Test nouveauté | Specialized Stumpjumper 15 : muscler son jeu

Par Léo Kervran -

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Test nouveauté | Specialized Stumpjumper 15 : muscler son jeu

Oubliez les Stumpjumper et Sumpjumper Evo, ils ne feront désormais plus qu’un ! Pour la quinzième génération de ce nom iconique, le premier VTT de série de l’histoire, Specialized fusionne les deux plateformes avec l’ambition de ne garder que le meilleur. Géométrie ajustable, amortisseur inédit… Voici tout ce qu’il faut savoir ainsi que nos premières impressions :

Epic, Demo, voire Enduro… Les noms de modèles iconiques ne manquent pas dans la gamme Specialized. Peut-être moins légendaire que l’Epic ou le Demo car plus discret en compétition, le Stumpjumper tient toutefois une place à part dans l’histoire de Specialized, dans celle du VTT tout court d’ailleurs. La première génération, sortie en 1981, faisait en effet figure de premier VTT de série de l’histoire du sport !

A l’image d’autre marques qui ont elles aussi conservé un « vieux » nom (on pense notamment à Scott avec le Genius… qui joue dans les mêmes eaux que le Stumpjumper), le vélo a bien évolué au fil des ans. Sur le plan technique bien sûr, mais aussi et tout simplement au niveau de son positionnement. Tout rigide à sa sortie, le Stump’ s’est ensuite décliné en tout-suspendu en 1993 avec l’apparition du Stumpjumper FSR, qui développait alors à peine 50 mm de débattement (46 mm à l’avant précisément) !

Le tout-rigide est ensuite devenu semi-rigide et les deux modèles ont longtemps continué à cohabiter dans la gamme, le Stumpjumper FSR devenant au fil des années le modèle polyvalent du catalogue tandis que le Stumpjumper HT (pour hardtail, semi-rigide en anglais) se spécialisait dans la compétition XC.

Depuis un moment, on avait pris l’habitude de voir le Stumpjumper tout-suspendu se décliner en plusieurs versions pour répondre à toutes les préférences : 27,5″, 29″ ou pneus « Plus » (sous l’étiquette 6Fattie) puis mulet ou 29″, version Evo avec plus de débattement… Toutefois, début 2024 un nouveau venu s’est invité dans la catégorie des vélos polyvalents chez Specialized : l’Epic Evo !

Toujours basé sur le même cadre que l’Epic de compétition XC, la nouvelle génération de l’Epic Evo s’est musclée au niveau des équipements, ce qui a considérablement fait évoluer ses ambitions (lire Test | Specialized Epic Evo 8 : virage vers le all-mountain)… au point d’aller marcher sur les plates-bandes du « petit » Stumpjumper en 130/140 mm de débattement !

Revoir la gamme et son étagement s’imposait donc afin de retrouver un peu de cohérence. Cependant, supprimer le Stumpjumper et ne garder que le Stumpjumper Evo n’aurait pas fonctionné : d’une part parce que la gamme aurait paru un peu vide sans vélo autour de 140 mm de débattement, et d’autre part parce que si le Stumpjumper avait été l’objet d’un véritable plébiscite de la part du public comme de la presse (lire Test | Specialized Stumpjumper Pro 2021 : plus qu’un digne héritier), le Stumpjumper Evo n’avait pas reçu autant de louanges (Test | Specialized Stumpjumper Evo Expert : à la croisée des chemins) et on pouvait facilement identifier des pistes d’évolution.

Specialized a donc décidé de fusionner les deux plateformes pour ne former plus qu’un seul Stumpjumper, en 145/150 mm de débattement et avec une ambition simple : conserver le caractère du Stumpjumper ancienne génération et lui ajouter les capacités d’absorption du Stumpjumper Evo. Et comme à son habitude, la marque américaine ne s’est pas contentée de faire simple : elle a imaginé avec Fox un tout nouvel amortisseur, censé marier les avantages d’un ressort hélicoïdal  à ceux d’un ressort air comme nul autre auparavant. Vraiment ?

Le cadre : c’est dans les vieux pots…

Vu de l’extérieur, le nouveau Stumpjumper change sans vraiment changer : il perd le bras de renfort asymétrique qui le caractérisait jusque-là, Specialized ayant décidé qu’il était plus intéressant de travailler sur la biellette pour obtenir la rigidité voulue, mais le nouveau cadre paraît curieusement familier. Et pour cause : il affiche les mêmes formes que l’Epic Evo (et l’Epic), ou plutôt que le dernier Levo SL si on tient compte de l’architecture de suspension.

