Andalucia Bike Race 2016 : l’Espagne sur la route du Cap
Par Julien Delaet -
Lorsqu’on décide de s’inscrire sur une course à étapes en plein mois de février, c’est qu’on veut avant tout échapper aux intempéries qui balayent les régions plus au Nord. Mais l’Andalucia Bike Race est aussi un excellent test afin de vérifier sa condition physique à la sortie de l’hiver. Que ce soit du côté des tops teams, qui viennent ici préparer la Cape Epic, ou des amateurs, chacun peut y trouver son compte.
L’ensemble de la course se déroule en 2 parties. La première se situe dans la province et ville éponyme de Jaén, qui n’est autre que la capitale mondiale de l’huile d’olive. En effet, ce sont des champs d’oliviers à perte de vue que nous pouvons contempler depuis les terrasses du château Santa Catalina, situé sur les hauteurs de la ville. Cette région, plutôt montagneuse, propose un terrain de jeu exigeant avec de longues ascensions sur pistes. La seconde partie se déroule à Cordoue, Cordoba en Espagnol. La capitale Andalouse propose quant à elle un terrain de jeu plus technique avec des relances et des singletracks sinueux, semblables au massif des Maures dans lequel se déroule chaque année le Roc d’Azur. Place maintenant au compte-rendu de cette folle semaine.
Etape 1 > Prologue à Martos: 50km / 1400m D+
Enfin, nous y voici ! Cet objectif que je m’étais fixé au début de l’hiver se dresse juste devant moi. Pour ce premier grand rendez-vous de l’année, je fais une nouvelle fois équipe avec mon pote Fred Ischard, mon coéquipier de la Transalp 2015 ! Aujourd’hui, avec une vingtaine de degrés, il n’y avait vraiment pas à hésiter sur le choix de la tenue, le cuissard court ainsi que le maillot manches courtes sont de circonstance.
Il est 15h06, notre dossard numéro 32 nous permet de nous élancer dans les derniers teams, juste avant de laisser la place aux pros. C’est parti pour un peu plus de 2 heures à bloc !
Les 10 premiers kilomètres jusqu’au ravitaillement sont relativement roulants. Notre moyenne avoisine les 25 km/h lorsque tout à coup vient se dresser devant nous une pente sévère avec des passages à plus de 30%. Cette première partie d’ascension fait mal aux jambes et casse le rythme imposé jusque-là. Dans cette difficulté, longue de 7 kilomètres, nous rattrapons déjà quelques équipages partis juste devant nous. Il faut parfois se frayer un chemin car la trace n’est pas toujours très large et la moindre erreur se paye cash. En haut de ce col, à 1200 m d’altitude, la vue panoramique sur les oliveraies est splendide.
Nous empruntons alors un single tortueux suivi de deux coups de cul avant de plonger vers le village de Torredelcampo. Cette superbe descente en sous-bois me vaut une petite frayeur au passage d’une épingle, où je me paie un «tout droit».
Au 30ème kilomètre, un magnifique franchissement dans un canyon asséché nous oblige à porter nos vélos, juste avant d’entamer une belle remontée de près de 300 mètres de positif. Au sommet, ce sont déjà les 3 premières équipes favorites, parties environ 15 minutes après nous, qui nous déposent littéralement sur place. Un autre monde…
L’ultime descente de ce prologue sera rapidement avalée, avant de laisser place à 10 kilomètres de piste à travers les champs d’oliviers pour rejoindre Martos.
Etape 2 > Jaén : 77km / 2650m D+
Avec pas moins de 77 km et 2650 m de dénivelé positif à gravir, ce 2ème jour de course apparait sur le papier comme l’étape reine de cette Andalucia Bike Race.
En guise d’échauffement, c’est parti pour 10 kilomètres sur route derrière la voiture ouvreuse. On sent bien toute la nervosité de la tête de course, ça frotte dans tous les sens et chacun fait le forcing pour venir se replacer aux avant-postes. Au milieu du paquet nous subissons régulièrement des accélérations et freinages intempestifs, ce qui me sera fatal au kilomètre 7 où une quarantaine de coureurs est impliquée dans une énorme chute collective. Je me relève et effectue un rapide petit check du vélo, rien de cassé, ouf je peux repartir !
Dur dur de retrouver le rythme, surtout lorsque la route laisse la place à une piste très raide à travers les cultures d’oliviers. Je retrouve Fred qui commençait à s’inquiéter de ne pas me voir arriver. Cette première grimpette laisse rapidement la place à un petit portage pour atteindre les 1000 m d’altitude. Petite récompense après ce début de course chaotique : nous entamons enfin une superbe descente sur un single technique. De quoi bien profiter avant d’atteindre le premier ravitaillement situé au vingtième kilomètre dans le petit village de Pegalajar.
La suite du parcours s’annonce corsée avec 4 belles bosses en paliers pour atteindre le point culminant de toute l’épreuve à plus de 1300 mètres. Les champs d’oliviers laissent provisoirement la place aux pinèdes. Toute cette section est très usante car elle comporte des passages très raides et nous avons l’impression de grimper non-stop pendant 25 kilomètres.
