Coupe du monde VTT 2025 : l’ère Warner Bros. ?

Par Léo Kervran -

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Coupe du monde VTT 2025 : l’ère Warner Bros. ?

Accrochez-vous bien, la coupe du monde pourrait changer de visage en 2025 ! Après deux ans d’observation et de petits changements, l’organisateur, promoteur et diffuseur du circuit Warner Bros. Discovery semble avoir décidé de pousser les choses un cran plus loin avec une refonte complète de certains aspects… voire de certaines disciplines. Un document de travail a fuité et nous avons pu le consulter, on vous explique tout :

Les changements généraux

Le document de Warner Bros. Discovery que nous avons pu consulter évoque l’idée d’une réforme pour les coupes du monde de VTT à partir de 2025. Ce n’est pas un support de communication officiel et à ce titre, tout ce qu’on vous présente ici est à prendre avec un certain niveau de recul.

Cependant, au vu du fonctionnement de la société ces dernières années et du niveau de détail qu’on trouve dans le document, on peut supposer que bon nombre de choses pourraient voir le jour officiellement. Cette « réforme » concerne de nombreux aspects du fonctionnement des coupes du monde de VTT, qu’on peut classer en trois catégories : ce qui concerne l’organisation d’ordre général, des changements spécifiques à chaque discipline et enfin une refonte complète du statut des équipes.

Dans les premiers, on remarque d’abord un changement presque anecdotique mais qui dit beaucoup de l’attention portée aux détails par la société américaine, et de sa volonté de réformer en profondeur notre sport : la suppression des podiums à 5 pour revenir à 3 pilotes, comme cela se fait dans le reste du monde sportif.

Certainement par souci de cohérence ? On trouve cependant dommage de supprimer ce détail original, qu’on doit à la 5e place de Cadel Evans à seulement 17 ans lors de la coupe du monde de Cairns en 1994 (lire The cycling legends and the five-person podium, en anglais) et qui fait tout simplement partie de l’histoire du VTT.

Egalement dans le domaine de la communication, le document propose aux pilotes qui ont gagné au moins une épreuve de coupe du monde de choisir un numéro fixe (et même une couleur associée) pour toute la durée de leur carrière en VTT. Le n°1 resterait toutefois réservé à l’athlète en tête du classement général, et porté « par-dessus » le numéro fixe si il ou elle a déjà remporté une coupe du monde.

Plus important, les règles de participation seraient complètement revues. A l’échelon individuel (hors équipes autorisées ou quota des fédérations nationales), l’engagement sur base du nombre de point UCI (60 points minimum en XCO Elites, 40 points minimum en DH Elites…) disparaîtrait au profit d’une sélection basée sur la position au classement :

  • En XC, la coupe du monde ne serait plus ouverte qu’aux pilotes dans le top 100 UCI chez les Elites, et dans le top 200 UCI en U23. Les champions nationaux, continentaux, olympiques et du monde bénéficieraient néanmoins d’une dérogation à cette règle.
  • En DH, seul le top 50 UCI pourrait s’inscrire chez les Elites et le top 100 UCI chez les Juniors, avec la même exception pour les titres nationaux, continentaux et du monde.

Cette règle pourrait réduire considérablement le nombre d’athlètes engagés, notamment en descente : aux Gets, on comptait par exemple 173 pilotes au départ des qualifications en DH Elites hommes. Une volonté d’élitisme assumée par Warner Bros. Discovery, qui propose heureusement une solution afin de construire une forme de « route » vers la coupe du monde.

Cette solution serait une nouvelle série continentale, en XC et en DH, avec 4 à 8 manches par continent. Elle serait l’échelon intermédiaire entre les circuits nationaux et la coupe du monde, un passage logique et incontournable qui permettrait aux meilleurs de se qualifier pour la coupe du monde, pour une manche de la saison en cours (top 5 de chaque manche) ou toute la saison suivante (top 5 du classement général) selon leurs résultats.

Un nouveau circuit continental pour compenser l'élitisme de la coupe du monde ?

Le document trace les contours de ce nouvel échelon : des épreuves de classe HC « dans la mesure du possible »,  une participation ouverte et « non limitée aux seuls coureurs de ce continent »  et enfin la « parité entre les confédérations », avec les 4 meilleures manches de chaque athlète qui compteraient pour le classement final même s’il y a plus de manches.

Pour ces séries continentales, l’implication de Warner Bros. Discovery s’arrête là. Dans son document, la société indique que leur organisation reviendrait aux fédérations nationales et continentales.

Les nouveautés spécifiques à chaque discipline

Enduro

C’est en enduro qu’on trouve les plus gros changements, puisque Warner Bros. Discovery parle tout simplement de modifier complètement la discipline. Le document évoque ainsi des parcours taillés pour des « vélos en 140-160 mm de débattement et des fourches 36 mm » et « des épreuves de 4 à 6 heures ».

