Test | Stevens Sonora XO : quand l’Eagle impose des concessions
Par Olivier Béart -
Stevens est une marque allemande bien connue pour proposer des produits soignés et de haute qualité à des tarifs très contenus. Le Sonora XO, hardtail en carbone de la gamme, ne déroge pas à la règle avec un tarif juste au-dessus des 3000€ avec un groupe Sram XO Eagle… très tendance et qui pousse pour une fois Stevens a faire une infidélité à Shimano. Une bonne idée ? Verdict avec notre test.
Le cadre
Le Sonora, c’est le hardtail carbone haut de gamme de la marque. En son temps, il a été utilisé par Mathieu van der Poel lorsqu’il a commencé à se frotter aux coupes du monde de VTT. Il est conçu comme une petite bombe, mais Stevens le présente aussi comme un vélo adapté aux marathons et aux courses longues distances. On le voit d’ailleurs beaucoup sur les marathons belges et allemands aux mains du redoutable Luxembourgo-Danois Sören Nissen.
La conception du cadre est très classique, avec l’utilisation de fibres HMF qui permettent d’obtenir un cadre dont le poids tourne autour du kilo. Ses ligne sont très pures et la finition est, comme toujours chez Stevens, particulièrement soignée. Que ce soit au niveau de la peinture ou de zones sensibles comme les entrées de gaines à l’intérieur du cadre ou les pattes, impossible de trouver le moindre petit défaut.
Le Stevens Sonora applique à sa sauce la recette des haubans affinés et du tube supérieur de petite section pour avoir un haut de cadre qui dissipe les vibrations, et d’une partie basse plus imposante pour assurer le travail en matière de rigidité. Malgré tout, la section du tube diagonal reste plus fine que ce qu’on peut parfois rencontrer ailleurs et les lignes globales restent plus gracieuses qu’imposantes.
Enfin, signalons qu’il adopte, bien évidemment est-on tenté de dire, un axe arrière en Boost 148, une patte Postmount pour disque de 160mm et il a pour particularité de disposer de tout le nécessaire pour le montage d’un dérailleur avant (en high direct mount), ce qui devient de plus en plus rare.
Géométrie
Sous leurs lignes assez classiques, les vélos Stevens sont souvent assez modernes dans leur approche de la géométrie. Ici, sur le Sonora, c’est un peu moins le cas et on reste dans des valeurs classiques pour un hardtail XC/Marathon. La douille de direction affiche un angle plutôt droit de 70°, le reach de 435mm en taille 18 est dans la bonne moyenne et les bases mesurent 435mm. A noter que la petite taille 16″ adopte des roues en 27,5″.
Equipement, gamme et tarifs
En bonne marque allemande, un des chevaux de bataille de Stevens, c’est le rapport prix/équipement. Tout en restant sur un système de distribution classique en magasin, elle parvient à offrir des tarifs concurrentiels face aux grands acteurs de la vente en ligne. Mais ici, c’est un peu moins le cas. A 3249€, il reste bien placé pour un vélo de cette gamme, mais on s’éloigne des marques comme Canyon, Radon ou Rose avec qui Stevens nous avait habitués à lutter.
Nous y voyons une explication : habituellement, Stevens ne monte que des groupes Shimano sur ses vélos. Cette fidélité et les volumes qui en découlent lui permettent très certainement d’obtenir d’excellentes conditions chez leur fournisseur nippon. Mais ici, Stevens a cédé aux sirènes du Sram XO Eagle 1×12 vitesses, très prisé du public cible de ce genre de machine et pour l’instant sans équivalent chez Shimano.
Ce montage d’un groupe Sram XO Eagle a poussé à quelques concessions sur le Stevens Sonora XO. Par exemple, en Shimano, il n’y a que des groupes complets sans aucun mixage… alors qu’ici on retrouve une cassette GX, moins chère mais nettement plus lourde.
C’est le cas aussi pour les roues. Les DT1900 ne sont pas mauvaises, mais elles sont très clairement un gros cran en-dessous du reste et ce sont des modèles d’entrée de gamme. Idem pour les périphériques maison Scorpo, bien pensés et fiables, mais entièrement en alu, alors qu’on pourrait s’attendre à avoir du carbone plus léger sur ce modèle qui constitue le haut de gamme hardtail carbone de la marque. Cela n’empêche toutefois pas le Sonora XO d’être léger, puisque nous l’avons pesé à 10,23kg sur notre balance.