Au kilomètre 48, la tendance s’inverse totalement et nous profitons d’une superbe descente façon bike-park pour rejoindre la localité de Mancha Réal. Nous enchainons les jumps, les virages relevés et les épingles serrées, un vrai régal. Le dernier ravito nous permet de remplir rapidement les bidons et d’attaquer la dernière difficulté de la journée avec un beau talus de 300 mètres de D+.
Nous retrouvons donc tout naturellement les champs d’oliviers pour cette dernière section bien physique. Les 5 derniers kilomètres que l’on pensait plutôt roulants sur le papier s’avèrent finalement difficiles avec un long faux plat face au vent, pour atteindre l’arrivée sous l’impressionnante structure métallique de l’IFEJA de Jaén. Ouf, c’est fini !
Etape 3 > Andujar : 72km / 1800m D+
Troisième jour de course et déjà le premier transfert de la semaine. Nous nous déplaçons à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Jaén, dans la petite ville d’Andujar. Selon les dires de mon cher coéquipier, qui est un grand baroudeur, cette étape est sans nul doute la plus belle de toutes, avec un terrain évoquant par endroits l’Argentine ou le Brésil…
Comme d’habitude, le départ est neutralisé jusqu’à la sortie de la ville où nous retrouvons très rapidement un enchainement de multiples bosses, dans un premier temps courtes et roulantes pour ensuite se transformer en impressionnants raidards et descentes vertigineuses où les traces sont parfois très aléatoires. Ce terrain, ludique mais ô combien usant, laisse vite la place à la première grosse difficulté du jour, une longue ascension sur piste d’une quinzaine de kilomètres avec une pente facile et régulière. Des groupes se forment et grimpent à allure constante jusqu’au point culminant du parcours, à près de 900m d’altitude.
Ce sera le début d’un passage mythique de cette étape avec une fabuleuse descente sur une vieille «chaussée» romaine, en ruine elle aussi. Ce véritable plongeon vers la vallée en contrebas n’est pas de tout repos, avec un chemin jonché de blocs de pierres, de vieilles marches et autres obstacles en tout genre.
Au km 53 nous passons le tapis de chronométrage «Buff» et devant nous se dresse un véritable mur ! 5 kilomètres durant lesquels je ne quitterai plus mon pignon de 42 dents, avec une pente régulière oscillant entre 25 et 30%, il y a de quoi tirer la langue.
La dernière descente nous emmène une nouvelle fois sur un terrain de jeu très ludique mais exigeant, avant de retrouver le tracé emprunté sur le départ et ces multiples enchainements de bosses, heureusement sur la partie la moins difficile. Nous retrouvons Andujar au bout de ces 72 kilomètres de course, des images plein la tête !
Etape 4 > Cordoue : 90km / 1800m D+
Changement de décor pour ce 4ème jour, nous posons nos valises à Cordoue pour ce dernier transfert de la semaine. Notre terrain de jeu pour ces 3 prochaines étapes se situe au nord de la ville, dans un massif qui n’est pas sans rappeler celui des Maures qui accueille chaque année le Roc d’Azur, et que nous allons ratisser dans tous les sens.
Le départ de cette 4ème et plus longue étape de la semaine est donné en plein cœur de la vieille ville sur la rive nord du fleuve Guadalquivir. Nous entamons alors une traversée du centre-ville en convoi neutralisé, avant de longer pendant une dizaine de kilomètres un vieux canal asséché. Devant ça roule fort et nous subissons les cassures au sein du peloton.
Au 18ème kilomètre, les hostilités commencent avec d’emblée un gros talus à franchir à travers une prairie, où les vaches viennent se mêler aux spectateurs et aux cyclistes. Ambiance et dépaysement à nouveau garantis ! Dans cette première partie de course, le sol aride et poussiéreux que l’on avait l’habitude de rencontrer sur les 3 premières étapes laisse place à un terrain plus humide et verdoyant.
Le parcours prend de l’altitude et ne laisse pas beaucoup de répit jusqu’à mi-course. Nous passons coup sur coup des singles sinueux et quelques passages en force sur une succession de blocs de granit. Aux environs du 50ème kilomètre nous bifurquons sur une vieille voie de chemin de fer désaffectée. Un supplice pour tout le corps qui durera pendant 5 longs kilomètres à enchainer traverses sur traverses et à subir les projections de ballast. J’en fais d’ailleurs les frais, victime d’une belle entaille dans mon tibia gauche.
Le parcours devient ensuite plus tortueux et cassant jusqu’au 70e kilomètre, où nous attend l’ultime difficulté du jour avec une ascension de 8 kilomètres sur un single raide et technique. Au sommet, nous retrouvons plusieurs équipes espagnoles avec qui nous bataillons sur une descente hyper cassante. Chaque trajectoire est importante et, à ce petit jeu, je laisse mon coéquipier ouvrir la trace.
