Test | Scott Addict Gravel 10 : le gravel qui va vite
Par Léo Kervran -
Présenté en 2021, l’Addict Gravel de deuxième génération est le premier véritable gravel de Scott qui se contentait avant cela de repeindre son cadre de cyclocross. Sur le papier, le vélo, qui mêle sportivité, performance et bien sûr intégration, est un condensé de l’ADN de la marque. Que vaut-il vraiment sur le terrain ? A qui s’adresse-t-il ? Voici notre avis après plusieurs mois de test :
Tester des vélos, ce n’est pas une science exacte. Bien sûr, on s’implique toujours de la même manière dans tous nos essais et on pose toujours la même durée minimale comme condition préalable à un test, mais vous pouvez imaginer que tous les vélos qui passent entre nos mains ne repartent pas avec le même kilométrage.
Le Scott Addict Gravel 10, lui, en a vu un certain nombre et dans toutes les conditions. D’abord sous le soleil brulant des Cévennes puis sous la pluie en Suisse, avant de relier les Alpes à l’Alsace. A son retour à la rédaction, il a passé un peu plus de temps à explorer les environs d’Annecy sur la route et en dehors, avec ou sans sacoche, entre grands cols et belles pistes et parfois même avec un dossard. Difficile de faire plus exhaustif vu le programme de la machine !
Châssis
Dans la gamme gravel de Scott, l’Addict Gravel occupe un segment qu’on pourrait qualifier de « Performance ». Haut de gamme, sportif, il s’inscrit dans une certaine vision du gravel et ne fait pas de compromis dans ce cadre, ce n’est certainement pas un gravel « à tout faire » comme d’autres peuvent l’être. Conséquence de cela, le vélo n’est proposé qu’en carbone.
Si vous êtes à la recherche d’un vélo un peu plus polyvalent et accessible, Scott propose le Speedster Gravel en aluminium. On en reparlera un peu plus loin mais ce n’est pas le sujet principal de cet essai.
Du carbone, oui mais pas n’importe lequel. Chez Scott, on distingue 3 niveaux qui se différencient par les fibres et la quantité de résine utilisées : on a d’abord le HMF, puis le HMX et enfin le HMX SL. Tous sont censés offrir des performances similaires en termes de confort ou de rigidité mais le poids sera plus important sur un HMF que sur un HMX ou un HMX SL. En gravel, seul le modèle Tuned est en HMX. Tous les autres, dont notre Addict Gravel 10, sont en carbone HMF.
Sur le plan esthétique, la filiation avec l’Addict RC de route est évidente : on a l’impression de jouer au jeu des 7 différences ! Un œil avisé remarquera tout de même quelques détails, comme une fourche au design plus agressif, mais il faut aller se pencher sur la fiche de géométrie pour s’assurer que les deux cadres sont bien différents.
L’intégration est évidemment de la partie, on est chez Scott après tout. Gravel oblige, il n’y a pas d’amortisseur à cacher dans le cadre (quoique…) mais il reste quelques gaines et Durits. Enfin, seulement des Durits sur cet Addict Gravel 10 puisqu’il est équipé d’une transmission Sram Force AXS, donc électrique et sans fil. Comme de coutume chez Scott et de manière plus générale dans le monde de la route/gravel sportif, les Durits suivent discrètement la forme du cintre et de la potence avant de rentrer dans le cadre directement par le jeu de direction.
On ne vous cache pas qu’on a parfois du mal avec cette tendance en VTT bien qu’elle soit de plus en plus populaire chez les fabricants, mais en gravel ça nous pose un peu moins de problème… sauf ici : c’est très joli et très bien exécuté mais pour une raison obscure, Scott a fait le choix d’un diamètre un peu particulier (1″1/4, plutôt que l’habituel 1″1/8) pour la partie supérieure de son pivot de fourche. Des entretoises classiques ne passent pas et les entretoises placées sous la potence ne vont pas au-dessus. Pour descendre la potence sans couper le pivot (si on veut faire des tests ou garder la possibilité de revenir en arrière) il faudra donc racheter des entretoises adaptées, réservées exclusivement à ce vélo ou presque.