La plateforme technique est celle de l’ancien Stumpjumper Evo : suspension 4 bar linkage version Specialized, le fameux FSR (et non monopivot + biellette comme sur l’ancien Stumpjumper), ajustements de géométrie au niveau des bases et du jeu de direction, montage en 29″ avec mulet possible…

Le parallèle ne s’arrête pas là puisque la géométrie tout entière rappelle le Stumpjumper Evo. Elle fait même mieux que le rappeler puisqu’à 1 ou 2 mm près par-ci ou par-là, elle lui est tout à fait identique : en configuration d’origine, on a 64,5° d’angle de direction, autour de 77° d’angle de tube de selle, 450 mm de reach en taille S3, un boîtier de pédalier à – 38 mm… Seule la longueur des bases évolue un peu, puisqu’elle varie désormais en fonction de la taille du cadre (430 mm en S1, 432 mm en S2, 435 mm en S3 et S4, 445 mm en S4 et S5) alors qu’elle était auparavant fixe à 438 mm.

Signalons au passage que les tailles de roues et le débattement changent sur les plus petites tailles : si ce Stumpjumper est présenté en 29″ (mais compatible mulet) et 145/150 mm de débattement, les tailles S1 et S2 sont montées en mulet d’origine (29″ devant et 27,5″ derrière) et la S1, équivalente à un XS, passe en 140 mm de débattement devant comme derrière (amortisseur en 210×52,5 au lieu de 210×55 mm sur les autres tailles).

Les ajustements de géométrie sont les mêmes, des coupelles interchangeables pour le jeu de direction qui permettent d’avoir au choix 63,5° (coupelle -1°/+1° vers l’arrière), 64,5° (coupelle neutre) ou 65,5° (coupelle -1°/+1° vers l’avant) d’angle de direction, et un flipchip à deux positions entre les bases et les haubans.

Si Specialized dit de lui qu’il fait avant tout varier la hauteur du boîtier de pédalier (- 7 mm en passant de High à Low), il a aussi un effet sur l’angle de direction et l’angle de tube de selle (-0,5°) et le reach (-5 mm). Dans la configuration d’origine, le vélo est monté en coupelles neutres et flipchip High.

Au fait, ces tailles S2, S3… Qu’est-ce que ça signifie ? Avec cette échelle, lancée il y a plusieurs années maintenant, Specialized a voulu sortir du mode de réflexion habituel (qui a dit simpliste ?) « je mesure 1m75 donc je prend un M ». L’objectif du S-Sizing, comme la marque l’appelle, c’est de nous pousser à réfléchir un peu plus sur le choix de la taille de son vélo. Quel est mon terrain de jeu ? Quel est mon style de pilotage ? A quoi ressemble ma pratique ? Comment était la géométrie de mon ancien vélo ?

Des questions qui peuvent influencer le choix de la taille du vélo de façon importante mais qui nécessitent forcément plus d’expérience pour y répondre de façon fiable… ou un peu d’aide.

Retour au vélo. Le Stumpjumper conserve bien sûr sa « boîte à gants », Specialized étant la première marque à l’avoir popularisée, mais il adopte la version remaniée Swat Door 4.0 déjà vue sur l’Epic Evo. La « porte » est plus grande que par le passé et le mécanisme de blocage, qui fonctionne avec un nouveau levier, a été revu.

Les gaines passent en interne (guidées dans le cadre) avec des entrées « classiques » ; on apprécie que Specialized n’ait pas cédé à la mode des passages de gaines à travers le jeu de direction pour ce modèle. En revanche, on apprécie moins qu’il n’y ait plus de passage pour la gaine et le câble de dérailleur : à compter d’aujourd’hui, c’est Sram AXS ou rien sur le Stumpjumper ! A côté de ça, on remarque des protections de cadre généreuses et de belle facture.

Toutefois, la marque ne réussit pas le sans-faute sur le côté pratique : les couples de serrage ne sont pas indiqués sur les vis et certains systèmes de vis/cheminée utilisent la même taille d’empreinte de clé des deux côtés, au niveau de la fixation de l’amortisseur sur le tube supérieur par exemple. Des détails ? Peut-être, mais des détails qui facilitent bien la vie à l’atelier, et quand on prétend être une marque prestigieuse, avec des tarifs et un positionnement haut de gamme, ce genre de détails compte. On ne cachera donc pas une petite déception à ce niveau.

