JO Paris 2024 | VTT Femmes : Pauline Ferrand-Prévot, un sacre en apothéose

Par Léo Kervran -

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JO Paris 2024 | VTT Femmes : Pauline Ferrand-Prévot, un sacre en apothéose

A Élancourt cette après-midi, Pauline Ferrand-Prévot est arrivée au bout d’un long voyage en remportant, enfin, le titre olympique derrière lequel elle courait depuis si longtemps. Entre programmation froide et émotions intenses, retour en images sur cette course unique :

Enlevez les drapeaux olympiques et cette course ressemblera à n’importe quelle victoire de Pauline Ferrand-Prévot en 2024. A une différence près, l’émotion à l’arrivée ! Invaincue en XCO cette saison (si on met de côté son abandon aux championnats d’Europe), la Française a délivré un nouveau récital pour remporter le titre olympique.

Après un départ très rapide de Loana Lecomte, une stratégie vraisemblablement pensée pour asphyxier les adversaires (bien moins nombreuses qu’en coupe du monde, puisqu’elles ne sont que 36 au départ pour les JO), elles se sont retrouvées à quatre en tête dès le milieu du premier tour : Loana Lecomte donc, avec Laura Stigger, Puck Pieterse et Pauline Ferrand-Prévot.

Nettement plus à l’aise que ses adversaires sur les parties techniques et les sauts, l’Autrichienne a toutefois été la première à payer ces efforts, perdant quelques longueurs avant même le retour sur la ligne de départ.

Décidée à ne pas revivre le scénario des championnats du monde de Glasgow l’année dernière, où elle avait fini 3e derrière Ferrand-Prévot et Lecomte, Puck Pieterse a alors décidé de prendre la course à son compte avec une solide relance à l’entame du deuxième tour… et s’est retrouvée à faire office de rampe de lancement pour Pauline Ferrand-Prévot !

Avec Loana Lecomte distancée de quelques mètres sur l’accélération de la Néerlandaise, c’était le moment où jamais : alors que Puck Pieterse se rasseyait après son effort, la championne du monde s’est dressée sur les pédales. Une contre-attaque académique ! Prises à revers, ses adversaires n’ont pas pu répondre et l’avance de Pauline Ferrand-Prévot a très vite dépassé les 20 secondes puis les 30 secondes.

Derrière, Pieterse et Lecomte ont tenté un moment de s’entendre pour revenir sur la championne du monde mais Puck Pieterse était plus forte et elle s’est vite isolée en deuxième position, repoussant la Française à 6 s à la fin du deuxième tour.

On pensait se diriger vers un podium avec Pieterse en deuxième position et Lecomte en 3e place mais le parcours d’Elancourt est venu mettre son grain de sel dans le déroulé des choses et la lutte pour le podium a finalement réservé bien plus de suspense qu’on le pensait à ce moment.

Accusant le coup après son départ rapide, Loana Lecomte voit revenir sur elle Jenny Rissveds et Laura Stigger à la mi-course. Malheureusement pour la Française, les choses vont prendre un tour beaucoup plus sombre : poussée à la limite par l’allure et par la chaleur, elle chute dans un des gros pierriers du parcours. Prise en charge par les services de secours, elle abandonnera quelques minutes plus tard. L’image peut être impressionnante mais Yvan Clolus, le sélectionneur, donnera heureusement des nouvelles rassurantes à la fin de la course.

 

Après la chute de Lecomte, Pieterse est victime d'une crevaison et la course au podium est relancée !

Un tour plus loin, c’est au tour de Puck Pieterse d’avoir des soucis ! Victime d’une crevaison lente ou d’une perte d’air à l’arrière, la Néerlandaise voit revenir sur elle d’un seul coup Jenny Rissveds, Laura Stigger, Haley Batten et Alessandra Keller. Le temps de rejoindre la zone technique et de se faire dépanner, elle repart avec 40 s de retard sur Rissveds et Batten, qui ont accéléré, et 35 s sur Stigger et Keller avec seulement deux tours encore à couvrir.

Ressortie 7e derrière Evie Richards, Puck Pieterse n’abdique pas pour autant et à l’entame du dernier tour, elle pointe déjà en 5e place. Malheureusement, Batten et Rissveds roulent trop vite devant et Pieterse ne pourra faire mieux que 4e. Cruel dénouement pour celle qui domine la coupe du monde depuis deux ans !

Il faudra attendre la dernière montée du dernier tour pour voir l’Américaine et la Suédoise se départager. Batten accélère, Rissveds résiste bien mais Batten finit par prendre deux ou trois longueurs d’avance avant de plonger dans la descente. C’est peu mais ça suffira pour aller jusqu’au bout !

L’Américaine décroche ainsi la première médaille pour son pays depuis le bronze de Susan Demattei à Atlanta en 1996, l’édition où le VTT XC a fait son apparition au programme olympique. Pour Jenny Rissveds, c’est aussi l’aboutissement d’un long parcours. Titrée à Rio en 2016, passée par les moments très difficiles qu’on connaît, elle a su revenir au plus haut niveau avec la création de sa propre structure, Team 31.

Derrière Pieterse et Evie Richards, respectivement 4e et 5e, Laura Stigger prend la 6e place. L’Autrichienne a tenté sa chance en début de course et elle a longtemps pu prétendre à une médaille mais l’emballage final, dans les deux derniers tours, a été de trop.