A notre connaissance, seul Giant utilise également ce format en route/gravel, à rebours de tout le reste de l’industrie. Après des années de lutte le pivot conique 1″1/8-1″1/2 est désormais accepté comme standard, changer à nouveau paraît un peu ridicule.
Enfin, retour à nos feuilles de carbone. Tube supérieur très droit, lignes tendues et formes d’inspiration aéro, intégration, le ton est donné : ce gravel est fait pour rouler vite sur un mélange de routes et de pistes en bon état, pas pour s’aventurer dans les cailloux et jouer avec les limites du VTT.
Néanmoins, quelques éléments rappellent tout de même que cet Addict Gravel n’est pas un pur vélo de route : le dégagement pour des pneus en 700×45 d’abord, mais aussi des inserts pour une petite sacoche sur le tube supérieur ou des supports pour garde-boue (Syncros uniquement) intelligemment cachés sur les faces intérieures de la fourche et des haubans. Attention, ces garde-boue réduisent la largeur de pneu maximale à 40 mm.
Grâce au travail avec Syncros le vélo offre en sus des supports bien pensés pour lampes et compteurs, intégré sous la selle pour l’arrière et à fixer sur les vis de potence à l’avant. Depuis peu, Syncros propose également une gamme de sacoches qui, si elle est relativement polyvalente vu les moyens de fixation (principalement des sangles à scratch), est parfaitement taillée pour le vélo.
Géométrie
Pour un gravel qui se veut relativement routier, la géométrie est intéressante. Le reach est long (387 mm en taille M) et l’angle de direction plus couché que sur d’autres gravel (notamment en XS et S), sans passer toutefois sous le seuil des 70°. On remarque aussi un boîtier de pédalier assez haut (-71 mm seulement par rapport à l’axe des roues) qui devrait apporter une certaine stabilité sur les trajectoires tandis que les bases courtes mais sans excès (425 mm) assureront le dynamisme.
Le choix de la taille pourrait en revanche s’avérer un peu difficile : au cadre déjà grand s’ajoutent une potence longue (103 mm en M et L) ainsi qu’une tige de selle à déport, qui étirent encore la position. Chez Vojo, notre modèle d’essai était en taille L et c’était parfait pour Paul (1m83) mais un peu grand pour votre serviteur qui, du haut de ses 1m79, aurait préféré une tige de selle sans déport. En descente en revanche, le reach long fut apprécié à sa juste valeur.
Equipements
Cet Addict Gravel 10 représente le deuxième échelon de la famille en partant du haut, derrière le modèle Tuned. On est donc sur du haut de gamme mais pas encore du très haut de gamme. Vous trouviez les VTT chers ? Alors accrochez-vous bien pour ce vélo… Malgré ses petits pneus et son absence complète de suspension, il est affiché à 5 999 €.
Le plus drôle, c’est qu’à ce tarif on n’a pas encore ce qui se fait de mieux chez chaque fabricant en matière de composants. La plupart du temps c’est le niveau d’en dessous et si les performances sont déjà de premier ordre, ça peut surprendre quand on vient du VTT.
Comme toujours en gravel, transmission et freins sont indissociables et Scott a ici opté pour du Sram Force XPLR eTap AXS (XPLR désignant la version gravel et eTap AXS la technologie sans fil de la transmission). Les disques sont en 160 mm et la transmission en double-plateau, avec un pédalier 46-33 et une cassette 10-44.
2×12 vitesses, ça nous fait bizarre de l’écrire et on imagine que c’est pareil pour vous en le lisant mais c’est bien le cas ! Si le monoplateau ne fait plus débat depuis longtemps en VTT, le sujet est plus complexe en gravel et on estime que les deux formats peuvent coexister. Question de pratique, comme on le verra sur le terrain.
