Aurélien Fontenoy – Un enduro pour défendre son Trial
Par Paul Humbert -
Au cours de ces derniers mois, nous avons eu l’occasion de vous faire partager la série « Bonjour ! » mettant en scène le trialiste Aurélien Fontenoy. Sportif auréolé au plus haut niveau, le vice-champion du monde 2014 a pourtant choisi de parcourir la France au guidon d’un vélo d’enduro. Ce choix, pas franchement anodin nous a poussé à en savoir plus sur le grenoblois. Il nous présente ses projets et il s’exprime également sur sa vision du trial et sur les lacunes de sa discipline.
J’ai 25 ans, j’habite à côté de Grenoble et j’ai commencé le trial à l’âge de 8 ans en suivant les traces de mon frère avec qui j’ai toujours aimé faire le con. Je n’ai jamais vraiment fait de descente ou de cross. Dans les années 2000, j’ai commencé la compétition et ça a bien marché. J’ai gagné pas mal de titres nationaux et internationaux et cela fait trois années que je suis vice-champion du Monde élite (en 26 et en 20 pouces). Aujourd’hui, mon frère a créé Impulse, sa propre marque de VTT trial et j’aide à développer les vélos et à promouvoir la marque. Je vis du trial depuis que j’ai commencé à proposer des démonstrations et des shows. Cette année j’ai développé mes vidéos tout en continuant la compétition. J’ai manqué les manches sélectives pour accéder aux mondiaux à Vallnord mais je poursuis mon rêve de remporter les titres en 20 et 26 pouces lors de la même compétition. J’ai réussi ça en Junior mais personne n’y est encore parvenu en Élite. Comment t’es venue l’idée de ta série « Bonjour ! » ? J’avais tourné plusieurs vidéos qui avaient bien marché ces dernières années et j’ai décidé d’y consacrer une bonne partie de mon temps en 2015 en intégrant le team Cube et avec l’aide de Continental et d’Xtrème vidéos. Mes partenaires étaient vraiment partant, c’est bête mais entre finir vice champion du monde et faire une vidéo, les partenaires préfèrent un vidéo qui marche. L’idée de la série « Bonjour! » est née avec Quentin Chaumy qui me suit et me filme. Nous sommes partis dans différents endroits de France pour faire découvrir les régions d’une manière inattendue. Nous avons effectué une levée de fond auprès des sponsors et grâce à une opération de crowdfunding. Cela n’a pas financé les 5 épisodes mais l’apport a été conséquent. [field name=iframe] Nous avons commencé le tournage de la série à Biarritz pendant une semaine mais il a fait très mauvais et le tournage est tombé à l’eau. Le premier vrai projet a été le Puy du Fou. Le parc cherchait à mettre la structure en valeur dans une vidéo originale et un peu extrême dans l’objectif de dépoussiérer l’image du parc. C’était un super projet pour nous. Le tournage a été vraiment intense car il fallait tourner entre les spectacles et nous n’avions qu’un quart d’heure par scène pour mettre en place tous les acteurs. Il n’était pas prévu qu’ils soient présents mais c’est eux qui sont venu nous trouver, ils ont voulu participer et ils nous ont proposé de sortir leurs boucliers ou d’enflammer le pont-levis! On s’est régalé car chacun a joué le jeu et nous avons été super bien accueillis. Je ne connaissais pas ce parc mais c’est vraiment du grand spectacle. [field name=iframe2] Nous sommes ensuite partis trois semaines pour le reste du tournage de la série. Quentin le caméraman est originaire de Bretagne et il a pu me guider sur ses terres. Nous sommes ensuite descendus en Provence où j’ai retrouvé ma famille, en enfin, nous sommes partis en Corse, vers l’inconnu ! Il a fallu trouver des spots et souvent les gens qui tentent de nous conseiller ne savent pas trop ce qu’on peut faire sur un VTT. Sauter sur un toit ne vient pas à l’esprit des gens. Nous avons pourtant rencontré des personnes qui ont pris le temps de nous faire découvrir les régions, ça change vraiment de la compétition ! Sur l’île de beauté, nous avons fait la connaissance d’un typique corse dans une pizzeria, il a d’ailleurs joué dans « l’Enquête corse ». Il nous a fait une impro de guitare et nous a proposé un scénario que nous avons filmé le lendemain : il nous bloque dans la garigue avec son camion et il nous tire dessus avec sa carabine. La vidéo me sort du stress de la compétition. J’ai beaucoup voyagé pour les courses mais finalement je ne connais que les aéroports, les hôtels et les parkings… Au bout du compte, il n’y aura que 4 épisodes de la série « Bonjour ! » mais nous la complétons avec une vidéo exclusive en compagnie d’un chien ! Pour l’année prochaine nous préparons une nouvelle saison que nous aimerions plus internationale. J’ai également des projets avec des sportifs d’autres univers. Nous avons déjà préparé une course poursuite avec Jean-Baptiste Chandelier qui est spécialiste du parapente ! Ça va être énorme ! En trial, je monte un partenariat avec le Lasergame où nous allons tourner dans le noir, je vais faire une course avec un mec en parcours, des lapins géants et des filles sexy. Au même endroit, j’ai tourné dans le nouveau clip de Big Ali. J’ai plein de projets et j’espère vraiment pouvoir faire de l’électrique l’an prochain, ça me plait vraiment et c’est la tendance ! Quelle qualité faut-il pour passer d’un vélo de trial à un vélo d’enduro? Globalement, on ne fera jamais la même chose. Avec un VTT d’enduro, je suis à 30% de mes capacités