Découverte | Moyeu WhiteCrow Tech : chef, une pression !
Par Olivier Béart -
Et si on pouvait ajuster la pression de ses pneus de VTT tout en roulant ? Idée folle ou véritable avancée, chacun jugera mais c’est toujours réjouissant de voir des passionnés qui se creusent les méninges pour offrir de nouveaux produits et répondre à certains besoins, fussent-ils d’une petite niche de bikers. C’est le cas de Xavier Serret et Etienne Brandt de WhiteCrow Tech, qui ont conçu un moyeu autonome permettant d’ajuster la pression des pneus tout en roulant. Leurs bureaux étant situés non loin de la rédaction belge de Vojo, et leur enthousiasme faisant plaisir à voir, nous sommes allés à leur rencontre.
Chez les amateurs de (très) gros pneus et de fatbike, un débat revient souvent : celui de la pression. Peu gonflé, on a énormément de grip sur terrain difficile, dans le sable et la neige, mais le comportement sur terrain compact ainsi que le rendement sur terrain roulant deviennent problématiques. « Sur des forums spécialisés aux USA et au Canada, j’ai remarqué que beaucoup de gars rêvaient d’un système permettant d’ajuster la pression en cours de sortie, sans devoir s’arrêter et prendre sa pompe. Moi aussi, l’idée a commencé à me séduire et je me suis mis à réfléchir à une solution. »
Alors que la réflexion est bien avancée et que la société avait déjà été créée avec Mathijs Verstraete (ingénieur dans l’automobile) et Rob Bruyndockx (monteur de roues pour le magasin Swooth basé en Flandre), Xavier fait la connaissance d’Etienne Brandt (en photo ci-dessus) chez un ami commun. Tout aussi passionné de vtt, l’idée le séduit et ils décident de s’associer pour donner un coup d’accélérateur supplémentaire au projet.
La jeune startup, dont les bureaux sont situés dans le parc scientifique du Sart-Tilman, à Liège, est aujourd’hui proche du stade de la production de sa première invention : « L’idée est de proposer un système autonome permettant d’ajuster la pression tout en roulant. Il n’y a pas de batterie, pas d’apport externe d’énergie : tout est mécanique », nous explique fièrement Xavier.
Concrètement, le système est composé d’une pompe au principe unique et breveté basé sur un excentrique débrayable (de sorte qu’il n’y ait pas de frottements quand on ne s’en sert pas). Dans le pneu, un système de type Procore gonflé à 5 bars joue le rôle de réserve d’air et de protection de la jante, alors qu’une commande à deux positions située sur le guidon permet de transférer l’air du Procore au pneu ou inversement pour faire varier la pression. Le moyeu joue le rôle d’intermédiaire ainsi que de pompe et il est relié au Procore ainsi qu’au pneu par deux tuyaux indépendants.
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Comme on le voit dans la vidéo ci-dessus, « quand on veut augmenter la pression dans le pneu, qui est en général entre 0,5 et 0,8 bars en Plus ou en Fatbike, on ouvre simplement une vanne qui envoie l’air à haute pression du Procore vers le pneu. On augmente donc facilement la pression dans la partie pneu, en contact avec le sol. Dans l’autre sens, pour faire passer l’air du pneu gros volume vers le Procore et diminuer la pression de roulage, il faut l’aide d’une pompe et c’est là que notre système unique situé dans le moyeu intervient. » Signalons aussi que nous utilisons le terme Procore car le système Schwalbe est aujourd’hui bien connu et c’est actuellement lui qui est utilisé par WhiteCrow Tech, mais la marque a depuis conclu un accord avec Dugast qui leur livrera des enveloppes de boyaux spéciales remplissant cette fonction.