Du côté des freins par contre, rien à redire, les XT sont fiables et performants. Idem pour les pneus, où on apprécie la monte de Schwalbe Rocket Ron au profil polyvalent plutôt que des profils hyper exclusifs et bien trop légers comme on le voit parfois ailleurs. Enfin, la fourche est une Fox F32 StepCast en version Performance avec la cartouche Grip, moins sophistiquée et plus lourde que la Fit4, mais très performante et agréable sur le terrain.
La gamme Stevens Sonora 2018 compte pas moins de 6 modèles, avec un premier prix en Shimano SLX/XT 2×11 à 2039€ et à 2399€ en Sram GX Eagle 1×12. Juste au-dessus du Sonora XO testé ici, on trouve le Sonora ES Di2 équipé d’un groupe XT électronique pour 3599€. La version XT mécanique est à 2749€ et un modèle en GX/XO Eagle avec fourche F32 Rythm (non Step Cast) est proposé à 2639€.
Stevens Sonora XO : le test terrain
En se plaçant au guidon du Stevens Sonora XO, on se sent au guidon d’un vélo compact qui permet d’emblée de s’amuser et de faire un peu ce qu’on veut avec lui dès les premiers tours de roues. La fourche Fox F32SC est très facile à régler avec sa cartouche Grip simple et efficace qui a aussi tendance à ne pas connaître de soucis avec sa commande au guidon comme beaucoup de modèles Fit4.
Forcément, un des premiers points qu’on s’attache à juger sur ce genre de machine, c’est le rendement. Et là, si on sent que le cadre a de la nervosité, une bonne partie du dynamisme est perdu au niveau des roues, dont on sent qu’elles sont clairement en-dessous des capacités du Sonora XO. Elles manquent de légèreté et leur montage ne leur donne pas la dose de « pep’s » qu’on attend sur un vélo aussi compétitif que celui-là.
Nous avons pris la peine de tester le vélo avec d’autres roues (DT XMC 1200 en carbone) et c’est effectivement une autre histoire ! Mais même des DT1700 ou, mieux, des 1501, auraient suffit à doper les performances sans faire complètement exploser le budget. Dommage.
Et le groupe Sram XO Eagle dans tout cela ? C’est évident qu’il colle bien à la philosophie du vélo et que nous l’apprécions beaucoup pour une pratique XC, ainsi que pour les longues distances pour lesquelles sa cassette 10/50 offre une plage de rapports assez grande pour faire face à toutes les difficultés. Le plateau de 34 dents monté d’origine n’est pas petit, mais il ne nous a jamais paru trop gros ou bloquant. Par contre, nous avons éprouvé pas mal de difficultés à obtenir un réglage parfait et surtout stable dans le temps.
Pour revenir au cadre, si Stevens présente son Sonora comme un vélo de marathon, nous l’avons tout de même trouvé assez dur et exigeant. La filtration des vibrations est loin de celle d’un Specialized Epic HT, notre référence en la matière, de sorte qu’on sent plus vite apparaître la fatigue. La présence d’une tige de selle en alu qui est plutôt du genre costaude n’aide pas non plus, même si elle est en diamètre 27,2mm.
Dans les descentes cassantes, le vélo est aussi pointu à piloter et demande à être tenu d’une main de fer. Soyons de bon compte : l’arrière n’est pas un bout de bois complet qui rendrait le vélo incontrôlable ! Non, mais il faut savoir que c’est un vélo rigide et dont la géométrie, bien qu’équilibrée, n’est pas celle qui va inciter à un pilotage plein d’excentricités quand c’est très technique.
Par contre, dans les enchaînements rapides, le Stevens Sonora se faufile tel un félin et dans les descentes rapides mais pas trop chahutées, il permet bien de lâcher les freins – par ailleurs assez puissants pour bien vous arrêter en toutes circonstances.
Verdict
Le Stevens Sonora XO est un bon hardtail proposé à un tarif contenu, mais son rapport qualité/équipement/prix nous a moins épatés que les autres machines de la marque que nous avons eu l’occasion de tester jusqu’ici. Très bien fini, il manque toutefois un peu de subtilité à nos yeux au niveau du comportement et du confort de son cadre. Dommage aussi qu’on ait l’impression que la présence d’un groupe Sram Eagle XO ait obligé à faire des concessions sur les roues car les DT 1900 ne sont pas au niveau du reste du vélo et le brident au niveau du rendement. Enfin, si le Jura full suspendu nous avait surpris avec un comportement nettement plus fun et enjoué que ses lignes discrètes le laissaient paraître, le Sonora nous a aussi semblé manquer un peu de piment et de personnalité pour véritablement nous conquérir. Moyennant l’achat d’une meilleure paire de roues, il y a toutefois moyen de se monter un vélo très performant, sain et bien équipé pour aller s’aligner sur des courses XC.
Plus d’infos : www.stevensbikes.de