faut donc un coup de guidon bien affuté et réussir à ne pas prendre de risques inutiles. La course ne se gagne pas dans les descentes mais elle peut s’y perdre, sans compter le risque de casse matérielle qu’une chute peut engendrer. Alors on en garde un peu sous le pied pour ne pas se faire piéger et on profite de ces belles descentes.
La petite famille accueille les championnats de France XCM
C’est à Monêtier-les-Bains que nous avons rendez-vous pour le départ de cette joyeuse semaine. Cette première étape autour du col de Granon accueille également les championnats de France de cross-country Marathon, de quoi offrir un plateau de départ de haut vol pour cette 7ème édition de l’Alps Epic. Une chose est sûr, il va falloir être concentré dès le départ.
Dès les premiers kilomètres, le parcours nous rappelle ce qui nous attend durant le reste de la semaine avec de sacrées ascensions. C’est la montée du Col du Lautaret et sa vue imprenable sur le glacier de la Meije qui marquera surtout cette journée d’ouverture de l’Alps Epic. Malgré un bon départ, je finis ces championnats de France sur un soupçon de déception en 7ème position, victime de soucis mécaniques.
Alps Epic : les temps forts de la semaine
Changement de climat lundi matin : les participants du championnat de France ayant quitté les lieux et l’émulation de cette première étape étant retombée, c’est au sein d’un peloton moins conséquent que je prends le départ depuis Puy Saint-Vincent pour cette deuxième journée. Dans cette ambiance désormais plus conviviale, on retrouve davantage les valeurs transmises par les organisateurs à cette Alps Epic : ici, on ne se bat pas contre les autres mais contre soi-même, et voilà ce qui fait peut-être de cette course un évènement si particulier. Nous venons tous chercher le dépassement de soi d’abord avant de viser la course en tant que telle, ce qui permet de tisser de réels liens entre les différents coureurs.
Ce partage entre pilotes doit également être mis en lien avec le concept all-inclusive de l’épreuve : tout le monde est logé à la même enseigne, et aucune différence n’est faite entre le compétiteur qui vient chercher le chrono et le « randonneur sportif » qui vient tout simplement repousser ses limites. Nous partageons tous les mêmes moments, que ce soit dans le village d’arrivée avec le repas bien mérité, lors des séances de massage d’après-course ou encore dans la cohabitation au sein des logements.
Au départ de la 3ème étape, Laurent (un des organisateurs) a profité de son briefing d’avant-course pour rajouter que l’esprit de l’Alps Epic commençait réellement maintenant : « La petite famille est au complet, vous allez vous régaler sur cette étape cousue main, avec de belles ascensions plutôt roulantes. Mais c’est surtout dans les descentes que vous allez prendre plaisir avec une première en lacets parfois fuyants, une deuxième à travers les alpages et la forêt, et que dire de la dernière qui termine dans le Bike Park de Puy Saint-Vincent ». Sebastien, second organisateur, prends le micro à son tour et rajoute : « Cette étape, c’est une petite sucrerie. » Et croyez-moi, ils ne nous ont pas menti ! Lors de ma participation en 2020, c’était sans nul doute mon étape préférée. Et durant cette 7ème édition, c’est encore lors de cette troisième journée que j’ai pris le plus de plaisir. Un vrai régal en pleine montagne dans un décor de carte postale à enchainer les singletracks certes techniques mais pourtant toujours ludiques.
Les 3ème et 4ème étapes se sont parfaitement déroulées pour moi, je suis toujours en tête de la course et la dernière étape pointe déjà le bout de son nez. Nous sommes désormais à Vars à 1 650 m d’altitude. Mais madame météo semble vouloir jouer les trouble-fête pour ce jour final, c’est la pluie battante qui se charge de nous réveiller tandis que de violents orages sont annoncés pour le reste de la journée. Au vu de ces conditions dantesques, les organisateurs ont fait le choix de raccourcir la dernière étape et de déplacer l’horaire du départ. Une fenêtre de tir entre 10h et 13h semble finalement s’annoncer. K-way sur les épaules, nous nous plaçons sur la grille de départ, l’ambiance n’est pas à la fête mais il en faut plus pour nous décourager. Finalement et comme un signe de soutien, la météo s’améliore et le soleil finit même par percer les nuages sur la fin du parcours.
Et que dire de cette fin d’Alps Epic ! Quoi de mieux que de terminer sur une belle piste rouge d’enduro où les racines sont rendues parfaitement humides par la pluie qui y est passée auparavant. Franchir la ligne d’arrivée une dernière fois fut un réel plaisir et d’autant plus avec la satisfaction du résultat. C’était aussi le moment opportun pour remercier les organisateurs et toute leurs équipes qui ont fait un sans-faute et un travail fantastique tout au long de ces cinq jours de course. Il suffit de remarquer le sourire jusqu’aux oreilles de chaque finisher franchissant la ligne d’arrivée pour s’en rendre compte, témoin indéniable de leur état de satisfaction.
Ce beau périple touche à sa fin et c’est la remise des prix qui est chargée de clôturer cette semaine inoubliable. Une majorité de participants font l’effort de rester pour célébrer les différents podiums et chacun est fier de la performance qu’il a pu accomplir ces derniers jours. L’exemple le plus marquant est celui du binôme portugais Vasconha BTT Vouzela / Atomic 7T7 (Tiago Silva et Tiago Clamote), vainqueur dans sa catégorie (Master 40), et qui a tenu à remercier en français les organisateurs et l’ensemble des participants pour cette magnifique semaine, les larmes aux yeux. Voilà le monde du VTT qu’on affectionne. La boucle est bouclée, à l’année prochaine.
Si l’aventure vous tente pour 2023 ou une autre édition, toutes les infos sont ici : https://www.alpsepic.com
Crédit texte : Pierre Billaud
Crédit photo : Remi Fabregue