en vélo de trial. Un enduro, c’est plus un handicap qu’autre chose. En revanche, l’enduro va m’aider quand il faut prendre de la vitesse avant les gros gaps. Je fais des sauts beaucoup plus long en enduro qu’en trial. À l’arrêt en trial, je peux sauter 3m20 alors qu’en enduro je suis passé entre deux bateaux espacés de 4 ou 5 mètres. C’est également un style de pilotage complètement différent. En enduro, j’essaye de garder la vitesse et d’être plus fluide qu’en trial. Côté réglages, sur mon Stéréo je joue beaucoup avec les suspensions, quand je fais vraiment des passages techniques, la suspension arrière est bloquée au maximum. Je gonfle à fond et j’essaye de mettre une détente assez rapide pour jouer sur les extensions sans absorber mes impulsions. À l’avant, je garde toujours un peu de débattement mais avec le rebond à fond. Le trial reste du dynamisme. D’après toi, tes vidéos auraient le même succès si tu étais en bike de trial ? Non. On connait le nombre de pratiquants en trial et celui en VTT classique, je change de cible. C’est également plus adapté pour se rendre dans des endroits comme la Bretagne et la Provence. J’ai tout de même des idées pour développer le trial en vidéo, j’aimerais faire un parcours accrobranche en trial. Danny Macaskill a prouvé qu’on pouvait faire des vidéos en trial ? Oui, le street trial c’est encore différent et Danny Macaskill a la polyvalence du trial mais aussi du BMX park. C’est de là qu’il tire ses capacités à faire des backflips. Est-il un niveau au dessus ? Médiatiquement oui, évidement, mais trialistiquement non. C’est n’est pas « ouf » ce qu’il fait mais il jongle très bien entre ses compétences en trial, en BMX et en figures. C’est ce qui fait sa différence et c’est là qu’il est indétrônable. C’est une légende et il est un moteur pour moi. Que penses-tu de l’état du trial en ce moment ? C’est la question qu’on se pose tous. Je pense que la trial de compétition a besoin de prendre un tournant un peu plus fun. Des mecs comme Danny Macaskill ont prouvé qu’on peut véhiculer une image qui est complètement différente de ce qui existe en championnat. Il y a un format qui existe et qui est entrain d’évoluer mais il reste trop peu visuel à mon goût. Il n’a pas assez d’impact pour être médiatique. Actuellement, le sport stagne. Un pilote de haut niveau ne peut pas vivre du trial de compétition. Le trial me coûte de l’argent et cela ne m’en rapporte pas. C’est un sport impressionnant et joli à voir mais le problème est que le public ne comprend pas forcément les règles et il ne sait pas forcément qui a gagné. Il faut plus de fun et de dynamisme. Le trial est souvent le parent pauvre pendant les coupes du Monde. Penses-tu que les disciplines classiques peuvent apporter quelque chose au trial ? Peut-être serait-il temps de se séparer ? Complètement. Sur un championnat du monde, rien n’est mis en avant et c’est un fardeau à caser quelque part. En Norvège l’année dernière, nous étions sur le parking du Mc Donald et aux championnats d’Europe, nous étions sur le parking d’une piscine municipale en Pologne. Le trial a le cul entre deux chaises : il n’a rien à voir avec le cross, il n’est ni du VTT, ni du BMX. La moto trial ne va pas très bien non plus mais au moins ils ont un circuit à part. On nous a proposé les urban games. C’est un nouveau format de compétition sur lequel l’UCI se penche. Nous nous mêlerions à des sports comme le basket à 4 et peut être au BMX ou à des sports un peu plus urbains. C’est peut être une bonne idée mais il faudra que tout évolue en fonction de ça. Aujourd’hui, il y a encore des pilotes de haut niveau qui roulent en combinaison moulante, ça n’aide vraiment pas. Le trial a une grosse problématique d’image, nous n’avons pas d’identité vestimentaire et il n’y a pas d’identité du sport. Les médias (comme c’est le cas de Vojo) n’ont pas les connaissances pour parler du trial, y’a-t-il une rancoeur de la part des pilotes français qui comptent parmi les meilleurs mondiaux ? Peut être un petit peu mais il faut regarder la réalité en face, le trial de compétition est très élitiste. Nous avons bataillé pour avoir une petite retransmission TV après les championnats de France et il faudrait pouvoir faire une news au moment des championnats du monde ou des championnats de France. Nous avons tout le gratin mondial dans l’hexagone. Plus généralement, il faut peut être privilégier une autre approche du trial. On peut tenter d’apprendre des choses aux VTTistes lambda, plein de choses peuvent intéresser la majorité riders. L’élitisme de la discipline est un réel problème dans les clubs. Après deux années, beaucoup de jeunes ont du mal à faire une roue arrière et peu persistent. Pour ce qui est de la médiatisation, une fois de plus, ça manque de fun. Les jeunes se découragent facilement et c’est également le cas chez les trialistes de haut niveau, quand vient l’âge de faire des projets, beaucoup arrêtent, faute de moyens. Et pour couronner le tout, il y a deux fédérations et deux championnats, ce qui ne facilite pas la clarté. De mon côté, je continue à m’entrainer et je le fais par passion. Ce n’est pas la compétition qui me motive. Je suis conscient de l’état du trial et j’essaye de progresser, de me dépasser tous les jours et de rider de nouveaux spots. C’est la passion qui fait avancer.