Reste que pour l’instant, ce nouveau Stumpjumper a tout l’air d’un Stumpjumper Evo avec à peine moins de débattement. Comment Specialized s’y est-elle prise pour lui insuffler le caractère vif, joueur et ludique du « petit » Stumpjumper ? La réponse est à chercher du côté de l’amortisseur, avec un produit développé spécialement pour ce vélo.

L’amortisseur Genie : malin mais pas sans contraintes

Si vous avez regardé attentivement les photos qui illustraient la première partie de cet article, vous avez peut-être remarqué que l’amortisseur, particulièrement volumineux, ne ressemblait à rien de connu… Et pour cause. Il s’agit en effet d’un amortisseur inédit, développé par Specialized en partenariat avec Fox. Ses dimensions sont standard, 210×55 mm, mais le fonctionnement l’est un peu moins.

Specialized l’appelle « Genie ». On n’a pas peur des mots chez la marque américaine ! Mieux encore, elle annonce que « la technologie d’amortisseur Genie gère les impacts 21 % mieux que le Stumpjumper Evo » et offre une « traction 57 % supérieure à celle du Stumpjumper Evo ». Ou comment vider un discours de toute sa substance à trop vouloir le simplifier…

Cependant, si on va au-delà de toute cette fanfaronnade, il y a tout de même des choses intéressantes dans cet amortisseur. Steve Saletnik, chef produit au sein de l’équipe Ride Dynamics (le bureau « innovation » de Specialized), nous explique leur approche : « Le ressort à air a énormément d’influence sur comment un vélo fonctionne donc on essaye de travailler là-dessus. Sur ce Stumpjumper, on avait commencé avec un gros volume, on talonnait tout le temps mais on aimait beaucoup le fonctionnement sur le reste du débattement donc on a essayé de voir comment on pouvait s’en sortir. »

La solution, c’est donc ce « Genie » : un amortisseur avec deux chambres d’air qui communiquent entre elles… jusqu’à un certain point. Ensuite, le piston vient bloquer les ports de communication et on ne fonctionne plus que sur la chambre principale. En d’autres termes, un très grand volume, une certaine linéarité (dans la mesure du possible) et une belle sensibilité sur deux tiers du débattement puis un petit volume et plus de progressivité pour la fin de course. Ça paraît complexe mais concrètement, c’est très simple : prenez un petit Fox Float, rajoutez par-dessus le manchon du gros Float X2, percez des trous pour permettre à l’air de circuler entre les deux et vous avez un Fox Float Genie !

C’est donc très différent d’autres systèmes à double chambre d’air, comme celui que Öhlins utilise sur ces fourches par exemple : ici, on gonfle les deux en même temps par la même valve et l’une d’entre elles se ferme à un certain point, au lieu de gonfler les deux séparément et de « débloquer » un volume supplémentaire à un certain point. De part la différence de taille, une fourche a beaucoup plus de volume d’air disponible qu’un amortisseur et les problématiques sont donc différentes.

« Choisir où faire le « ramp up », où fermer la chambre additionnelle, n’a pas été facile », précise Steve Saletnik, en poursuivant : « Quand c’est trop tard ça devient vraiment violent, presque un talonnage avant le talonnage or on cherchait une transition fluide, imperceptible. »

Plus il y a de tokens dans la chambre additionnelle, plus ça ressemble à un Stumpy joueur et vif. Si tu les retires, tu passes sur une suspension très sensible, avec beaucoup de grip.
Steve Saletnik, Specialized Ride Dynamics

En action, cela donne ceci. Notez que ce graphique est celui des forces, et comprend donc à la fois l’amortisseur et la cinématique de suspension. On remarque que face à des courbes plus classiques (ancien Stumpjumper Evo + Float X en jaune et Enduro + Float X2 en gris), le nouveau Stumpjumper avec l’amortisseur Genie dessine un « plateau » à mi-course, avant le passage à une chambre et le raffermissement marqué, ce qui lui permet d’aller chercher des capacités d’absorption proches de celles de l’Enduro, le tout avec moins de débattement que l’Evo.

Pour Specialized, plus on utilise de débattement pour absorber un choc, plus on est en contrôle et cela peut s’entendre… mais sur le papier, cela a aussi des limites : on « avale » très vite la plus grande partie du débattement et on sollicite beaucoup la fin de course. A nouveau, Steve Saletnik intervient : « On s’est aperçu qu’il y a une différence entre la mi-course qu’on imagine et ce qui correspond réellement à la mi-course sur le terrain. En fait, ce qu’on utilise vraiment comme mi-course, ce qui donne du soutien, est décalé un peu plus loin dans le débattement et on a vraiment cherché à travailler cette partie. » A vérifier sur le terrain !

