BTwin Rafal 900s : quoi de N.E.U.F. doc ?
Par Olivier Béart -
Un cadre carbone, des roues 650b et des composants au top pour 2299€ ? BTwin relève le défi. Nous l’avons essayé.
Le système de suspension N.E.U.F. de BTwin/Décathlon n’est plus tout jeune, mais il garde toujours la confiance de la marque française, qui est tout de même un des plus gros vendeurs de vélos au Monde et qui dispose d’un imposant centre de R&D basé près de Lille. C’est là qu’est né le Rafal, dernière évolution de la gamme de full suspendus BTwin, que nous testons ici dans sa version 900S, située juste sous le haut de gamme 920s. Avec son prix de 2299€ (Belgique – 2499€ en France) pour un cadre en carbone à roues de 27,5 », il fait honneur à la réputation de l’enseigne en matière de rapport qualité/prix. Même chez Canyon, on ne trouve pas vraiment d’équivalent, c’est dire. Voyons cela en détails !
On a parlé juste au-dessus de cadre carbone. Ce n’est pas tout à fait exact: le triangle avant est bien en fibre noire, mais l’arrière reste en aluminium. Cependant, avec la finition noire matte de l’ensemble et les soudures très soignées du bras arrière, ainsi que des formes anguleuses, l’aspect global est très valorisant et les lignes du vélo reflètent une certaine agressivité. Le nom de BTwin ne fait peut-être pas (encore ?) rêver, mais il ne faut pas faire le pédant : ce Rafal est carrément joli et donne envie d’aller rouler.
En y regardant en détails, on s’aperçoit que le cadre intègre les passages de gaines, ainsi que la durite de frein dans le tube diagonal, très généreusement dimensionné. Ce détail est bien pensé, avec un guide interne qui empêche les prises de tête lors des phases d’entretien. Même si c’est joli, on est un peu plus réservés sur le passage interne de la durite qui impose un démontage et presque obligatoirement une purge dès qu’on veut toucher aux freins, des Avid Elixir 5 au rapport efficacité/prix qui rivalise presque avec la référence du segment, les Shimano XT. Un disque de 180mm à l’avant serait cependant bienvenu. La patte Direct Mount est évidemment au rendez-vous et on peut admirer la qualité des soudures. Par contre, l’axe de roue reste un QR classique et non du 142×12, qui a pourtant tendance à se généraliser.
La partie avant du cadre est en carbone monocoque en fibres haut module T700 et T800 unidirectionnel avec renfort tridimensionnel (tissus 3K) sur les zones fortement éprouvées. Le tout est recouvert d’un vernis satiné qui laisse deviner la structure au soleil. Classe.
Le principe de la suspension N.E.U.F repose sur un bras arrière en une pièce, dont le point de pivot principal est placé dans un excentrique placé juste à côté du boîtier au standard PressFit BB92. Il n’est pas sans rappeler celui des anciens I-Drive de GT avec leur énorme roulement. Le look est assez brut de fonderie, sans aucun cache, et tranche un peu avec le reste du vélo. Peut-être une future évolution à prévoir ? Elle serait avant tout esthétique car même sans protection, les roulements ne semblent pas prendre l’eau trop vite. Sur le haut, au niveau de l’amortisseur, une biellette vient compléter la cinématique. Au vu de l’angle prononcé entre cette biellette et l’amortisseur, proche de 90°, on peut s’attendre à une évolution de ratio dégressive, synonyme d’un rendement au pédalage élevé. Un petit indicateur permet de mesurer le SAG (enfoncement de la suspension en statique). Nous y reviendrons.
Pour le reste des équipements, outre un groupe Sram X9 (avec shifters X7), on remarque surtout la fourche RockShox Reba en 120mm QR15 et les toute nouvelles roues Mavic CrossRoc. Avec leurs pneus assortis, leurs 24 rayons plats en acier et leur jante de 19mm, elles pèsent 3255g la paire. Elles représentent le milieu de gamme de la marque française et même si le vélo est monté d’origine en chambres à air, tout est fourni pour passer en tubeless, sauf le préventif latex.
Les composants, tige de selle, potence de 90mm et cintre de 680mm de large, sont signés BTwin. Leur finition tient vraiment la route et on ne regrette pas l’absence de grande marque. Un seul carton rouge pour la tige de selle, trop courte. Une 400mm aurait été plus appropriée, et nous avons d’ailleurs dû la changer afin d’obtenir la sortie de selle nécessaire pour deux de nos trois testeurs. A noter aussi que le vélo est fourni d’origine avec des pédales Shimano PD-M520.
Pompage ? Quel pompage ?