Dans les équipes, on s’agite déjà pour tenter de savoir si ce débattement sera règlementaire ou si cela ne fait que décrire une tendance, une direction à suivre pour les organisateurs, mais la volonté est claire : arrêter la course au « toujours plus » qu’on voit aujourd’hui au niveau du matériel. Ce serait aussi un retour aux racines du sport, à l’enduro tel qu’il l’était dans les premières saisons du circuit EWS il y a une dizaine d’années.

Par ailleurs, les épreuves e-bike (E-Enduro) disparaîtraient du calendrier de la coupe du monde pour 2025, officiellement une « pause » le temps de trouver un nouveau format. La discipline resterait cependant au programme des championnats du monde (sur lesquels WBD n’a pas de prise puisqu’ils sont gérés par l’UCI) ainsi qu’en catégorie Open, la course ouverte à toutes et tous sur le même parcours que la coupe du monde.

Enfin, la catégorie U21 (moins de 21 ans) spécifique à l’enduro serait remplacée par une catégorie U18 / Junior pour s’aligner sur ce qui se fait en DH et avoir ainsi le même fonctionnement pour les deux disciplines « gravity ».

DH

En descente, Warner Bros. Discovery propose un nouveau fonctionnement pour remplacer les demi-finales, une nouveauté introduite cette année mais toujours très critiquée alors qu’on arrive en fin de saison. A partir de 2025, le principe serait celui de la « deuxième chance » : un premier run de qualification (Q1) qui laisse passer le top 20 hommes et le top 20 femmes en finale puis un deuxième run (Q2) avec les pilotes restants, qui envoie 10 hommes et 5 femmes de plus en finale. La finale serait disputée le lendemain de ces qualifications, et on note que cela ferait 5 femmes de plus en finale qu’à l’heure actuelle (pas de changement chez les hommes).

Avec l’arrivée de cette deuxième chance, WBD souhaiterait supprimer le statut de pilote protégé, qui assure aux meilleurs du classement général une place en finale même en cas de problème lors des qualifications (chute, souci mécanique…). L’idée de ce statut était louable afin d’assurer un beau spectacle mais on a pu voir certains pilotes en abuser à certaines occasions, à l’image de Finn Iles à Leogang cette année : blessé au pouce lors des entraînements, le Canadien a profité de son statut de pilote protégé pour faire l’impasse sur les qualifications et demi-finales (et s’économiser vis-à-vis de ses adversaires)… avant de prendre la 2e place de la finale !

XC

Enfin, en XC, c’est l’organisation du week-end qui est revue : à compter de 2025, le XCC devrait être disputé la veille du XCO pour toutes les catégories (le samedi pour les Elites, le vendredi pour les U23) si le site n’accueille qu’une coupe du monde de XC, et le vendredi pour tout le monde s’il y a aussi une coupe du monde de DH. Par ailleurs, sur ces manches dites « doubles », le XCO U23 (couru le dimanche matin avant les Elites) ne serait plus retransmis.

On remarque par ailleurs que le XC Marathon n’est jamais mentionné dans le document. Décidément, la discipline a bien du mal à exister auprès des instances dirigeantes…

Les équipes, coeur de la réforme

On l’évoquait un peu plus tôt, un gros volet du document concerne les équipes, leur nombre et leur place dans le fonctionnement des coupes du monde.

Pour commencer, les structures d’enduro et de DH seraient regroupées dans la même catégorie, les « Gravity Team ». Cela a son importance, car de ce qu’on comprend, cela pourrait limiter considérablement le nombre de structures : au lieu d’avoir 20 équipes « Enduro » et 20 équipes « DH » par exemple, il y aurait seulement 20 équipes « Gravity » autorisées à courir en enduro et en DH.

Cela va toutefois un peu à contre-courant de la refonte du format de l’enduro, qui s’éloignerait de la DH avec des parcours prévus pour des vélos plus légers et à plus petit débattement. Ce point reste donc un peu flou et on espère qu’il sera bientôt clarifié avec une communication officielle.

L’autre nouveauté importante, c’est la réduction du nombre d’équipes au plus haut niveau : on dénombre aujourd’hui 51 équipes « UCI MTB Elite », XC et DH confondus mais Warner Bros. Discovery souhaiterait réduire à 40 « UCI MTB World Series Team » au total, répartis en 20 Gravity Teams (enduro et DH) et 20 Endurance Teams (XCO et XCC). Toutes les autres équipes seraient à l’échelon d’en dessous, « UCI MTB Team ».