L’anti-squat (indépendant de l’amortisseur) se veut quant à lui beaucoup plus classique et montre un comportement en phase avec le programme du vélo : un peu au-dessus de 100 % au sag pour une suspension peu sensible au pompage et dynamique en relance, et qui termine un peu en dessous de 80 % afin de libérer la suspension en fin de débattement sans qu’elle s’affaisse trop pour autant.

Ce fonctionnement cache aussi une nouvelle possibilité d’ajustement : dans le Genie, on peut mettre des tokens pour contrôler la fin de course comme dans n’importe quel amortisseur… mais on peut aussi mettre des tokens de « mi-course » !

Comme la chambre d’air additionnelle (le manchon de Float X2) est fermée après 70 % du débattement, elle ne joue un rôle que sur ce qui se passe avant. Sa « fin de course » à elle se situe plus ou moins entre 55 et 70 % du débattement complet du vélo donc si on y glisse des tokens, il auront un vrai rôle sur la mi-course de la suspension. « Plus il y a de tokens dans la chambre additionnelle, plus ça ressemble à un Stumpy joueur et vif. Si tu vides la chambre, tu passes sur une suspension très sensible, avec beaucoup de grip », explique Steve Saletnik.

Néanmoins, l’homme se veut rassurant : « On a conçu le vélo pour qu’il soit simple dès le départ, tu fais ton sag à 16 mm et tu peux déjà aller t’amuser. » On remarque par exemple que le Genie a très peu de possibilités de réglages sur l’hydraulique : le rebond, un blocage à deux positions (en bleu), un petit ajustement de la compression sur trois positions (en noir) et c’est tout. Pas de différenciations hautes et basses vitesses, pas de vis accessible uniquement avec une clé… De ce côté, tout est simple et modifiable grâce à des molettes ou des leviers.

De ce côté, car pour celles et ceux qui voudraient s’amuser à explorer les différentes possibilités offertes par les tokens (et on va voir sur le terrain que plus qu’un jeu, c’est en fait un passage nécessaire), il faut sans cesse ouvrir l’amortisseur ce qui est autrement plus fastidieux que deux tours de clé dans un sens ou dans l’autre.

Specialized Stumpjumper 2025 : modèles, poids et prix

La gamme de ce nouveau Stumpjumper – ou Stumpjumper 15 comme Specialized l’appelle (de la même façon qu’elle parle d’Epic 8, mettant en avant la génération du modèle) – se compose de cinq montages et d’un kit cadre. Tous sont en carbone, version Fact 11m pour celles et ceux qui sont familiers de la marque… mais il serait fort surprenant que cela en reste ainsi vu la popularité du vélo. On imagine donc que comme souvent, la marque ne dévoile que les modèles en carbone dans un premier temps mais que des déclinaisons en aluminium suivront bientôt.

Voici le détail de la gamme :

Stumpjumper 15 Comp, 6500 € et 14,87 kg : Fox Float Performance Genie / 36 Rythm, Sram Maven Bronze, Sram Eagle AXS S1000 / GX, roues Specialized alu avec pneus Specialized Butcher T9 et Eliminator T7 en carcasse Grid Trail, poste de pilotage Specialized, tige de selle X-Fusion Manic.

 

Stumpjumper 15 Expert, 7500 € et 14,47 kg (images de cet article) : Fox Float Performance Elite Genie / 36 Performance Elite Grip X2, Sram Maven Bronze, Sram GX Eagle AXS, roues Roval Traverse sur moyeux DT Swiss 370 avec pneus Specialized Butcher T9 et Eliminator T7 en carcasse Grid Trail, poste de pilotage Specialized / Deity, tige de selle PNW Loam.

Stumpjumper 15 Öhlins, 8500 € et 15,30 kg : Öhlins TTX22 M Coil / RXF38 M.2, TRP DH-R Evo, Sram GX Eagle AXS, roues Roval Traverse sur moyeux DT Swiss 370 avec pneus Specialized Butcher T9 Trail et Eliminator T7 Gravity, poste de pilotage Deity, tige de selle PNW Loam.