Pour régler la suspension du Rafal 900s, on peut compter sur deux indicateurs de SAG. Soit sur l’amortisseur, dont RockShox a eu la bonne idée de marquer le corps de graduations, soit au niveau du croisement entre le tube de selle et le bras arrière, où Décathlon a placé un petit indicateur. Ce dernier peut être utile si l’amortisseur n’est pas un Monarch, mais ici, il se montre nettement moins pratique et lisible. Le réglage préconisé par la marque se montre aussi un peu ferme et, au lieu de 20% de SAG, nous sommes plutôt allés vers les 25%.
Malgré ce réglage plus souple, la première qualité marquante qu’on ressent du côté de la suspension, c’est son insensibilité au pompage. Le vélo dégage une grande impression de rendement, d’autant que le cadre est très rigide latéralement. Que ce soit sur le plat en assommant les pédales façon rouleur flandrien ou en sprint, ça ne bouge pas ! À tel point qu’on se demande si le blocage de l’amortisseur est vraiment utile. Surtout que sur ce modèle de Monarch, on a droit à seulement deux positions : ouvert et complètement bloqué, ou presque.
Bilan, à part pour de longues portions d’asphalte, on n’y touche quasiment jamais. Et en vrai vtt, même roulant, il n’est pas agréable de l’activer. À l’avant par contre, le blocage au guidon de la fourche Reba est bien utile. Mais, bien qu’il soit aussi ergonomique que le XLoc hydraulique, cette version mécanique s’est rapidement durcie au point de devenir difficilement utilisable malgré un nettoyage soigneux. Dommage.
La position sur le vélo est assez typée. Un peu XC à l’ancienne, malgré la fourche en 120mm et un cintre relevé. Cela dit, le confort est au rendez-vous, et même sur les longues sorties, nous n’avons pas ressenti de douleurs parasites. Bien que ferme, la suspension arrière excelle sur les petits chocs et les racines. De sorte que sur le plat, même quand c’est chaotique, on garde sa moyenne sans mal. Il faut néanmoins prendre soin de passer en tubeless, car les pneus Mavic sont clairement conçus pour cela et leurs flancs se montrent trop raides en montage avec chambres à air, ce qui donne un toucher du terrain assez sec au premier abord. Une fois cette manipulation faite, le contact avec le sentier semble plus feutré et nettement plus agréable.
Avec le retrait des chambres, le grip en côte s’en trouve amélioré, même s’il était déjà très bon grâce à la suspension, et à l’impression de légèreté que dégage le vélo. L’excentrique NEUF joue vraiment bien son rôle en permettant d’envelopper les reliefs, sans qu’on ressente d’affaissement de l’arrière, même dans les fort pourcentages. Et tout cela avec l’hydraulique de l’amortisseur complètement libérée. Impressionnant ! Mais il y a un revers à la médaille.
Rentrer dans le débattement
Il est temps maintenant de voir ce que l’animal a dans le ventre en descente. Vu le caractère intrinsèquement ferme de la suspension, on en vient à regretter que BTwin n’ait pas doté d’office le Rafal d’un amortisseur avec un mode ouvert nettement plus souple, un mode intermédiaire correspondant plus ou moins à l’actuel, et éventuellement un mode bloqué pour les amateurs de rendement pur. Car tel quel, le vélo a du mal à rentrer dans le débattement. C’est dommage car quand finalement un gros choc parvient à le faire aller dans le coeur de la courbe d’amortissement, il s’en sort très bien, et les gros chocs sont parfaitement gérés pour une suspension de seulement 100mm de débattement.
Ici, le Rafal rappelle un peu le Specialized Epic qui, avec sa suspension à blocage automatique, demande la finesse de pilotage d’un semi-rigide en descente, avec un arrière qui reste haut. Alors que de plus en plus de full suspendus actuels offrent, à l’image du Scott Spark et d’autres, au moins un mode de suspension plus souple qui gomme mieux les chocs. Mais aussi et surtout qui, en rentrant plus dans le débattement, couche plus les angles et offre un comportement nettement plus fun en descente. Pour autant, le Rafal n’est pas désagréable et sa vivacité fait plaisir à voir. Il adore les virages serrés et les changements de direction, grâce à sa très bonne maniabilité.
En passant au 27,5″, BTwin a donné un petit coup de jeune à sa suspension NEUF, qui garde toute sa pertinence. Il reste que, vu son poids et son positionnement au niveau tarif, le Rafal s’adresse plus aux randonneurs sportifs qu’aux purs compétiteurs. Il mériterait donc un setting de suspension un peu plus souple, qui serait plus en rapport avec sa cible. On est même prêts à parier qu’il ne perdrait pas grand chose de son excellent rendement. Mais sinon, à ce tarif de 2299€, on se dit clairement « pourquoi payer plus ?! »