Entre les deux, une différence de taille : les 20 UCI MTB World Series Team en Gravity et en Endurance participeraient à toutes les coupes du monde, au contraire des autres qui devraient se concentrer sur les séries continentales et compter sur des invitations pour prendre le départ d’une coupe du monde. Les premières seraient en relation avec WBD directement, à qui elles payeraient des frais qui comprendraient la gestion du paddock, des offres de logement, les inscriptions des athlètes sur les coupes du monde et accréditations ou encore les droits d’image et de diffusion, tandis que les secondes seraient en relation avec l’UCI et les organisations de chaque épreuve, « à l’ancienne ».

Vous suivez ? Les choses se compliquent lorsqu’on se penche sur l’attribution du statut UCI MTB World Series Team. Pour Warner Bros., l’idée serait d’inviter le top 15 du classement des équipes à rejoindre le statut pour un ou deux ans (suivant leur position) et d’avoir ensuite 5 « Wild Cards » pour des invitations valables à l’année, choisies parmi les équipes UCI MTB Team sur des critères bien précis que nous reproduisons ici :

  • Classement UCI des équipes, saison en cours et saison précédente,
  • Profil des athlètes individuels,
  • Composition de l’équipe (catégories et genres des athlètes),
  • Profil des sponsors de l’équipe (hors de l’industrie, envergure mondiale, etc.),
  • Profil médiatique de l’équipe (réseaux sociaux, etc.),
  • Problèmes de blessures survenus au cours de la saison actuelle ou de la saison précédente,
  • Antécédents en matière de lutte contre le dopage.

Ces 15 équipes World Series et 5 équipes invitées formeraient, pour chaque catégorie d’épreuve (Endurance / Gravity), les 20 équipes autorisées à courir en coupe du monde toute la saison.

A celle-ci, il faut ensuite rajouter pour chaque manche de coupe du monde 8 invitations supplémentaires pour des UCI MTB Teams, selon les mêmes critères que précédemment et en y ajoutant le pays d’origine de l’équipe ainsi que son classement dans sa série continentale. En d’autres termes, des invitations pour des équipes performantes à l’échelon continental et avec un certain attachement local.

Le document indique aussi qu’il serait possible pour un UCI MTB World Series Team de se lier à un UCI MTB Team afin de le reconnaître comme « équipe de développement » et de faciliter la participation de ses pilotes aux coupes du monde.

En effet, la structure même des équipes serait revue. Pour être autorisée à s’enregistrer sous l’un de ces statuts, une équipe devrait compter entre 3 et 10 pilotes et les UCI MTB World Series Team doivent s’engager à avoir un ou une pilote sur chaque coupe du monde de la saison. Par ailleurs, il ne pourrait y avoir plus de 4 pilotes d’une même équipe engagés sur la même course dans la même catégorie (U23 hommes, Elite femmes…).

Enfin, une équipe UCI MTB Word Series Team pourrait inclure un ou une pilote de son équipe de développement dans cette limite de 4 pilotes autant de fois qu’elle le veut dans la saison, et engager jusqu’à 5 athlètes au lieu de 4 deux fois dans la saison.

Quels objectifs ?

Quand l’UCI avait donné les clés de la coupe du monde à Warner Bros. Discovery, on savait que de tels changements étaient possibles. La société n’a jamais masqué ses ambitions de transformer complètement le VTT, prenant certainement pour modèle le retour au premier plan de la Formule 1 ou, plus proche de nous, le regain d’enthousiasme pour le Tour de France. Dans le document, elle détaille six objectifs qui permettent de comprendre un peu mieux sa vision :

  • Élever la Coupe du Monde UCI : Élever le sommet du sport grâce à des courses plus ciblées. Célébrer les meilleurs coureurs et équipes du monde
  • Créer un parcours : Construire un parcours sportif solide pour les coureurs et les équipes.
  • Engagements pluriannuels envers les équipes : Soutenir la planification à long terme, la budgétisation, les contrats des athlètes, le développement des infrastructures.
  • Priorité aux équipes : Meilleure exposition des marques, valeur accrue des équipes
  • Règles claires, construction de l’identité des coureurs : Augmenter la promotion des pilotes, construire des héros et augmenter l’engagement des fans.
  • Promotion : Offrir plus d’opportunités pour le marketing, les médias et l’engagement des fans

Lesquels de ces changements verront vraiment le jour l’année prochaine ? A quoi faut-il encore s’attendre ? La saison de coupe du monde touche à sa fin puisque celle d’enduro vient de se terminer et celles de XC et DH ont leur finale dans trois semaines, au Mont-Sainte-Anne (5-6 octobre). On espère une communication officielle de Warner Bros. Discovery à cette occasion mais on sait aussi qu’il faut parfois se montrer patient avec l’organisation. Quoi qu’il en soit, on ne manquera pas de vous tenir au courant !

ParLéo Kervran