Arrivés tout en bas, il ne nous reste qu’un dernier effort à fournir pour rejoindre l’arrivée via une piste gravillonneuse en faux plat. Ce n’était pas la plus physique de toutes, mais cette étape nous aura finalement paru très usante. La fatigue commence à se faire sentir !
Etape 5 >> Cordoue : 83km / 2100m D+
Au lendemain de cette première étape autour de Cordoba, nous sommes motivés ce matin à l’idée de rouler à nouveau dans cette immense plaine de jeux à ciel ouvert.
Le départ du jour est donné sur l’esplanade d’un important boulevard du centre-ville, à quelques centaines de mètres de notre hôtel ! Les 10 premiers kilomètres sont une fois de plus avalés à vive allure. Heureusement, la police est là pour gérer la circulation jusqu’à la sortie de la ville.
Nous passons furtivement à proximité de l’aire d’arrivée, avant d’entamer la première difficulté du jour sur une section goudronnée de 5km en lacets pour 350m de dénivelé, autant vous dire que devant ça cravache fort. Lorsque nous pensons être arrivés au sommet, nous nous engouffrons dans une forêt, sur un single tortueux qui continue à grimper. Le terrain est rendu glissant par les fortes pluies de la nuit, ce qui nous contraint à pousser le vélo sur quelques centaines de mètres.
Par la suite, nous retrouvons un parcours très semblable à celui de la veille avec quelques variantes. Heureusement pour mes tibias, l’organisation nous épargne un second passage sur cette vieille voie de chemin de fer désaffectée !
Après une succession de raidards et descentes rapides en sous-bois, nous pouvons enfin profiter d’un splendide plongeon d’une dizaine de kilomètres sur des traces tortueuses et rythmées à souhait. Quel pied !
Les 15 derniers kilomètres de l’étape sont parfaitement identiques à ceux de la veille, avec une nouvelle fois cette très longue ascension finale suivie de ce véritable toboggan que nous descendons à tombeau ouvert dans un dédale de pierres et de rochers. Les 2km de pistes restant ne sont qu’une simple formalité pour terminer cette avant-dernière étape dans un nuage de poussière.
Etape 6 >> Cordoue : 70km / 1850m D+
Dernière ligne droite de cette Andalucia bike race, ou presque ! Ce matin il ne fait pas très chaud, mais il fait grand beau temps. En espérant que la pluie annoncée cet après-midi ne vienne pas jouer les trouble-fête avant notre passage sur la ligne d’arrivée finale.
Il est 10 heures, nous sommes dans les starting blocks pour une dernière «balade» autour de Cordoue. Aujourd’hui, encore plus que les autres jours, le départ s’annonce crucial ! En effet, l’organisation ne faisant pas les choses à moitié, elle nous propose en guise d’échauffement la descente finale de ces deux dernières étapes, qu’il faut tout simplement grimper ! Autant vous dire que ça visse fort en tête de course tandis que ça tente de rester sur le vélo en milieu de peloton.
La suite du parcours, reprenant également plusieurs sections en sens inverse des jours précédents, nous procure beaucoup de plaisir. Entre les 20e et 40e kilomètres, nous avons droit à une section très usante, comportant des relances et quelques passages en force.
Nous ne sommes ensuite guère épargnés, avec une longue ascension d’une quinzaine de kilomètres en paliers jusqu’au second ravitaillement, se clôturant par un col sur route. A partir de là, tout va s’accélérer et nous vivons une fin de course sur les chapeaux de roues.
Nous sommes plusieurs équipes au coude-à-coude, à se livrer une dernière bagarre sur ces magnifiques sentiers Andalous. Personne ne lâche rien malgré des écarts considérables au classement général. Qu’à cela ne tienne, le parcours se prête parfaitement à ce genre d’exercice, en outre, les nombreuses relances et descentes en enfilades viennent ponctuer le tout !
La dernière descente se profile à l’horizon, avec pour le coup une section inédite où les spectateurs sont venus encourager une dernière fois les coureurs. L’arrivée est en vue, il nous faut fournir un dernier effort pour rejoindre l’Hacienda de la Albaida où s’adjuge l’arrivée finale. Nous avons finalement été épargnés par la pluie, qui s’abat sur Cordoue quelques minutes après notre arrivée. Et voilà comment on conclut une semaine bien au sec !
Ce que nous retenons de cette magnifique semaine en Andalousie :
Les + :
– Des parcours 5 étoiles proposant du vrai VTT
– Un fléchage sans faille (aucune erreur de parcours durant toute l’épreuve)
– Des ravitaillements complets avec à chaque fois des boissons énergétiques et du solide
– Un pack de bienvenue très généreux (sac de sport, maillots de l’épreuve, t-shirts, barres énergétiques, petit cadeaux, etc…)
Les – :
– Bike-wash ridicule pour une telle épreuve
– Il faut être totalement autonome sur ce genre d’épreuve où la logistique a toute son importance, surtout par rapport aux nombreux transferts tout au long de la semaine
– Parcours exigeant, il est donc nécessaire d’être un minimum entrainé pour profiter de chaque étape.
Infos, classement et vidéos: www.andaluciabikerace.com