Absente lors du triomphe de la Suisse à Tokyo il y a trois ans, Alessandra Keller se classe 7e au sprint devant Samara Maxwell, qui réalise une excellente performance pour ses premiers JO. Championne du monde U23 en titre, la Néo-Zélandaise est dans sa première saison Elites et s’est vue confirmer sa sélection par sa fédération très tard, lors du week-end de coupe du monde des Gets. Voilà qui promet pour les années à venir !

Anne Terpstra est 9e et la Hongroise Blanka Vas, spécialiste du cyclo-cross et passée à plein temps sur route mais très à l’aise en VTT (4e des JO de Tokyo, 2e des championnats du monde U23 en 2020), clôt le top 10.

En revanche, certaines pilotes nourriront certainement un peu de déception ce soir. On pense notamment à Savilia Blunk, 12e, Mona Mitterwallner, 18e ou encore Candice Lill, 20e après avoir cassé sa roue arrière dans le troisième tour. Médaille d’argent à Tokyo et choisie en remplacement du forfait de la tenante du titre Jolanda Neff, Sina Frei se classe seulement 21e aujourd’hui, avec une chute et un problème mécanique. Un résultat malheureusement à la hauteur de sa saison pour l’instant, où elle ne semble pas trouver la clé pour revenir dans le top 10 ou sur les podiums. Côté Belge, Emeline Detilleux prend la 25e place.

Le classement complet est disponible ici : uci.org/competition-details/2024/MTB/70539.

 

On parlait de long parcours pour Jenny Rissveds mais s’il est une athlète qui peut y faire écho, c’est justement Pauline Ferrand-Prévot. La découverte à Londres en 2012, le trop-plein d’émotions, de stress, de douleur (elle a été opérée à deux reprises pour une endofibrose iliaque, en 2019 en 2020) et de fatigue à Rio en 2016, la déception avec une crevaison et des choix matériels difficiles à faire à Tokyo en 2021…

En larmes au début de la cérémonie protocolaire et consolée par Jenny Rissveds elle-même avant de monter sur le podium et de recevoir sa médaille des mains de Maja Wloszczowska, vice-championne olympique à Pékin et Rio, la Française est passé par tous les états dans sa quête olympique.

Paris, c’était sa dernière chance de décrocher le titre olympique — elle a annoncé qu’elle arrêterait la compétition en VTT à l’issue de cette saison — alors elle a mis toutes les chances de son côté. Changement d’équipe début 2023, avec le passage de BMC à Ineos Grenadiers (anciennement Sky), la structure qui a « révolutionné » le cyclisme sur route avec son approche de la performance et les fameux gains marginaux, un vélo conçu spécialement pour elle par Pinarello (lire Pinarello Dogma XC : un VTT radical et atypique !), une préparation complètement décalée qui utilise les coupes du monde comme de simples courses de test ou de préparation… Tout a été mis en place dans un seul but, gagner les JO.

Et ça a payé ! Très concentrée tout au long de la course, elle a dominé l’épreuve comme tous les grands rendez-vous depuis quelques années et ce n’est qu’à l’arrivée qu’elle a laissé transparaître toute l’émotion qu’elle retenait depuis des semaines, des mois, des années mêmes : « Le dernier tour j’avoue que j’ai un peu moins forcé parce que je savais qu’il ne fallait pas que je fasse d’erreur donc j’ai profité quand même à ce moment, donc je suis contente Après c’est vrai que j’étais tellement, tellement concentrée que c’était dur de profiter vraiment du public mais je vais pouvoir en profiter maintenant ! »

Et de revenir sur sa préparation, avec un ton beaucoup plus serein que ce qu’on avait pu entendre lors d’éditions précédentes des JO : « Je fais vraiment ce que j’aime donc c’est le principal, c’est vrai que toute cette préparation ça a été dur mais ça a été aussi beaucoup de plaisir, j’ai vraiment appris à aimer me faire mal à l’entraînement et voilà, pour moi le plus beau ça restera cette préparation. Bien sûr aujourd’hui [c’est beau], mais quoi qu’aurait été le résultat aujourd’hui j’aurais été contente de mon chemin jusqu’à ces Jeux olympiques. »

Même son de cloche du côté d’Yvan Clolus, le sélectionneur de l’équipe de France, entre concentration et satisfaction du devoir accompli : « Beaucoup de concentration ces derniers jours, beaucoup de travail et une fois qu’on l’a fait on se demande si on n’est pas dans un rêve. […] Pauline c’est un destin incroyable, je l’ai toujours dit, ça devait se faire comme ça, ça devait se faire aujourd’hui. Depuis 5 ans elle répond souvent présente aux championnats du monde, 4 sur 5, cette année elle a gagné les 8 XC auxquels elle a participé, elle abandonne juste aux championnats d’Europe où on a eu un petit souci technique, le récital est en route depuis plusieurs mois. Elle était dans sa bulle pour ça, ça lui a demandé énormément d’efforts. » 

Il conclut avec un mot qui se veut rassurant au sujet de Loana Lecomte, après sa chute et son abandon : « Elle reviendra plus forte, ça mettra un peu de temps. Les Jeux c’est une machine à broyer, Pauline l’a connu à Rio, Loana est très forte aussi, elle se relèvera, elle n’a que 25 ans. »

Pour poursuivre votre lecture, voici un retour sur la carrière de Pauline Ferrand-Prévot, jusqu’à son ultime sacre olympique : Portrait | Pauline Ferrand-Prévot : l’or sinon rien !

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ParLéo Kervran