Côté train roulant, on a droit à des DT Swiss GRC1400 Disc en carbone comme leur nom l’indique. 1 611 g la paire, 42 mm de haut et 24 mm de largeur interne selon la fiche technique. Sur le terrain, on mentionnera autre chose : avec leur jante (très) haute pour du gravel, elles obligent à utiliser des valves tubeless spéciales adaptées à cette longueur. Un point à garder en tête si ce modèle vous intéresse car vu le peu de confort de ces roues, rouler en chambre à air est à éviter absolument.
Les pneus sont fournis par Schwalbe, très présent sur le segment de la première monte en gravel. C’est le profil G-One Bite en 45 mm de large, un format qu’on considérait comme agressif il y a quelques années mais qui apparaît désormais relativement polyvalent vu l’évolution du marché. Son seul véritable point faible est la boue, notamment au freinage. Pour le reste, il passe bien sur tous les terrains et aucune crevaison n’est venue perturber l’essai. On pourra évidemment trouver plus rapide sur la route mais plus encore qu’en VTT, le pneu réellement bon partout n’existe pas en gravel.
Le reste des périphériques est signé Syncros, sans surprise. Pas de combo en une pièce pour le poste de pilotage, c’est réservé au modèle Tuned. On a donc une potence classique en aluminium sur laquelle vient se poser un cintre Creston 1.0 X Carbon. Son flare (l’angle vers l’extérieur de la partie basse) est de 16°, une valeur classique et passe-partout en gravel. A titre de comparaison, un cintre route sera entre 0 et 4° tandis qu’un cintre de gravel commence à être réellement « typé » à partir de 20° environ et dépasse parfois les 30°, voire les 40° pour les modèles les plus extrêmes.
Enfin, la tige de selle Duncan 1.0 Aero a une forme en D qui s’inscrit dans la ligne générale du vélo et la selle est l’habituelle Tofino 1.0 R ici en version ajourée. R correspond à Regular, ce qui signifie que sa forme convient à une position relativement droite (par rapport à un vélo de route) et une assise située entre le milieu et l’arrière de la selle. La Tofino V se veut plus agressive.
Versions et tarifs
La gamme Scott Addict Gravel se compose aujourd’hui de quatre montages. Sous ce modèle 10, on a le 20 en Sram Rival AXS monoplateau (3 299 €) puis le 30, en Shimano GRX double plateau (2 799 €). Au-dessus on a le très exclusif Tuned, en Sram Red XPLR eTap AXS double-plateau. Ce dernier modèle n’apparaît pas encore sur le site Scott mais la marque nous a assuré qu’il était bien au programme et qu’il devrait être en ligne d’ici peu.
Comme on l’évoquait plus haut dans l’article, pour les gravel en aluminium il faut se tourner vers la gamme Speedster Gravel. Plus accessible avec des modèles qui s’étendent entre 1 199 € et 2 799 €, elle profite néanmoins d’une géométrie très proche dans l’ensemble à l’exception notable de bases 15 mm plus longues, donc plus confortables. La position est également quelques millimètres moins sportive.
Le Scott Addict Gravel 10 sur le terrain
Un petit voyage entre France et Suisse avec l’équipe Scott France, une aventure de quelques jours dans les Cévennes, une autre à travers le Jura et l’Alsace, quelques nuits estivales à la belle étoile et même une grimpée cycliste sur route : en quelques mois de test, notre Addict Gravel 10 aura vu du pays !
Première chose, la position : elle est effectivement sportive, et si vous avez déjà passé un peu de temps sur un vélo de route vous ne serez pas dépaysé, mais elle n’est pas extrême non plus. Avec la potence au plus haut, votre serviteur avait de la marge et aurait pu la descendre facilement de deux entretoises. Néanmoins, si une potence un poil haute n’est pas ce qu’il y a de plus efficace sur route ça peut se montrer d’une grande aide lorsqu’on quitte le bitume, notamment en descente.
Côté confort, c’est assez spartiate. Les roues sont franchement raides et si le cadre s’en sort à basse vitesse (en montée par exemple), il devient plus exigeant à mesure que le rythme augmente. Résultat, l’essentiel du travail repose sur les pneus. Sur chemin roulant rien à dire mais dans les pistes caillouteuses, on se fait vite secouer et on sent bien que ce n’est pas pour ces terrains que le vélo a été prévu.