Stumpjumper 15 Pro, 9500 € et 13,99 kg : Fox Float Factory Genie / 36 Factory Grip X2, Sram Maven Silver, Sram X0 Eagle AXS, roues Roval Traverse SL 2 sur moyeux Industry 9 1/1 avec pneus Specialized Butcher T9 et Eliminator T7 en carcasse Grid Trail, poste de pilotage Roval / Industry 9 / Deity, tige de selle Bike Yoke Revive.

Stumpjumper 15 S-Works, 13 000 € et 13,56 kg : Fox Float Factory Genie / 36 Factory Grip X2, Sram Maven Ultimate, Sram XX Eagle AXS, roues Roval Traverse SL 2 sur moyeux DT Swiss 240 avec pneus Specialized Butcher T9 et Eliminator T7 en carcasse Grid Trail, poste de pilotage Deity / Roval, tige de selle RockShox Reverb AXS.

Enfin, le kit cadre Stumpjumper 15 S-Works est annoncé à 4500 €. Tous les poids donnés ici correspondent à un montage en taille S4, sans pédales ni porte-bidon. On remarque au passage certains choix d’équipements originaux, comme les tiges de selle PNW sur les modèles Expert et Öhlins et d’autres qui annoncent la couleur, à l’image des freins Sram Maven (alors que sur le papier les Code seraient tout aussi indiqués) ou de la cartouche Grip X2 (plutôt qu’une Grip X) sur les fourches Fox.

Le test du Specialized Stumpjumper 15

Assez parlé de théorie, direction les sentiers ! Nous avons reçu un Stumpjumper 15 Expert une dizaine de jour avant la parution de cet article. C’est trop peu pour avoir eu le temps d’explorer toutes les possibilités offertes par le vélo et vous proposer un test complet comme nous l’entendons mais la météo (relativement) clémente à la rédaction nous a tout de même permis de faire plusieurs sorties à son guidon afin de dégager des premières impressions.

Notez toutefois une différence entre notre vélo et le montage de série, puisque nous étions équipés d’un pneu Specialized Butcher Trail en gomme T7 et non T9 (plus tendre) comme prévu.

Avec le géométrie en configuration d’origine (29″ pour notre taille S4 / coupelles neutres / flipchip High), le Stumpjumper 15 offre une position de pédalage à deux visages. C’est très bien avec l’amortisseur bloqué mais lorsqu’on ouvre la suspension, le vélo s’affaisse un peu trop à notre goût. On pourrait l’accepter sur un enduro mais là, on est sur un vélo qui se veut très polyvalent et bon compagnon en montagne, concurrent des Lapierre Zesty, Scott Genius ou Genius ST, Santa Cruz Hightower, Orbea Occam ou Occam LT…

Ça n’empêche certainement pas de monter mais certains concurrents font mieux dans ce domaine et ça ne facilite pas les choses dans les passages les plus raides. Revers de la médaille d’un amortisseur très souple et sensible ? On peut en tout cas regretter l’absence de position intermédiaire sur le blocage, une position qui se tiendrait un peu plus haut dans le débattement. Un reproche qu’on avait également fait à l’Epic Evo il y a quelques mois, d’ailleurs.

En dehors de cela, ce nouveau Stumpjumper se montre bon grimpeur au train, que ce soit sur la selle ou en danseuse. Comme prévu, le pompage est maîtrisé lorsqu’on est assis sur la selle et quand on se dresse sur les pédales, le cadre est suffisamment rigide pour tenir la position confortablement, sans qu’on ait l’impression que toute l’énergie s’évapore avant d’arriver à la roue.

Les roues constituent clairement le point faible de ce montage déjà haut de gamme (7500 € !) et ça se ressent dans les relances à basse vitesse, mais quand on démarre avec un peu plus de vitesse et d’inertie, ça va beaucoup mieux et les relances deviennent réellement excellentes. Le cadre a du répondant et sur des pédalages courts et explosifs type spéciale d’enduro, c’est un régal !

« Spéciale d’enduro » ? Oui ! Si la forme du discours peut être risible, Specialized a raison sur le fond : malgré le débattement légèrement inférieur, ce Stumpjumper 15 descend encore (bien) mieux que l’ancien Stumpjumper Evo. On ne le doit pas à la géométrie, puisqu’elle est presque identique entre les deux modèles, mais à la rigidité et au fonctionnement de la suspension.