La réalisation du moyeu, en alu 7075 et carbone, est superbe et fait appel à des technologies de pointe, ainsi qu’au savoir-faire d’entreprises essentiellement belges et exclusivement européennes habituées à travailler dans les secteurs aux exigences les plus élevées (aéronautique, médical,…). « La pompe est hyper compacte mais à l’échelle d’un moyeu, elle nécessite d’utiliser le moindre millimètre disponible. Surtout dans un moyeu Boost, car nous proposons notre moyeu pour fatbike mais aussi au format 148×12. Après, cela a aussi des effets bénéfiques car comme les flasques sont hautes et le plus espacées possible, la géométrie du moyeu est optimale et cela aide à monter des roues bien rigides. »
« Nous devons donc avoir des usinages hyper précis et au niveau de la pompe (visible ici au travers du cache plastique de ce modèle de démo), nous utilisons des plastiques de haute qualité qui permettent d’éliminer les frottements et de se passer de joints conventionnels ou de toute forme de lubrification à ce niveau. Il n’y a pas non plus de piston mobile ou ce genre de chose. L’entretien du moyeu est donc très limité », ajoute Xavier. Le but est aussi d’avoir un dispositif capable de fonctionner tant à des températures très basses (-30°) ou très hautes, vu que pas mal de possesseurs de fatbikes habitent et roulent dans des régions au climat extrême. En cas de souci, la pompe peut être retirée et on peut rouler avec le moyeu « vide ». La seule vraie contrainte finalement est qu’il faut forer un deuxième trou dans la jante.
Vu le volume occupé par la pompe, WhiteCrow a conçu un système de roue-libre spécifique, très plat mais de très grand diamètre, qui compte pas moins de 138 points d’engagement. « On rivalise avec des Chris King ou Industry Nine à ce niveau. Et je peux même dire qu’on utilise des matériaux ainsi que des techniques de construction encore un cran au-dessus de ces références », précise Xavier Serret.Le moyeu, bien que volumineux, ne pèse que 300g de plus environ qu’un moyeu classique. C’est moins, par exemple, qu’un Rohloff, et ce produit ne s’adresse pas vraiment à des vélos de XC hyper légers. « C’est un peu comme une tige de selle télescopique, c’est du poids en plus mais quand on y a goûté, difficile de revenir en arrière. Ici, sur un fatbike, un vélo en pneus Plus ou encore plus sur un ebike, c’est pareil avec notre système », s’amuse Etienne.
Aujourd’hui, le moyeu est prêt et les prototypes ont enchaîné les kilomètres dans toutes les conditions pour valider les choix techniques. Il ne reste que la commande au guidon à peaufiner et WhiteCrow songe même à diffuser les plans du remote en open source afin que d’autres, voire même les acquéreurs du moyeu, puissent la fabriquer eux-mêmes s’ils le souhaitent. « Nous n’avons pas vraiment de plus-value à ce niveau, on ne va pas gagner notre vie avec cela et, avec l’avènement de l’impression 3D, on pourrait imaginer que des gens produisent leur propre commande. Mais nous en aurons aussi une bien entendu. »
Reste la question du tarif, encore à fixer de façon précise, mais qui devrait tourner autour de 1200€. Mais les concepteurs ont des arguments pour le justifier : « Oui, c’est un produit de niche et c’est une grosse somme mais nous ne pouvons pas faire moins vu les coûts de production. Cela dit, nous sommes confiants quand nous voyons des exemples comme les jantes carbone fatbike HED à 1000€ pièce qui se sont vendues comme des petits pains, ou encore les questions des personnes intéressées qui, quand elles viennent nous voir, concernent plus le poids que le prix de l’objet. Nous visons essentiellement l’export et des marchés comme les USA ou la Canada, où le Fatbike est très populaire. Mais en Europe aussi cela pourrait décoller grâce aux vélos électriques. »
L’avenir ? La priorité est de réussir à sortir la première production de moyeux de série et de trouver les investisseurs pour la financer. WhiteCrow ne ferme pas non plus la porte à d’autres développements, comme un affichage en temps réel de la pression du pneu (un peu comme le système Hutchinson – « même si l’idée est de garder le système le plus simple possible pour des questions de fiabilité », insiste Xavier). Une déclinaison pour le moyeu avant est aussi tout à fait envisageable, de même que des déclinaisons de la pompe pour d’autres domaines, industriels notamment. Nous devrions avoir bientôt l’occasion de tester le système, nous vous tiendrons informés.
Pour plus d’infos ou si vous avez des questions : http://whitecrow-tech.com