Dommage ? Oui et non. Oui parce qu’autrement, la géométrie est franchement réussie et le vélo met en confiance, même quand on s’aventure dans des sentiers où l’on serait bien mieux en VTT. Ah, les joies de la planification d’itinéraires… La machine est stable et la marge de sécurité surprenante pour un vélo qui apparaît si rigide. Avec un peu plus de confort on pourrait donc l’emmener bien au-delà de son programme initial.
D’un autre côté, cette rigidité lui confère un dynamisme qui donne le sourire sur route. Mettez-lui une paire de pneus slick en 32 mm et vous verrez à peine la différence avec un pur routier. Sur notre balance, la machine affichait 8,8 kg en taille L (8,69 kg annoncés en taille M) ce qui est honnête mais ne bat pas non plus des records. Pour rester chez Scott, le dernier Scale RC (lire Test nouveauté | Scott Scale RC : trop ambitieux ?) est bien indiqué à 8,9 kg dans sa version la plus exclusive…
Pourtant, le répondant est bien là et l’Addict Gravel s’emmène facilement, toujours réactif aux sollicitations et sans jamais devenir un poids même après de longues heures de selle. Si votre pratique du gravel comprend une part non-négligeable de routes bitumées, que cela soit choisi ou contraint, c’est clairement un avantage par rapport à d’autres machines plus à l’aise sur piste abîmée mais bien plus lentes et ennuyantes sur route.
Dans ce cadre, on a trouvé que la transmission en 2×12 lui convenait à merveille. Le monoplateau c’est pratique mais cela oblige à faire des choix : cassette de VTT pour l’amplitude de rapports ou cassette de route ou gravel pour l’étagement ? Avec le double on a les deux et c’est tellement simple d’usage avec cette transmission Sram eTap AXS que ce serait dommage de s’en priver.
Palette de droite pour descendre les rapports, de gauche pour les monter et les deux en même temps pour changer de plateau, c’est presque un jeu. Reste le risque de déraillement un peu plus important, mais comme le vélo préfère se tenir à l’écart de tout ce qui secoue un peu trop, cela n’est pas vraiment un problème.
On termine avec une petite remarque sur la peinture : sobre mais travaillé et discrètement pailleté sur toute la partie vert clair, le mélange est réussi mais il est assez sensible aux frottements. Sur notre monture de test, les jolis reflets n’ont pas résisté longtemps aux sacoches Ortlieb de test (on reparle du matériel dans quelques temps mais en attendant vous pouvez découvrir notre visite) et on ne saurait trop conseiller de protéger le vélo avec un film transparent pour éviter ce genre de mésaventure.
Verdict
Vous vous en êtes sûrement déjà rendu compte si vous nous suivez depuis un moment, le monde du gravel est aussi vaste que celui du VTT. Avec cet Addict Gravel, Scott penche du côté très routier et sportif des choses. Dans cet usage « vélo de route plus » la machine excelle et offre de belles sensations, rapide sur le bitume mais pas effrayée par les chemins de terre ou les pistes tant qu’elles sont propres, et même joueuse grâce à la confiance qu’elle inspire. Avec les pneus larges et la position bien dosée le confort est également au rendez-vous et on peut sansmal envisager des voyages à son guidon, comme nous l’avons fait. En revanche, si vous faites très peu de route et que vous roulez principalement sur des pistes abîmées, passez votre chemin : cet Addict Gravel n’est absolument pas fait pour vous et ne pourra que vous décevoir. C’est un Scott après tout, la marque suisse est plus réputée pour la performance que pour le caractère aventureux de ses créations.
Plus d’informations : scott-sports.com
Scott Addict Gravel 10
5 999 €
8,8 kg(taille L, sans pédales)
- Dynamisme au pédalage et efficacité sur route
- Excellent équipement
- Tenue de route
- Confort spartiate sur piste abîmée
- Peinture sensible aux frottements
- Prix élevé
- RAS
Évaluation des testeurs
- Prix d'excellence
- Coup de coeur
- Rapport qualité / prix