Le nouveau Stumpjumper apparaît en effet bien plus rigide que son prédécesseur, ce qui le rend plus exigeant mais plus solide en pilotage engagé. C’est un peu l’opposé de l’Evo, qu’on avait trouvé peu rigide et super facile quand on n’était pas à l’aise mais qui se désunissait entre les mains de quelqu’un roulant vite (lire Test | Specialized Stumpjumper Evo Expert : à la croisée des chemins), encore plus avec certaines configurations de suspension. Là, le vélo demande un pilotage plus actif mais plus on lui rentre dedans plus il aime ça, il a un vrai caractère de machine pointue super gratifiant… quand c’est ce qu’on cherche.

L’autre volet qui le rend si performant, c’est cette fameuse suspension avec l’amortisseur Genie. Pourtant, nos premiers pas n’ont pas été les plus faciles : le vélo encaissait et avait du grip, beaucoup de grip mais on était tout le temps dans la dernière partie du débattement ce qui donnait une grosse sensation de fermeté, des talonnages très fréquents (néanmoins bien gérés car peu sensibles) et un manque certain de pop ou de réaction sous nos impulsions.

A ce stade, on avait un vélo qui fonctionnait et qui permettait de rouler vite mais qui n’était pas vraiment confortable, et si on s’amusait on sentait bien qu’il manquait quelque chose. Ajouter des tokens dans la chambre additionnelle avait amélioré un peu les choses mais on était encore loin de s’émerveiller. C’est ça les 21 % de meilleure absorption des chocs et l’amortisseur « génial » qui offre le meilleur des deux mondes ?

Sur les conseils de Steve Saletnik, nous sommes alors intervenus sur les « vrais » tokens, ceux de fin de course. C’est un peu plus fastidieux car il faut démonter les deux chambres d’air mais on finit par accéder à l’intérieur de la chambre principale, où on a pu remplacer la cale bleue de 0,2 cm³ par une verte de 0,4 cm³. Remontage, regonflage, retour sur les sentiers et… magie !

Enfin, presque. On doit maintenant réessayer différentes configurations de tokens dans la chambre additionnelle mais on sent clairement qu’on tient une piste. La suspension est moins ferme, plus douce et on ne talonne plus pour un oui ou pour un non. Disons qu’il reste du fine-tuning à faire mais qu’on a maintenant une suspension en phase avec le reste du vélo.

Autrement dit, un vélo qui accélère tout seul en descente, au point que c’en est réellement bluffant pour un 145/150 mm. Un vélo qui veut rouler vite, néanmoins capable de rattraper les erreurs mais d’une façon bien différente de l’ancien Stump’ Evo. Là où l’ancêtre gérait tout seul et trouvait le chemin en se tortillant, le nouveau tirera parti de son grip impressionnant (on peut vraiment tenir des lignes ridicules) et de sa capacité à encaisser pour se refaire en cas de loupé… à condition que la personne à son guidon sache ce qu’elle fait.

Il nous reste encore pas mal de choses à tester, à commencer par ce double visage joueur et ludique / mini-DH vendu par Specialized selon la configuration de l’amortisseur mais on se dirige clairement vers quelque chose d’intéressant. En nous concentrant sur le réglage de l’amortisseur Fox Float Genie, nous n’avons pas non plus essayé les différents ajustements de géométrie. On va continuer à rouler avec le vélo et on espère qu’on aura le temps de vous détailler tout ça plus précisément et de vous faire part de nos conclusions dans un test complet d’ici quelques temps !

Le mot de la fin

Que de changements pour le Specialized Stumpjumper ! Si cette quinzième génération reprend tous les codes de la marque et de nombreux éléments de ses prédécesseurs, elle tient un tout autre discours sur le terrain. Laissant les petits dénivelés à l’Epic Evo, ce nouveau Stumpjumper se pilote comme une machine qui offre bien plus que 145/150 mm de débattement. C’est un vélo qui prend de la vitesse très facilement et qui n’a pas peur des gros impacts, des grosses marches ou de la grosse pente. On pourrait parler de mini-enduro mais il a déjà la géométrie d’un enduro… mini-DH alors ? On doit encore creuser pour voir s’il arrive à se montrer plus accessible ou plus joueur sur les traces ludiques mais pour l’instant, il semble s’inscrire dans la voie tracée par l’Epic Evo et s’adresser aux personnes qui aiment piloter, beaucoup moins à celles et ceux qui cherchent quelque chose qui les amènera en bas en tout confort et toute sécurité, sans recherche de sensation.

Plus d’informations : specialized.com

ParLéo Kervran